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16/05/2019 | FRANCE | N°17MA01798

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 16 mai 2019, 17MA01798


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La compagnie d'assurances Helvetia et la société Ermewa ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, devenue la métropole Aix-Marseille-Provence, ou à titre subsidiaire la société EveRé, à leur verser respectivement les sommes de 344 782,30 euros et 115 000 euros en réparation des dommages subis par des wagons destinés au transport ferroviaire des déchets ménagers.

Par un jugement n° 1402604 du 20 mars 2017, le tribunal ad

ministratif de Marseille a condamné la société EveRé à verser la somme de 344 782,30...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La compagnie d'assurances Helvetia et la société Ermewa ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, devenue la métropole Aix-Marseille-Provence, ou à titre subsidiaire la société EveRé, à leur verser respectivement les sommes de 344 782,30 euros et 115 000 euros en réparation des dommages subis par des wagons destinés au transport ferroviaire des déchets ménagers.

Par un jugement n° 1402604 du 20 mars 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné la société EveRé à verser la somme de 344 782,30 euros à la compagnie Helvetia et celle de 115 000 euros à la société Ermewa, et a rejeté les appels en garantie formés par la société EveRé à l'encontre des sociétés VLFI et ETF comme portés devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 avril, 21 juillet, 25 septembre et 27 décembre 2017 et les 12 janvier et 12 février 2018, la société EveRé, représentée par la SELARL Job Ricouart et associés, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler l'article 1er du jugement du 20 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser la somme de 344 782,30 euros à la compagnie Helvetia et celle de 115 000 euros à la société Ermewa, et de rejeter la demande présentée par ces sociétés devant le tribunal administratif de Marseille ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'article 2 du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté les appels en garantie formés par la société EveRé à l'encontre des sociétés VLFI et ETF comme portés devant une juridiction incompétente pour en connaître, et de condamner ces sociétés à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

3°) de déclarer l'arrêt à intervenir commun aux sociétés VLFI et ETF ;

4°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rapport établi par M. D... dans le cadre d'une expertise amiable lui est inopposable ;

- les dommages ne sont pas imputables à l'état des voies dont elle a la charge ;

- les préjudices ne sont pas établis ;

- les clauses du marché conclu entre la société Ecorail et la communauté urbaine excluent que sa responsabilité puisse être engagée du fait de l'usure du matériel ferroviaire ;

- elle a conclu les contrats avec les sociétés VLFI et ETF pour le compte de l'autorité délégante, de sorte que ceux-ci ont un caractère administratif ;

- la responsabilité des sociétés VLFI et ETF est engagée au titre de la garantie décennale des constructeurs.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 juillet, 24 août et 28 novembre 2017 et les 25 janvier et 26 février 2018, les sociétés Helvetia et Ermewa, représentées par la SCP Delrue-A... -Gadot, demandent à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête présentée par la société EveRé ;

2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence à leur verser respectivement les sommes de 344 782,30 euros et 115 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les moyens soulevés par la société EveRé ne sont pas fondés ;

- les dommages sont en tout état de cause imputables à la métropole Aix-Marseille-Provence du fait de l'absence d'entretien normal des ouvrages.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 25 août 2017 et 29 janvier 2018, la société ETF, représentée par la SELARL Ringlé - Roy et associés, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par la société EveRé ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société EveRé ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 15 novembre 2017 et 15 janvier 2018, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par la SCP de Angelis - Semidei - Vuillquez - Habart Melki -B...- de Angelis, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête présentée par la société EveRé ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter l'appel provoqué formé par les sociétés Helvetia et Ermewa ;

3°) de condamner la société EveRé à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société EveRé ne sont pas fondés ;

- les moyens soulevés par les sociétés Helvetia et Ermewa à l'appui de leur appel provoqué ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2017, la société VLFI, représentée par la SELARL Abeille et associés, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par la société EveRé ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société EveRé ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat le 7 août 2018.

