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16/05/2019 | FRANCE | N°17MA03867

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 16 mai 2019, 17MA03867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...A...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner in solidum le centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins et son assureur, la société Axa France, à lui verser la somme totale de 128 711,50 euros en réparation des divers préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge par cet établissement, avec intérêts légaux à la date du 25 mars 2013 et capitalisation de ces intérêts.

La caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes a demandé la condamnation d

u centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins à lui verser, d'une part, la somme de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...A...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner in solidum le centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins et son assureur, la société Axa France, à lui verser la somme totale de 128 711,50 euros en réparation des divers préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge par cet établissement, avec intérêts légaux à la date du 25 mars 2013 et capitalisation de ces intérêts.

La caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes a demandé la condamnation du centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins à lui verser, d'une part, la somme de 12 855,25 euros assortie des intérêts au taux légal au titre de ses débours et, d'autre part, la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1403461 du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 8 septembre 2017, le 16 janvier 2018 et le 9 janvier 2019, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 11 juillet 2017 ;

2°) de condamner solidairement le centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins et la société Axa France à lui verser la somme totale de 128 751,50 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2013 et la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

3°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins et de la société Axa France la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité du centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins est engagée du fait d'un retard initial de prise en charge, d'une faute en l'absence de réalisation d'examens adaptés et en raison de son renvoi prématuré à son domicile, ayant entraîné un retard et une erreur de diagnostic et un retard de prise en charge adaptée, et d'un défaut d'information ;

- il existe un lien de causalité entre ces fautes et la survenance de l'accident ischémique du tronc cérébral ;

- elle a droit à l'indemnisation de l'intégralité des dommages subis au titre des frais d'assistance aux opérations d'expertise et frais divers, de l'assistance par une tierce personne, du déficit fonctionnel temporaire total et partiel, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément.

Par un mémoire en défense et des mémoires enregistrés le 23 octobre 2017, le 26 novembre 2018 et le 5 février 2019, le centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins, représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête de Mme A... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Var ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter l'indemnisation de Mme A... à la somme de 28 863,25 euros ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, ses prétentions indemnitaires sont excessives.

Par deux mémoires enregistrés le 17 novembre 2017 et le 11 janvier 2019, la caisse primaire d'assurance maladie du Var, agissant au nom et pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 11 juillet 2017 ;

2°) de condamner solidairement le centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins et la société Axa France à lui verser, d'une part, la somme de 12 855,25 euros avec des intérêts au taux légal au titre de ses débours et, d'autre part, la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

3°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire de Nice et de la société Axa France la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle a droit au remboursement des prestations versées à Mme A...et au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion.

La requête a été communiquée à la société Axa France qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jorda-Lecroq,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., substituant MeE..., représentant la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Considérant ce qui suit :

Sur le bien-fondé du jugement :

1. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ". Ouvre droit à réparation le dommage corporel résultant de manière directe et certaine de la faute commise par le service public hospitalier. Dans le cas où celle-ci a compromis les chances d'un patient d'éviter l'aggravation de son état, le préjudice en résultant directement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

2. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Nice, que MmeA..., née le 17 septembre 1931, a été examinée le 9 octobre 2012 à 13 heures par son médecin traitant qui a alors rédigé un courrier à l'attention des médecins hospitaliers vers lesquels il la dirigeait, demandant qu'elle soit gardée en observation et que soit réalisé en urgence un examen tomodensitométrique cérébral du fait d'un tableau de céphalées, vomissements itératifs et violents, réflexe cutané plantaire en extension à gauche (" signe de Babinski "), paresthésies de l'hémicorps gauche avec poussée de tension, sur antécédents d'hypertension artérielle et de diabète non insulinodépendant. Mme A...est arrivée au service d'accueil des urgences du centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins à 17h29. Elle a fait l'objet d'une prise en charge paramédicale à 18h42, puis médicale à 19h28 avec deux examens médicaux à 20h07 et 22h28 et un examen tomodensitométrique cérébral sans injection. Il a alors été conclu à des céphalées sur poussée hypertensive avec examen clinique normal, examen tomodensitométrique cérébral normal, bilan biologique normal, tension artérielle normale. Mme A...a été renvoyée à son domicile à 22h39. Elle a de nouveau été prise en charge, après avoir constaté une paralysie des membres gauches chez elle au réveil le 10 octobre 2012, à 14h08 par le service des urgences du centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins, où l'examen clinique a relevé une hémiplégie gauche sans atteinte des paires crâniennes, où a été réalisé un examen d'imagerie par résonance magnétique (IRM) qui montrera un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique du tronc cérébral, de siège pédonculaire droit, et où lui a été administré un traitement anticoagulant et antiagrégant plaquettaire.

