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16/05/2019 | FRANCE | N°17MA02984

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 16 mai 2019, 17MA02984


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... E...a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'ordonner une expertise, et à titre subsidiaire, de condamner l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) et la Société hospitalière d'assurances mutuelles à lui verser la somme de 142 735 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis suite à une intervention chirurgicale le 29 juin 2009. La caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône a en outre demandé la condamnation de l'AP

-HM à lui verser la somme de 5 154,43 euros au titre des prestations versée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... E...a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'ordonner une expertise, et à titre subsidiaire, de condamner l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) et la Société hospitalière d'assurances mutuelles à lui verser la somme de 142 735 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis suite à une intervention chirurgicale le 29 juin 2009. La caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône a en outre demandé la condamnation de l'AP-HM à lui verser la somme de 5 154,43 euros au titre des prestations versées à la victime.

Par un jugement n° 1501283 du 11 mai 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné solidairement l'AP-HM et la Société hospitalière d'assurances mutuelles à verser la somme de 2 980 euros à M. E... et celle de 1 030,89 euros à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois mémoires, enregistrés le 10 juillet 2017 et les 22 mars, 21 mai et 4 juillet 2018, M. E..., représenté par Me J..., puis par Me D..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 11 mai 2017 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a limité à la somme de 2 980 euros le montant de l'indemnité versée à son profit ;

2°) à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise médicale ;

3°) à titre subsidiaire, de porter à la somme de 162 735 euros le montant de l'indemnité que l'AP-HM et la Société hospitalière d'assurances mutuelles ont été solidairement condamnées à lui verser ;

4°) de mettre à la charge solidaire de l'AP-HM et de la Société hospitalière d'assurances mutuelles la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif est irrégulière ;

- la responsabilité de l'AP-HM est engagée du fait de l'absence d'actes de diagnostic et d'une erreur de diagnostic ;

- les actes médicaux réalisés n'étaient pas médicalement justifiés ;

- les séquelles qu'il présente ont été provoquées par l'intervention chirurgicale ;

- le consentement aux soins n'a pas été valablement donné, dès lors que l'intervention chirurgicale pratiquée sur un mineur nécessite l'accord des deux parents ;

- l'information délivrée a été insuffisante ;

- le tribunal a retenu à tort qu'il souffrait d'une algodystrophie ;

- la perte de chance résultant du défaut d'information doit être évaluée à 90 % ;

- il a subi un préjudice d'impréparation ;

- les préjudices dont il demande l'indemnisation sont établis.

Par deux mémoires, enregistrés le 11 janvier et le 18 mai 2018, la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, représentée par la SCP BBLM, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 11 mai 2017 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a limité à la somme de 1 030,89 euros le montant de l'indemnité versée à son profit ;

2°) à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise médicale ;

3°) à titre subsidiaire, de porter à la somme de 5 147,79 euros le montant de l'indemnité que l'AP-HM et la Société hospitalière d'assurances mutuelles ont été solidairement condamnées à lui verser ;

4°) de mettre à la charge solidaire de l'AP-HM et de la Société hospitalière d'assurances mutuelles la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et celle de 900 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est subrogée dans les droits de son assuré social ;

- les débours dont elle demande l'indemnisation sont établis.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 et 18 mai et le 15 juin 2018, l'AP-HM et la Société hospitalière d'assurances mutuelles, représentées par Me L..., concluent au rejet de la requête.

Elles soutiennent que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 11 octobre 2018 par une ordonnance du même jour.

Deux mémoires présentés par M. E... ont été enregistrés le 12 octobre 2018 et le 29 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Merenne,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. E....

Une note en délibéré présentée par M. E... a été enregistrée le 13 mai 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... et la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône font appel du jugement du 11 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné solidairement l'AP-HM et la Société hospitalière d'assurances mutuelles à leur verser respectivement les sommes de 2 980 et 1 030,89 euros.

