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24/05/2019 | FRANCE | N°18MA02616

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 24 mai 2019, 18MA02616


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 par laquelle l'assemblée de Corse a approuvé le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) et de mettre à la charge de la collectivité de Corse une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600719 du 5 avril 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande.
>Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2018, M.A..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 par laquelle l'assemblée de Corse a approuvé le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) et de mettre à la charge de la collectivité de Corse une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600719 du 5 avril 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2018, M.A..., représenté par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 5 avril 2018 ;

2°) d'annuler la délibération du 2 octobre 2015 par laquelle l'assemblée de Corse a approuvé le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) ;

3°) d'annuler la décision implicite de rejet du 26 mars 2016 ;

4°) subsidiairement d'annuler la délibération du 2 octobre 2015 en tant seulement qu'elle classe ces parcelles en espace stratégique agricole ;

5°) de mettre à la charge de l'assemblée de Corse la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas disposé d'un temps suffisant pour répliquer aux écritures de la collectivité de Corse et en ce que le tribunal a omis de répondre à un moyen ;

- la délibération est insuffisamment motivée ;

- les cartes du PADDUC sont insuffisamment précises ;

- la délibération méconnait le principe constitutionnel de non tutelle d'une collectivité sur une autre ;

- les conclusions des commissaires enquêteurs ont été dénaturées sur la carte des ESA dès lors que les réserves n'ont pas été levées ;

- la collectivité a commis une erreur manifeste d'appréciation sur le classement des terrains en ESA.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2018, la collectivité de Corse, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à titre subsidiaire à ce que la délibération ne soit que partiellement annulée, et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. A...ne justifie pas de son intérêt pour agir ;

- le jugement n'est pas irrégulier ;

- les autres moyens de M. A...ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que " Par un jugement du 1er mars 2018, n° 1600464, le tribunal administratif de Bastia a annulé " La délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 ... en tant qu'elle arrête la carte des espaces stratégiques agricoles ". Aucun autre document du padduc que les cartes des espaces stratégiques agricoles ne permet de délimiter les espaces stratégiques agricoles. M. A...demande l'annulation totale de la délibération du 2 octobre 2015. Dans la mesure où le jugement n° 1600464 du 1er mars 2018 est devenu définitif, tout comme l'annulation qu'il prononce, les conclusions de M. A...en tant qu'elles concernent la carte des espaces stratégiques agricoles sont devenues sans objet. ".

Par un mémoire, enregistré le 28 avril 2019, M.A..., représenté par MeD..., a conclu comme précédemment, et s'en remet à la sagesse de la Cour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marcovici,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la collectivité de Corse.

Une note en délibéré présentée par MeC..., pour la collectivité de Corse, a été enregistrée le 7 mai 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...relève appel du jugement du 5 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande d'annulation de la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir ;

En ce qui concerne l'étendue du litige :

2. Par un jugement du 1er mars 2018, n° 1600464, le tribunal administratif de Bastia a annulé " La délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 ... en tant qu'elle arrête la carte des espaces stratégiques agricoles ". Aucun autre document du PADDUC que les cartes des espaces stratégiques agricoles ne permet de délimiter les espaces stratégiques agricoles. En effet, les critères figurant tant dans le règlement que dans les livrets, s'ils désignent les critères d'éligibilité aux ESA ne permettent pas de déterminer ou d'identifier lesdits espaces avec certitude. En l'espèce, M. A...demande l'annulation totale de la délibération du 2 octobre 2015. Dans la mesure où le jugement n° 1600464 du 1er mars 2018 est devenu définitif tout comme l'annulation qu'il prononce, les conclusions de M. A...en tant qu'elles concernent la carte des espaces stratégiques agricoles sont devenues sans objet.

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. Le requérant se borne à soutenir que l'égalité des armes aurait été méconnue dès lors que la collectivité de Corse a répliqué à son mémoire introductif à l'issue d'un délai de dix-neuf mois alors que le Tribunal lui a donné seulement dix jours pour y répliquer à son tour, sans lui permettre de prolonger ce délai. Cette circonstance est par elle-même sans effet sur la régularité de la procédure suivie dès lors que le requérant ne soutient pas, et qu'il ne ressort du reste pas des pièces du dossier, qu'elle l'aurait privé de la possibilité de répondre utilement au mémoire produit par la collectivité de Corse.

4. Le paragraphe 3 du jugement attaqué répond au moyen tiré de l'inadaptation de l'échelle des cartes du PADDUC. Le Tribunal n'a donc pas omis de statuer sur ce moyen.

5. La censure de la délibération du 2 octobre 2015 en tant qu'elle arrête les ESA n'a pas pour conséquence nécessaire l'annulation de la totalité de ladite délibération, dès lors que les dispositions et les cartes associées, relatives aux espaces stratégiques agricoles, présentent un caractère divisible de l'acte attaqué.