Un mémoire présenté par la société VLFI a été enregistré le 7 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Merenne,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la société EveRé, de Me A..., représentant les sociétés Helvetia et Ermewa, de Me B..., représentant la métropole Aix-Marseille-Provence, de Me F...représentant la société ETF, et de MeE..., représentant la société VFLI.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché public conclu le 21 novembre 2007, la société Ecorail a mis à la disposition de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, aux droits de laquelle est venue la métropole Aix-Marseille-Provence, 115 wagons, 400 conteneurs avec capots et 150 capots supplémentaires destinés au transport ferroviaire des déchets ménagers entre les centres de transfert Nord et Sud de Marseille, le centre de traitement multi-filières de Fos-sur-Mer et le centre de stockage des déchets de Saint-Martin-de-Crau. Pour honorer ce contrat, la société Ecorail a loué ces wagons à la société France Wagons, aux droits de laquelle est venue la société Ermewa. Les wagons ont été livrés entre août 2008 et décembre 2009 sans qu'aucune réserve n'ait été formulée. En juin 2010, il a été constaté au cours d'un contrôle technique que les wagons présentaient des poinçonnements en demi-lune au niveau des tables de roulement, au raccordement avec les boudins. Par le jugement attaqué du 20 mars 2017, le tribunal administratif de Marseille, après avoir rejeté les conclusions dirigées contre la métropole Aix-Marseille-Provence, a condamné la société EveRé, chargée notamment de l'exploitation du centre de traitement multi-filières de Fos-sur-Mer par une délégation de service public conclue le 4 juillet 2005 avec la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, à verser la somme de 344 782,30 euros à la société Helvetia, assureur des sociétés Ecorail et Ermewa, et celle de 115 000 euros à la société Ermewa. Le tribunal administratif a en outre rejeté les appels en garantie formés par la société EveRé à l'encontre des sociétés VLFI et ETF comme portés devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur la responsabilité de la société EveRé :

2. Les parties peuvent produire devant le juge administratif les pièces qu'elles estiment utiles à l'appui de leur argumentation. Le juge forme sa conviction quant à leur valeur une fois celles-ci communiquées aux autres parties conformément au principe du caractère contradictoire de l'instruction. La société EveRé n'est en conséquence pas fondée à soutenir qu'il ne pourrait être tenu compte du rapport réalisé dans le cadre d'une expertise amiable par M. D... pour le compte de la société Helvetica, qui a été soumis au contradictoire tant devant le tribunal administratif que devant la cour.

3. Les poinçonnements en demi-lunes détectés en juin 2010 sur les wagons livrés entre août 2008 et décembre 2009, qui rendaient ces wagons impropres à leur usage, excédaient par leurs caractéristiques l'usure normale du matériel ferroviaire. Il résulte de l'instruction que la société EveRé, alertée par la société VLFI, a fait réaliser le 17 juin 2010 des essais de matériel au niveau de l'embranchement particulier du centre technique multi-filières de Fos-sur-Mer, où était localisé un désaffleurement entre deux rails. Ces essais ont permis de constater l'apparition de nouveaux poinçonnements après le passage d'une rame à 10 km/h. La société EveRé a fait réaliser le 24 juin 2010 par la société RFF des travaux de meulage ayant remédié à ce désaffleurement. Il n'est pas utilement contredit par la société EveRé que les dommages ont cessé une fois ces travaux réalisés, ce qui exclut toute autre cause en l'absence de travaux comparables sur les autres voies empruntées par ce matériel ferroviaire. Si les locotracteurs n'ont pas subi de dommages comparables, les tractrices ne sont pas soumises aux mêmes contraintes mécaniques dynamiques que les wagons remorqués. Les essais de matériel réalisés le 17 juin 2010 n'ont d'ailleurs pas mis en évidence l'apparition de tels dommages sur les locotracteurs. L'origine des dommages est en outre confirmée par les conclusions du rapport d'expertise de M. D.... Le désaffleurement en question, qui, même minime, était de nature à endommager le matériel roulant, révèle un défaut d'entretien normal de la section de voie ferrée au niveau de l'embranchement particulier, dont l'entretien incombait à la société EveRé en sa qualité de délégataire de service public, et avec lequel les dommages dont il est demandé réparation sont en lien direct et certain. C'est en conséquence à juste titre que le tribunal administratif a retenu la responsabilité de la société EveRé.