Sur la faute médicale et le recours à une nouvelle expertise :

2. M. I... E..., alors âgé de quinze ans, pratiquant le piano de façon intense, a ressenti à partir de février 2009 de vives douleurs au poignet droit. Il a consulté le 1er avril 2009 son médecin traitant qui, diagnostiquant une tendinite, a prescrit une immobilisation avec attelle et des anti-inflammatoires. Une radiographie a été réalisée le 8 avril, puis une imagerie par résonance magnétique (IRM) le 4 juin 2009, qui ont révélé un oedème volumineux du semi-lunaire. Le radiologue ayant effectué les examens indique que la longueur de l'ulna lui semble normale et conclut à une suspicion de début d'une maladie de Kienböck. Le patient est alors adressé au service de chirurgie de la main de l'hôpital de la Conception, relevant de l'AP-HM, où deux consultations sont réalisées le 18 et le 23 juin avec le DrA..., chef de clinique assistant. Compte tenu du caractère inhabituel de l'imagerie, celui-ci prend l'avis de son chef de service, le Pr Legré, et de celui du service de radiologie, le Pr Chagnaud, pour évoquer en outre le diagnostic d'un conflit ulno-carpien et poser l'indication d'une arthroscopie exploratoire du poignet, éventuellement suivie d'une ostéotomie du capitatum. Ces deux gestes chirurgicaux ont été réalisés le 29 juin 2009. Le compte rendu opératoire indique que le patient a subi " une arthroscopie à visée diagnostique du poignet et raccourcissement du grand os de la main droite pour syndrome d'impaction ulno-carpien ", et que " l'exploration du poignet retrouve une hypertrophie synoviale au niveau du bord ulnaire du poignet mais sans arthrose ni chrondropathie ni lésion du ligament triangulaire. "

3. Les suites immédiates de l'intervention ont été marquées par la persistance des douleurs et un enraidissement du poignet et des doigts. M. E... a bénéficié de soins de rééducation. Le matériel a été retiré le 19 octobre 2009. Une IRM réalisée le 22 décembre 2009 a permis de constater la régression totale de l'oedème du semi-lunaire.

4. M. E... a ensuite été pris en charge à la clinique Monticelli, à Marseille. Deux traitements par infiltration ont entraîné une diminution significative de la symptomatologie douloureuse. Une ténolyse des extenseurs a ensuite été réalisée le 3 juin 2010 et a permis la récupération progressive de la motricité des doigts, mais pas du poignet.

5. Le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a ordonné une expertise le 13 février 2013. L'expert initialement désigné, le DrM..., a déposé un rapport le 21 juin 2012 avant d'être récusé par un jugement du 5 février 2013 du tribunal administratif de Marseille. Le nouvel expert désigné, le DrG..., a déposé son rapport le 30 septembre 2013. Un troisième rapport d'expertise a été rédigé le 16 juillet 2014 par le Pr F...à la demande de la commission de conciliation et d'indemnisation de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. La récusation du Dr M... ne fait pas obstacle à ce que son rapport puisse être utilisé à titre d'élément d'information, quand bien même il appartient au bureau de la Société française de la chirurgie de la main, dont est également membre le Pr Legré. S'agissant du rapport du Dr G..., le caractère contradictoire des opérations d'expertise n'impose pas de répondre à l'ensemble des arguments invoqués dans un dire adressé par l'une des parties. La contestation du bien-fondé des conclusions de l'expert est en outre sans incidence sur la régularité de l'expertise. M. E... n'est en conséquence pas fondé à soutenir que cette expertise aurait été irrégulière.

6. M. E...produit deux documents datés du 21 septembre 2013 et du 29 septembre 2014 rédigés par le DrC..., radiologue, et un rapport rédigé le 29 janvier 2014 par le DrH..., chirurgien orthopédiste membre de la Société française de médecine et chirurgie du pied, qui l'ont assisté au cours des opérations d'expertise. Il produit également des rapports complémentaires rédigés à sa demande par le Dr B...le 5 septembre 2014, par le Dr N...le 13 avril 2016 et par le Dr K...le 18 avril 2016, chirurgiens orthopédistes respectivement établis à Nice, Marseille et Monaco.

7. Le DrM..., par le rapport du 21 juin 2012, retient une maladie de Kienböck au stade précoce associée à un conflit ulno-carpien à variance neutre et considère que tant l'arthroscopie que l'ostéotomie du capitatum étaient indiquées. Il envisage un facteur psychologique important en raison du fait que les douleurs ont été immédiatement soulagées après une infiltration, alors que les corticoïdes ne sont efficaces qu'à partir du troisième jour suivant leur injection, et estime que les séquelles résultent d'une algodystrophie, qui constitue un risque lié la réalisation d'une arthroscopie.

