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27/05/2019 | FRANCE | N°18MA00742

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 27 mai 2019, 18MA00742


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 février 2018 et 24 avril 2019, la Sas Distribution Casino France, représentée par Me D...de la selarl Concorde avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 21 novembre 2017 visant à autoriser la Sas Socodag II à procéder à l'extension de la surface de vente d'un ensemble commercial existant, par l'extension de 2 420 m2 de la surface de vente de l'hypermarché à l'enseigne E. Leclerc, sans extension de la surface de plancher,

portant la surface de vente totale de l'hypermarché à 7 420 m2 , ainsi que l...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 février 2018 et 24 avril 2019, la Sas Distribution Casino France, représentée par Me D...de la selarl Concorde avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 21 novembre 2017 visant à autoriser la Sas Socodag II à procéder à l'extension de la surface de vente d'un ensemble commercial existant, par l'extension de 2 420 m2 de la surface de vente de l'hypermarché à l'enseigne E. Leclerc, sans extension de la surface de plancher, portant la surface de vente totale de l'hypermarché à 7 420 m2 , ainsi que la régularisation de l'extension de 685 m2 de la surface de vente, portant la surface de vente totale de l'ensemble commercial à 8 205 m2 sur le territoire de la commune de Cogolin ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la Sas Socodag II le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article R. 752-36 du code de commerce ont été méconnues, dès lors qu'il n'est pas démontré que les signataires des avis disposaient d'une délégation de signature ;

- le dossier de demande est imprécis et incomplet ;

- le projet ne comporte aucune étude sur les conditions de circulation en période touristique et notamment estivale.

- le projet a un impact négatif sur l'animation de la vie urbaine et porte atteinte aux centres-villes des communes de la zone de chalandise, dès lors qu'il vise seulement à prélever la clientèle des commerces traditionnels et compromet ainsi le maintien des activités alimentaires de centres-villes, ainsi que le rééquilibrage de l'agglomération ;

- l'offre commerciale dans la zone de chalandise est déjà très dense ;

- le projet générera un trafic supplémentaire important sur les voies d'accès et créera un risque sécuritaire pour les futurs clients de l'ensemble commercial ;

-le projet n'est pas accessible aux modes de transport dit doux, dès lors qu'aucune piste cyclable ne dessert le projet, et qu'il n'est pas démontré que le projet soit accessible par des cheminements sécurisés ;

- le projet méconnaît l'insertion du projet dans son environnement, notamment du vieux village;

- le projet n'améliore pas la qualité environnementale de son bâtiment, notamment sur le plan des performances énergétiques ou du recours aux énergies renouvelables ;

- le projet risque d'accroître les nuisances sonores et visuelles pour les habitations alentours en raison de l'augmentation des livraisons.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2019, la Sas Socodag II, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pecchioli,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- les observations de MeA..., pour la Sas Distribution Casino France et de Me H... pour la Sas Socodag II.

Considérant ce qui suit :

1. la Sas Socodag II a déposé auprès de la commission départementale d'aménagement commercial (Cdac) du Var une demande d'autorisation de réaliser une extension de 2 420 m2 portant la surface de vente du magasin à 7 420 m2, incluant la régularisation des 685 m2 réalisée au titre de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. Par une décision du 19 juin 2017, la Cdac du Var a autorisé l'extension projetée. Cette autorisation de la Cdac a été contestée devant la Commission nationale d'aménagement commercial (Cnac) par la Sas Distribution Casino France, qui exploite sur le territoire de la commune de Cogolin un supermarché à l'enseigne Casino. La Cnac a, d'une part, autorisé le projet et, d'autre part, rejeté ce recours par une décision du 21 novembre 2017. La Sas Distribution Casino France demande l'annulation de cette autorisation.

Sur la légalité de la décision du 19 juin 2017 :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. La Sas Distribution Casino France fait valoir qu'il n'est pas démontré que les signataires des avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce disposaient d'une délégation de signature. Toutefois, et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que Mme B...C..., qui a signé l'avis du ministre de l'urbanisme, bénéficiait d'une délégation de signature suivant décision du 5 avril 2016 portant délégation de signature publiée au Journal officiel de la République française n° 0083 du 8 avril 2016 et, d'autre part, que M. G... E...qui a signé l'avis du ministre du commerce bénéficiait également d'une délégation de signature en vertu de l'arrêté du 29 juin 2011 portant délégation de signature publié au Journal officiel de la République française n° 0153 du 3 juillet 2011. Dans ces conditions les moyens tirés de l'incompétence desdits signataires ne peuvent qu'être rejetés.