6. Au total, le jugement n'est pas irrégulier.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

7. La délibération du 2 octobre 2015 présente un caractère réglementaire. Elle n'est pas soumise à l'obligation de motivation prévue par les dispositions générales de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur et dont la teneur a été reprise aux articles L. 211-1 à L. 211-8 du code des relations entre le public et l'administration. Il en résulte que les moyens tirés de ce que la délibération ne donne pas de précisions sur la levée des réserves émises par le rapport des commissaires enquêteurs et de l'absence de motivation de la délibération ne peuvent qu'être écartés.

8. Aux termes du II de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales : " Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse peut, compte tenu du caractère stratégique au regard des enjeux de préservation ou de développement présentés par certains espaces géographiques limités, définir leur périmètre, fixer leur vocation et comporter des dispositions relatives à l'occupation du sol propres auxdits espaces, assorties, le cas échéant, de documents cartographiques dont l'objet et l'échelle sont déterminés par délibération de l'Assemblée de Corse (...) ". Ces dispositions confient à l'assemblée de Corse, sous le contrôle du juge administratif, le soin de déterminer l'échelle de la carte des espaces stratégiques limités présentant un caractère stratégique au regard des enjeux de préservation et de développement et ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-597 QPC du 25 novembre 2016. Aux termes du III de l'article L. 4424-9 du même code : " Les schémas de cohérence territoriale et, en l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme, les schémas de secteur, les cartes communales ou les documents en tenant lieu doivent être compatibles avec le plan d'aménagement et de développement durable de Corse, notamment dans la délimitation à laquelle ils procèdent des zones situées sur leur territoire et dans l'affectation qu'ils décident de leur donner, compte tenu respectivement de la localisation indiquée par la carte de destination générale des différentes parties du territoire de l'île et de la vocation qui leur est assignée par le plan ". Le PADDUC n'a pas vocation à déterminer la vocation des sols à l'échelle parcellaire, les documents d'urbanisme de rang inférieur ne devant pas se trouver dans une relation de conformité mais de compatibilité en vertu du III de l'article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales précité. Les cartes n'avaient donc pas à permettre de visualiser avec précision la limite entre deux zones par rapport au cadastre et aux limites de propriété. Ainsi, en faisant le choix d'une échelle de 1/50 000 pour la carte des espaces stratégiques, l'assemblée de Corse n'a pas méconnu les principes de libre administration des collectivités territoriales et de prohibition de toute tutelle d'une collectivité sur une autre. Au total le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'une information insuffisante aurait été délivrée au public et que la procédure à l'issue de laquelle le PADDUC a été approuvé serait entachée d'irrégularité.

9. Aux termes de l'article 72 de la Constitution du 4 octobre 1958 : " (...) Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune (...) ". Le moyen tiré de ce que la délibération méconnaitrait le principe de libre administration des collectivités territoriales dès lors que les documents d'urbanisme des communes devront être compatibles avec le PADDUC ne peut qu'être écarté dès lors que cette obligation résulte de l'application de la loi n° 2011-1749 du 5 décembre 2011 relative au plan d'aménagement et de développement durable de Corse, partiellement codifiée aux articles L. 4424-9 à L. 4424-15-1 du code général des collectivité territoriales de Corse, et notamment au III de l'article L. 4424-9 précité. Contrairement aux affirmations de M.A..., les échelles des cartes du PADDUC n'ont, au demeurant, pas pour effet d'instituer un rapport de conformité des documents d'urbanisme des communes au PADDUC. La déclinaison par commune des surfaces agricoles est indicative, comme le précise le schéma d'aménagement territorial page 66 et suivantes et ne méconnait donc pas non plus les principes précités.

10. Le moyen portant sur la dénaturation des conclusions des commissaires enquêteurs développé sur la réserve relative à la carte des ESA ne peut être utilement invoqué en raison de l'annulation prononcée par le jugement définitif n° 1600464 du 1er mars 2018. Il en va de même aussi pour le moyen tiré du classement en ESA des parcelles cadastrées section A n° 441, 445, 1155, 1180 et 1181.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M.A..., en tant qu'elles concernent la carte des espaces stratégiques agricoles.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la collectivité de Corse fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et à la collectivité de Corse.

Copie en sera délivrée à la préfète de Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2019, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 mai 2019.

6

N° 18MA02616


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA02616
Date de la décision : 24/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-001-01-02-06 Urbanisme et aménagement du territoire. Règles générales d'utilisation du sol. Règles générales de l'urbanisme. Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme. Schéma d'aménagement de la Corse.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : ORABONA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-05-24;18ma02616 ?
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