8. Le DrG..., par le rapport du 30 septembre 2013, écarte l'existence d'une maladie de Kienböck pour ne retenir qu'un conflit ulno-carpien à variance positive et considère également que tant l'arthroscopie que l'ostéotomie du capitatum étaient indiquées. Il écarte en revanche toute algodystrophie et estime que les séquelles dont reste atteint M. E... restent inexpliquées, en évoquant un possible syndrome de conversion.

9. Le PrF..., par le rapport du 16 juillet 2013, retient l'existence d'une maladie de Kienböck au stade précoce associée à un conflit ulno-carpien, et considère que tant l'arthroscopie que l'ostéotomie du capitatum étaient indiquées. Il estime que les séquelles résultent de la persistance de l'état antérieur du patient suite à un échec thérapeutique.

10. Le Dr C...suit l'hypothèse envisagée par le Dr G...pour écarter l'existence d'une maladie de Kienböck et ne retenir qu'un conflit ulno-carpien à variance positive. S'il a initialement soutenu, dans son dire du 21 septembre 2013, que l'ostéotomie de l'ulna ou la résection de sa tête auraient dû être préférées à l'ostéotomie du capitatum, il ne reprend plus cette position dans son rapport du 21 septembre 2014. Il estime que les séquelles résultent d'une algodystrophie suite à une arthroscopie contre-indiquée, alors que seul un traitement conservatoire était médicalement justifié.

11. Le DrH..., par le rapport du 29 janvier 2014, retient que le patient ne souffrait que d'un conflit ulno-carpien à variance positive. Il estime que l'intervention chirurgicale aurait pu être différée et qu'aurait dû lui être préférée une ostéotomie de l'ulna, en l'absence de laquelle le patient continue de souffrir des séquelles résultant de son état antérieur.

12. Le DrB..., par le rapport du 5 septembre 2014, écarte le syndrome de Kienböck pour ne retenir que le conflit ulno-carpien et conclut de façon rétrospective à une erreur de diagnostic. Il estime que l'arthroscopie était indiquée, mais que l'intervention chirurgicale aurait dû être arrêtée à ce stade.

13. Le DrN..., par le rapport du 13 avril 2016, retient un simple oedème du semi-lunaire du fait d'un surmenage en lien avec une anomalie du ligament triangulaire. Il estime qu'un traitement conservatoire par immobilisation était indiqué.

14. Le DrK..., par le rapport du 18 avril 2016, évoque soit une maladie de Kienböck, soit un conflit ulno-carpien. Il estime qu'une arthroscopie était justifiée pour examiner les cartilages et le ligament triangulaire, et réserve ses conclusions sur l'indication opératoire.

15. Les divergences entre ces différents rapports, y compris entre ceux rédigés à l'initiative du requérant, ne révèlent pas l'insuffisance du rapport d'expertise du DrG..., comme le soutient M. E..., mais un cas médicalement controversé résultant du caractère inhabituel d'un tel tableau clinique pour un adolescent. Une nouvelle expertise, qui ne pourrait mettre un terme à cette controverse, ne présente pas, dans ces conditions, un caractère utile.

16. Ainsi qu'il a été dit, les rapports médicaux produits au dossier estiment, à l'exception de celui du DrN..., que M. E... souffrait initialement soit d'une maladie de Kienböck à un stade précoce, soit d'un conflit ulno-carpien, soit de ces deux pathologies associées. Le docteur K...précise à juste titre que, même rétrospectivement, le diagnostic précis est difficile à poser avec certitude. En évoquant l'une et l'autre de ces hypothèses et en s'attachant à recueillir, au sein de l'établissement, plusieurs avis médicaux pour en tenir compte, ainsi qu'en envisageant un acte complémentaire de diagnostic sous la forme d'une arthroscopie exploratoire, l'équipe médicale de l'hôpital de la Conception n'a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'AP-HM.