En ce qui concerne la légalité interne :

3. En premier lieu, la Sas requérante fait grief au dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale de ne pas être assorti de précisions suffisantes voire d'être incomplet s'agissant des effets de l'extension sur les flux de trafic journaliers aux abords du site, de la présentation de la desserte du site par les modes de transport dit " doux " et pour apprécier l'insertion du projet par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, de son impact visuel et du traitement des accès. Or contrairement à ce que soutient la société requérante, si l'examen du dossier révèle une présentation peu ordonnée, sa composition détaillée, notamment eu égard au nombre élevé de cartes, n'est pas insuffisante et comportait toutes les informations utiles et complètes pour permettre à la Cnac d'effectuer son appréciation. S'il est vrai que le projet ne comporte aucune étude sur les conditions de circulation en période touristique et notamment estivale, une telle lacune ne saurait être regardée comme ayant à elle seule nuit à la bonne information de la Cnac, compte tenu de la nature du projet constituée d'une extension, sans création de surface de plancher, ni augmentation du nombre de places de stationnement. Ce moyen doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, la société requérante soutient que cette extension, surtout celle concernant la création de l'espace culturel, aura un impact négatif sur l'animation de la vie urbaine et porterait atteinte aux commerces des centres-villes des communes de la zone de chalandise. Or, il ressort, tout d'abord, des pièces du dossier que cet espace culturel existait déjà, non dans le centre commercial lui-même mais dans la galerie marchande. Ensuite, l'extension de cet ensemble commercial, qui bénéficie d'un ancrage historique certain, devrait permettre au contraire de sédentariser les consommateurs locaux et saisonniers aux abords du centre-ville, ce dont pourront bénéficier également les commerces traditionnels qui s'y trouvent. En outre, même si les contrats de partenariats entre le supermarché et les commerçants du centre-ville de Cogolin n'ont pas été produits aux débats, l'implication de l'ensemble commercial dans l'animation de la vie locale est attestée notamment par le rapport de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) qui fait état du développement de nombreux partenariats avec les associations locales, les commerces de centre-ville et les communes voisines. Dans ces conditions, l'impact négatif sur l'animation de la vie urbaine allégué n'est pas établi. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'émergence d'un déséquilibre avec les commerces du centre-ville doit être écarté.

5. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de la densité des surfaces soumises à autorisation commerciale est inopérant, ne figurant plus au nombre des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

6. En quatrième lieu, et contrairement à ce que soutient la Sas requérante, l'ensemble des carrefours permettant d'accéder au site de l'ensemble commercial présente des réserves de capacité supérieures à 20%, donc largement positives, y compris aux jours de haute fréquentation que sont le vendredi et le samedi, et aux heures de pointe. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'augmentation du trafic routier généré par le projet aurait des conséquences notables sur les conditions actuelles de trafic. Il s'ensuit que le moyen tel qu'il est formulé, tiré de l'aggravation des conditions de circulation ou de la création de risques sécuritaires importants doit être écarté.

7. En cinquième lieu, les plans fournis par le pétitionnaire montrent l'accessibilité, grâce notamment à des trottoirs et des passages piétons, du magasin objet de l'extension, lequel se situe d'ailleurs en continuité immédiate du village. S'il n'y a pas de pistes cyclables, notamment en raison de la situation du projet en proximité immédiate du centre-ville ancien, la desserte par les transports en commun est satisfaisante, dès lors qu'un arrêt de bus se situe à proximité immédiate du magasin, à moins de soixante-dix mètres de son entrée et que huit lignes de bus desservent cet arrêt, plusieurs fois par jour le matin et l'après-midi.

8. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier et des photographies jointes que le bâtiment en cause qui conserve globalement sa structure architecturale aura un impact visuel quasiment identique à l'ancien. Par ailleurs, ce projet, qui ne porte qu'extension de la surface de vente, prévoit également la plantation de vingt-quatre arbres supplémentaires, une végétalisation de l'entrée et de la toiture ainsi que l'implantation de différents massifs en limites de propriété. Le moyen tiré de la mauvaise insertion du projet dans son environnement doit donc être écarté.

9. En septième lieu, si le projet en cause n'améliore pas de manière significative la qualité environnementale du bâtiment, notamment sur le plan des performances énergétiques ou bien par le recours aux énergies renouvelables, il n'est toutefois pas dénué de toute mesure favorisant l'emploi de techniques de développement durable, usant notamment du recyclage des emballages et de la réduction des déchets d'emballage. La mise en place de nouveaux meubles frigorifiques permettra également la réduction de la consommation d'énergie électrique de l'ordre de 15% par rapport à la consommation totale du magasin et la pose de laine de roche permettra une meilleure isolation de la structure. Dans ces conditions, le moyen tiré de la mauvaise qualité environnementale du bâtiment ne saurait être retenu.

10. En huitième et dernier lieu, les nuisances sonores et visuelles ne seront pas augmentées de manière significative par le projet, lequel entraînera seulement quatre livraisons supplémentaires par jour hors saison, et huit en période estivale.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'autorisation d'extension du 21 novembre 2017 émise par la Cnac.

Sur les frais de l'instance :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société requérante demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la Sas Socodag II et de l'Etat qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance.

14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la Sas Socodag II le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la Sas Socodag II.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la Sas Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : La Sas Distribution Casino France versera à la Sas Socodag II une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Sas Distribution Casino France, à la Sas Socodag II et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2019, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 mai 2019.

2

N° 18MA00742


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00742
Date de la décision : 27/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-01-02 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial. Champ d'application. Extension.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SELARL CONCORDE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-05-27;18ma00742 ?
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