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16/05/2019 | FRANCE | N°18MA01277

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 16 mai 2019, 18MA01277


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 934 045,18 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge par l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille le 23 août 2012.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Pyrénées-Orientales a demandé au tribunal de mettre à la cha

rge de l'ONIAM la somme de 3 202,93 euros au titre des débours.

Par un jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 934 045,18 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge par l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille le 23 août 2012.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Pyrénées-Orientales a demandé au tribunal de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 202,93 euros au titre des débours.

Par un jugement n° 1604050 du 5 février 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 mars 2018, le 28 décembre 2018 et le 4 février 2019, MmeA..., représentée par la SELARL Cabinet Rémy Le Bonnois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 février 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'ONIAM le versement de la somme de 1 939 992,24 euros ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts à compter du 26 octobre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'état séquellaire est en lien avec la radiochirurgie et non avec l'évolution naturelle de la tumeur ;

- le tabagisme n'est pas à l'origine de la complication ;

- le caractère récidiviste de la tumeur ne constitue pas un état antérieur de nature à favoriser la survenue du dommage ;

- le risque présentant une faible probabilité, le critère d'anormalité est rempli ;

- les conséquences de la radiothérapie sont anormales au regard de son état de santé antérieur ;

- elle doit être intégralement indemnisée des préjudices subis.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 décembre 2018 et le 27 février 2019, l'ONIAM, représenté par la SELARL De La Grange et Fitoussi Avocats, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conditions de prise en charge au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies ;

- le dommage ne présente pas un caractère d'anormalité dès lors que, d'une part, en l'absence de traitement, la patiente aurait présenté les mêmes symptômes du fait de l'évolution prévisible de sa pathologie et, d'autre part, la complication présentait une fréquence moyenne de 2 à 3 % ;

- les séquelles ne sont pas imputables à un acte médical ;

- les sommes demandées sont excessives.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées orientales et à MACIF Mutualité qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de Me B...substituant la SELARL Rémy Le Bonnois, représentant MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...atteinte d'un crâniopharyngiome supra-sellaire, a bénéficié d'un traitement chirurgical le 21 janvier 2008 à la polyclinique de Navarre à Pau. Un examen radiologique, réalisé le 22 novembre 2008, a mis en évidence une récidive de la tumeur qui a été traitée par radiochirurgie en conditions stéréotaxiques réalisée à l'hôpital de la Timone, dépendant de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, le 23 août 2012. La patiente a présenté à partir du mois de décembre 2012, des altérations visuelles avec perte fonctionnelle presque totale de l'oeil gauche et amputation majeure du champ visuel inférieur de l'oeil droit. Elle relève appel du jugement du 5 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de condamnation de l'ONIAM à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge par l'établissement de soins.

2. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique :

" Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I (...) n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ". Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code définit le seuil de gravité prévu par ces dispositions législatives.

3. Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.

4. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Provence-Alpes-Côte d'Azur, que Mme A...était atteinte d'un crâniopharyngiome supra-sellaire qui s'aggravait progressivement. Elle était exposée à moyen terme, en l'absence de traitement rapide et compte tenu du caractère inéluctable de l'évolution de la tumeur en direction du chiasma et de la bandelette optique gauche, à une perte totale de la vue. Eu égard à son état initial, la radiothérapie stéréotaxique qu'elle a subi le 23 août 2012 qui a entraîné une altération visuelle majeure moins de six mois après l'intervention n'a pas entraîné de conséquences plus graves que celles auxquelles elle était exposée en l'absence de traitement.

5. D'autre part, la fréquence de survenue de complications ophtalmologiques lors de l'irradiation d'un crâniopharyngiome supra-sellaire est de l'ordre de 2 à 3 %. Ce risque était majoré par le tabagisme chronique de l'intéressée et par la localisation de la tumeur à proximité immédiate des voies optiques. Par suite, le risque qui s'est réalisé ne peut pas être regardé comme présentant une probabilité faible. Les conséquences dommageables qui résultent de cette complication ne sont pas anormales au regard de l'état de santé initial de Mme A...comme de l'évolution prévisible de celui-ci.

6. En l'absence d'anormalité du dommage, les conditions d'indemnisation par la solidarité nationale prévues aux dispositions du II de l'article L. 1142-1 citées au point 2 ne sont pas remplies. Mme A... n'est en conséquence pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande qu'elle a dirigée contre l'ONIAM. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Pyrénées orientales et à la MACIF Mutualité.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2019 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Lu en audience publique, le 16 mai 2019.

4

N° 18MA01277


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA01277
Date de la décision : 16/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : SELARL REMY LE BONNOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-05-16;18ma01277 ?
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