17. Le Dr G...a exposé lors d'une réunion d'expertise le 27 août 2013 que la radiographie et l'IRM réalisées le 8 avril et le 4 juin 2009 révélaient une légère variation positive de l'ulna par rapport au radius, de l'ordre d'un millimètre, ce qui n'avait pas été évoqué jusqu'alors ainsi que l'indique le DrH.... Le requérant s'appuie sur cette conclusion pour soutenir que l'équipe médicale de l'AP-HM a commis une faute en n'ayant pas détecté cette variance positive. Cependant, et ainsi qu'il a été dit au point 2, le radiologue ayant réalisé ces examens a conclu que la longueur de l'ulna lui semblait normale. En outre, les résultats de l'imagerie avaient été examinés, avant la réunion du 27 août 2013, par le médecin traitant du patient, qui avait lui-même pris l'avis d'un médecin rhumatologue, par plusieurs médecins de l'équipe médicale de l'AP-HM, dans les conditions indiquées au point 2, par un premier expert désigné par le tribunal administratif, et par les docteurs C...etH..., respectivement radiologue et chirurgien orthopédiste, sans que cette variance positive n'ait été détectée. Il ne résulte en conséquence pas de l'instruction que les résultats de cette imagerie mettaient en évidence cette variance, qualifiée de " discrète " par le docteurC..., d'une façon telle qu'elle aurait nécessairement dû être relevée par l'équipe médicale de l'AP-HM. Celle-ci n'a en conséquence pas commis de faute sur ce point.

18. Les expertsM..., G...et F...estiment que la réalisation d'une arthroscopie était justifiée, et ce quel que soit le diagnostic finalement posé. Il en va de même du Dr B...et du DrK..., quand bien même ils considèrent que l'intervention chirurgicale aurait dû être arrêtée à ce stade. Le rapport du Dr N...n'est pas de nature à remettre en cause cette conclusion, compte tenu du caractère marginal de son hypothèse diagnostique, non plus que les rapports du Dr C..., spécialisé en radiologie et non en chirurgie orthopédique. La réalisation de cette arthroscopie n'est donc pas non plus constitutive d'une faute.

19. Les expertsM..., G...et F...estiment en outre que la réalisation d'une ostéotomie du capitatum était indiquée dans le cas de M. E.... En revanche, quatre des cinq médecins s'étant prononcés à l'initiative du requérant contestent ces conclusions. Les docteursC..., B...et N...affirment qu'il convenait de privilégier un traitement conservateur, sans cependant critiquer de façon utile les motifs circonstanciés avancés par le Dr G...pour écarter cette indication, notamment les signes de gravité et d'évolutivité rapide menaçant de complications plus graves en l'absence de solution mécanique. En outre, un tel traitement conservateur a été initialement entrepris sans succès par le médecin traitant du patient. Le Dr H... privilégie une ostéotomie de l'ulna, sans répondre de façon circonstanciée aux arguments soulevés par le Dr G..., selon lequel le geste médical pratiqué était moins invasif et évitait le risque d'une dislocation de l'articulation radio-cubitale inférieure et celui d'une pseudarthrose. Enfin, il résulte de l'instruction que contrairement à ce que fait valoir M. E..., l'indication de l'ostéotomie du capitatum n'est pas limitée au traitement de la maladie de Kienböck. Il ne résulte en conséquence pas de l'instruction que ce geste chirurgical aurait été contre-indiqué, quand bien même sa réalisation dans le cas particulier d'une variance positive de l'ulna à caractère discret n'aurait pas donné lieu à un article scientifique.

20. Enfin, M. E... soutient que des radiographies en pronation poing serré auraient dû être réalisées avant l'intervention afin de mettre en évidence la variance positive de l'ulna. Les experts G...etF..., informés de cette variance à caractère discret, ont conclu que l'intervention chirurgicale réalisée restait indiquée. Le lien de causalité entre l'absence de réalisation de ces clichés et les séquelles de M. E... n'est pas établi.

21. C'est en conséquence à bon droit que le tribunal administratif a jugé que l'équipe médicale de l'AP-HM n'avait pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de cette dernière.

Sur l'obligation d'information :

22. Le premier alinéa de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique disposait, dans sa rédaction alors applicable, que : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver ".