3. D'une part, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, eu égard à la chronologie exposée au point précédent concernant le 9 octobre 2012, aucune faute du centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins du fait d'une prise en charge tardive de Mme A...par le service des urgences ce même jour ne peut être retenue, dès lors que l'intéressée ne s'est présentée au service d'accueil des urgences du centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins qu'à 17h29, soit plus de quatre heures après son examen à 13 heures par son médecin traitant, et qu'elle a été prise en charge par cet établissement dans des délais adaptés à compter de son admission.

4. D'autre part, il résulte encore de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise judiciaire comme des conclusions des deux expertises amiables réalisées antérieurement, en connaissance desquelles il a été établi, qu'eu égard aux antécédents d'hypertension artérielle et de diabète de MmeA..., de son âge et des symptômes initiaux présentés le 9 octobre 2012, son renvoi à domicile était prématuré. Ce renvoi à domicile constitue donc une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins, où aurait dû être prise ce même jour une décision d'hospitalisation et de placement en observation afin, notamment, de permettre un contrôle en continu de sa tension artérielle.

5. Toutefois, la mise sous surveillance en milieu hospitalier sans mesure thérapeutique, même accompagnée d'un tel contrôle, n'aurait pas empêché l'AVC de continuer à évoluer, dès lors que cet AVC était de nature ischémique. Le tableau clinique présenté le 9 octobre 2012 lors de la prise en charge de Mme A...au service des urgences du centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins, eu égard à la normalité des examens et bilans mentionnés au point 2, était trompeur du fait de son évolution régressive et ne révélait pas de signes évidents de survenue d'un tel AVC, en dépit d'un " signe de Babinski " gauche. L'expert judiciaire relève en particulier qu'au regard des clichés de l'IRM réalisée le 10 octobre 2012, il est probable que rien n'était visible sur l'examen tomodensitométrique sans injection effectué la veille et dont les images ne sont pas disponibles. Dès lors, le renvoi à domicile sans traitement n'est pas, en lui-même, la cause directe et exclusive des dommages survenus et de l'état de santé actuel de la requérante, qui sont la conséquence de l'AVC ischémique. Par ailleurs, l'absence de réalisation d'une IRM dès le 9 octobre 2012 et le défaut de diagnostic ce même jour de cet AVC ischémique et, en conséquence, le défaut de prescription d'un traitement d'anti-agrégation plaquettaire seul à même d'enrayer son évolution, traitement pour lequel il n'existait alors pas d'indication formelle, ne sont pas fautifs. Enfin, la circonstance que Mme A...n'a pas reçu d'information lors de son renvoi à domicile sur d'éventuelles complications ni sur une conduite à tenir dans cette éventualité ne sont pas à l'origine de la survenance de l'AVC. Par suite, le lien de causalité entre les dommages subis et la prise en charge de Mme A...par le centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins le 9 octobre 2012, laquelle ne lui a pas fait perdre de chance d'éviter ces dommages, n'est pas établi.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme A...et la CPAM du Var ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leurs demandes. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. En outre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins présentées au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la CPAM du Var, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...A..., au centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins, à la caisse primaire d'assurance maladie du Var et à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2019, où siégeaient :

- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure,

- MmeF..., première conseillère,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mai 2019.

6

N° 17MA03867

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03867
Date de la décision : 16/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Diagnostic.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : COTTRAY-LANFRANCHI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-05-16;17ma03867 ?
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