4. L'expert a justifié sa démarche pour déterminer, à partir de l'examen d'un échantillon, si les dommages étaient généralisés à l'ensemble des wagons, qui ont tous circulé sur la portion de voie en question et donné lieu à des travaux de réparation. La société EveRé ne remet pas utilement en cause cette méthode en se bornant à lui reprocher de ne pas avoir directement examiné chaque wagon. Les sociétés Helvetia et Ermewa produisent en outre en défense de nombreuses pièces destinées à l'évaluation des préjudices subis, qui ne sont pas discutées par la société EveRé. Celle-ci n'est en conséquence pas fondée à contester l'évaluation des préjudices retenue par le tribunal administratif.

5. Enfin, la société EveRé ne peut utilement se prévaloir des stipulations contractuelles du marché public conclu entre la communauté urbaine Marseille Provence Métropole et la société Ecorail, dès lors qu'elle est tierce à ce contrat et que ses clauses n'ont pas un caractère réglementaire.

Sur les conclusions de la société EveRé dirigées contre les sociétés VLFI et ETF :

6. La délégation de service public conclue le 4 juillet 2005 entre la communauté urbaine Marseille Provence Métropole et le groupement solidaire formé par les sociétés Urbaser et Valorga International, aux droits desquelles est venue la société EveRé, a confié au délégataire, pour une durée de vingt-trois ans, la conception, le financement, la réalisation et l'exploitation d'un ensemble de traitement des déchets comprenant en particulier une unité de traitement thermique avec valorisation énergétique. Ce contrat ne peut être regardé, en partie ou en totalité, comme un contrat de mandat par lequel la collectivité publique confie à son cocontractant le soin d'agir en son nom et pour son compte.

7. Les contrats entre la société EveRé et les sociétés VLFI et ETF pour la réalisation des ouvrages ferroviaires du centre de traitement, conclus entre des personnes privées, ont le caractère de contrats de droit privé. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, les appels en garantie formés par la société EveRé à l'encontre de ces deux dernières sociétés relèvent de la compétence des juridictions judiciaires.

8. Par ailleurs, seuls peuvent faire l'objet d'une déclaration de jugement commun, devant une juridiction administrative, les tiers dont les droits et obligations à l'égard des parties en cause pourraient donner lieu à un litige dont la juridiction saisie eût été compétente pour connaître et auxquels, d'autre part, pourrait préjudicier ledit jugement, dans des conditions leur ouvrant le droit de former tierce-opposition à ce jugement.

9. Les conclusions par lesquelles la société EveRé demande à titre subsidiaire que le présent arrêt soit déclaré commun aux sociétés VLFI et ETF doivent être rejetées pour les mêmes motifs que ceux figurant aux points 6 et 7.

10. Il résulte de ce qui précède que la société EveRé n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille, d'une part, l'a condamnée à verser la somme de 344 782,30 euros à la compagnie Helvetia et celle de 115 000 euros à la société Ermewa, et d'autre part a rejeté ses conclusions dirigées contre les sociétés VLFI et ETF comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société EveRé, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement de la somme de 2 000 euros aux sociétés Helvetia et Ermewa, d'une part, et celle de 2 000 euros chacune aux sociétés VLFI et ETF et à la métropole Aix-Marseille-Provence, d'autre part, au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.

12. Les dispositions du même article font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société EveRé sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société EveRé est rejetée.

Article 2 : La société EveRé versera, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros aux sociétés Helvetia et Ermewa, d'une part, et celle de 2 000 euros chacune aux sociétés VLFI et ETF et à la métropole Aix-Marseille-Provence, d'autre part.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés EveRé, Ermewa, VLFI et ETF, à la compagnie d'assurances Helvetia et à la métropole Aix-Marseille-Provence.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2019, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 16 mai 2019.

2

N° 17MA01798


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01798
Date de la décision : 16/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Transports - Transports ferroviaires - Lignes de chemin de fer.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : SELARL ABEILLE et ASSOCIÉS - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-05-16;17ma01798 ?
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