23. Si le DrM..., repris par le Dr C...et par le PrF..., avait estimé qu'il était possible que les symptômes éprouvés par M. E... après l'intervention relèvent d'une algodystrophie, qui constitue une complication connue de l'arthroscopie, il ressort du rapport du Dr G... que le patient n'a présenté aucun signe d'algodystrophie, laquelle est diagnostiquée par scintigraphie. C'est également ce que souligne le requérant en appel. Le tribunal administratif a ainsi retenu à tort que le manquement de l'AP-HM à son obligation d'information sur ce point était à l'origine d'une perte de chance d'éviter les préjudices dont la réparation était demandée.

24. Il ressort du rapport d'expertise du Dr G...que la symptomatologie douloureuse et le raidissement du poignet du patient après l'intervention sont inexpliqués et ne correspondent à aucune donnée de la littérature médicale. Selon les docteurs F...etH..., ceux-ci résultent de l'évolution de l'état antérieur du patient. Si le Dr C...évoque l'arthrofibrose parmi les risques liés à l'arthroscopie, il ne retient pas ce diagnostic, privilégiant ainsi qu'il a été dit celui d'une algodystrophie. Le Dr K... indique que la position de l'agrafe d'ostéotomie a pu être à l'origine d'un conflit avec les tendons extenseurs des doigts longs. Cependant, cette hypothèse n'explique ni la raideur du poignet, ni la persistance des symptômes après l'ablation du matériel le 22 octobre 2009. Enfin, si les docteurs B...et N...concluent que l'état séquellaire résulte de l'intervention chirurgicale, elle-même injustifiée, ils ne précisent ni son diagnostic, ni les raisons pour lesquelles il serait imputable à l'intervention, et, ainsi, ne mettent pas en évidence la réalisation d'un risque connu, fréquent ou grave, dont le médecin aurait dû informer le patient. Par ailleurs, l'ostéotomie du capitatum n'est pas une technique chirurgicale nouvelle ou expérimentale.

25. Il ne résulte en conséquence pas de l'instruction que les symptômes éprouvés par M. E... après l'intervention constituent la manifestation d'un risque connu dont il appartenait à l'équipe médicale de l'AP-HM d'informer le patient. La responsabilité de cette dernière n'est dès lors pas engagée du fait d'un manquement à son obligation d'information.

Sur l'absence d'autorisation par l'un des titulaires de l'autorité parentale :

26. D'une part, l'article 372 du code civil prévoit, au premier alinéa, que : " Les père et mère exercent en commun l'autorité parentale ". L'article 372-2 du même code prévoit ensuite qu' : " A l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant ".

27. D'autre part, l'article L. 1111-4 du code de la santé publique ajoute, au septième alinéa, que " Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision ". L'article R. 1112-34 du même code prévoit ensuite, au premier alinéa, que : " l'admission d'un mineur est prononcée, sauf nécessité, à la demande d'une personne exerçant l'autorité parentale ou de l'autorité judiciaire. ", et l'article R. 1112-35, au second alinéa, que : " Dans le cas où les père, mère ou tuteur légal sont en mesure de donner une autorisation écrite à bref délai, celle-ci leur est demandée aussitôt qu'une intervention chirurgicale se révèle nécessaire. "

28. En l'espèce, seule la mère de M. E..., alors âgé de quinze ans, a donné son autorisation écrite en vue de l'intervention chirurgicale du 29 juin 2009. Celui-ci a cependant été accompagné par ses deux parents lors de son admission le 29 juin 2009. En l'absence de divergence de vues entre les titulaires de l'autorité parentale, et alors que M. E... avait lui-même donné son consentement à l'intervention, l'absence d'autorisation écrite de son père n'a pas été à l'origine d'un préjudice pour celui-ci.

29. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la responsabilité de l'AP-HM n'est pas engagée. M. E... et la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône ne sont en conséquence pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a respectivement limité à 2 980 et 1 030,89 euros les sommes au versement desquelles il a solidairement condamné l'AP-HM et la Société hospitalière d'assurances mutuelles.

Sur les frais liés au litige :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge solidaire de l'AP-HM et de la Société hospitalière d'assurances mutuelles les sommes demandées par M. E... et par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... et les conclusions de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... E..., à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, à l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille et à la Société hospitalière d'assurances mutuelles.

Copie en sera adressée pour information à l'expert judiciaire.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2019, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 16 mai 2019.

2

N° 17MA02984


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA02984
Date de la décision : 16/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : SCP BBLM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-05-16;17ma02984 ?
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