Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard à l'indemniser à hauteur de 24 852 euros des différents préjudices résultant de l'illégalité de sa décision du 8 mars 2012 portant refus d'inscription au tableau de l'ordre.
Par un jugement n° 1502636 du 23 mars 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 mai 2017 M. C... D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 mars 2017 ;
2°) de condamner le conseil départemental de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes du Gard à lui verser une somme de 24 852 en réparation de ses préjudices matériel et immatériel ;
3°) de mettre à la charge du conseil départemental de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes du Gard une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation des faits en estimant que les griefs qui lui sont reprochés par le conseil départemental de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes du Gard sont établis ;
- même si ces griefs sont fondés, la sanction prononcée à son encontre est disproportionnée ;
- la procédure suivie à son encontre est entachée du non-respect des droits de la défense ;
- l'illégalité de la décision du 8 mars 2012 du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2018, le conseil départemental de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes du Gard conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la réformation du jugement du 23 mars 2017 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a rejeté ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) à la mise à la charge de M. D... d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 5 septembre 1989 relatif aux études préparatoires et au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute ;
- l'arrêté du 31 janvier 1991 relatif aux dispenses accordées à certains candidats en vue de la préparation au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute ;
- l'arrêté du 6 août 2004 relatif aux dispenses susceptibles d'être accordées aux candidats titulaires d'un diplôme extracommunautaire de masseur-kinésithérapeute sollicitant l'exercice de la profession en France en vue de la préparation du diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute ;
- le code de justice administrative.
Par lettre du 28 février 2019, les parties ont été informées que la Cour était susceptible de se fonder sur le moyen d'ordre public tiré de ce que l'autorité de la chose jugée s'attachant à l'arrêt de la Cour de céans devenu définitif du 18 décembre 2018 enregistré sous le n° 18MA01671 fait obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions indemnitaires présentées à nouveau par M. D....
Par un mémoire, enregistré le 8 mars 2019, M. D... a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... D...a demandé son inscription au tableau de l'ordre départemental des masseurs-kinésithérapeutes du Gard. Par une décision du 8 mars 2012, le conseil départemental de l'ordre a refusé son inscription, au motif notamment qu'il avait dissimulé sa double nationalité franco-marocaine pour bénéficier des facilités d'accès à la formation de masseur-kinésithérapeute ouvertes aux ressortissants non-communautaires par l'arrêté du 31 janvier 1991 relatif aux dispenses accordées à certains candidats en vue de la préparation au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute et que cette circonstance révélait un défaut de moralité professionnelle. Par une décision du 15 mai 2012, le conseil régional de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Languedoc- Roussillon a annulé la décision du 8 mars 2012 du conseil départemental de l'ordre et procédé à l'inscription de M. D.... Celui-ci a demandé le versement d'une somme de 60 000 euros en réparation des conséquences dommageables du refus d'inscription qui lui avait été opposé. Par un jugement n° 1303157 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Nîmes a retenu une faute du conseil départemental de l'ordre et a condamné celui-ci à verser à M. D... la somme de 2 000 euros. M. D... a relevé appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions indemnitaires. Par un arrêt n° 15MA01839 du 25 octobre 2016, la Cour de céans a annulé ce jugement et rejeté les conclusions indemnitaires de M. D.... Sur pourvoi en cassation de ce dernier, par une décision n° 406300 du 4 avril 2018, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt au motif tiré de ce que la cour administrative de Marseille a commis une erreur de droit en retenant que M. D... avait eu un comportement frauduleux en demandant illégalement à suivre une formation réservée aux ressortissants non communautaires sans rechercher si, à la date de son inscription, il avait eu l'intention de contourner les règles d'accès à un exercice professionnel en France. Après renvoi par le Conseil d'Etat, par un arrêt du 18 décembre 2018, la Cour de céans a confirmé le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 mars 2015 et rejeté la requête de M. D.... Entre temps, l'intéressé a formé une nouvelle demande indemnitaire devant le tribunal administratif de Nîmes, tendant à la condamnation du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard à lui verser la somme de 24 852 euros en réparation de son préjudice matériel résultant de l'illégalité de la décision du 8 mars 2012 du conseil départemental de l'ordre. M. D... relève appel du jugement du 23 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par la voie de l'appel incident, le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard demande l'annulation de l'article 2 de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Dans la limite de l'effet dévolutif de l'appel, le juge d'appel est saisi à nouveau de l'ensemble des questions posées par le litige. Il lui appartient dans ce cadre de donner à ces questions la réponse que le droit commande en substituant son appréciation à celle des premiers juges. Le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur de fait n'appelle pas de réponse distincte de celle par laquelle il est à nouveau statué sur le fond du litige et n'est pas de nature à remettre en cause la régularité du jugement attaqué.
Sur la responsabilité du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard :
3. Aux termes de l'article L. 4321-10 du code de la santé publique : " (...) / Un masseur-kinésithérapeute ne peut exercer sa profession (...) que : / (...) / 2° S'il est inscrit sur le tableau tenu par l'ordre. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 4321-18 du même code : " Dans chaque département, le conseil départemental de l'ordre (...) statue sur les inscriptions au tableau ". L'article L. 4311-16 de ce code, applicable aux masseurs-kinésithérapeutes en vertu des dispositions de l'article L. 4321-19, dispose : " Le conseil départemental de l'ordre refuse l'inscription au tableau de l'ordre si le demandeur ne remplit pas les conditions de compétence, de moralité et d'indépendance exigées pour l'exercice de la profession (...) ". Selon l'article R. 4112-2 du même code applicable aux masseurs-kinésithérapeutes en vertu des dispositions de l'article R. 4323-1 : " A la réception de la demande (...) le conseil vérifie les titres du candidat et demande communication du bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé. Il refuse l'inscription si le demandeur ne remplit pas les conditions nécessaires de moralité et d'indépendance (...) ".
4. Pour refuser la demande d'inscription au tableau départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, le conseil départemental du Gard s'est fondé, le 8 mars 2012, d'une part sur le motif tiré de ce que M. D... a sciemment dissimulé sa nationalité française dans l'objectif de suivre la formation de kinésithérapeute sans avoir à subir le concours d'entrée à la formation au titre de ressortissant d'un pays autre que ceux de la Communauté européenne, et, d'autre part, sur le motif que l'intéressé a dissimulé d'anciennes condamnations pénales lors de sa demande d'inscription au tableau de l'ordre du Gard.
5. S'agissant du premier motif de refus, il résulte des dispositions du titre IV de l'arrêté du 31 janvier 1991 relatif aux dispenses accordées à certains candidats en vue de la préparation au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute que lorsque M. D... s'est inscrit à la formation de masseur-kinésithérapeute en tant qu'étudiant non communautaire en 2003, il ne pouvait obtenir, à l'issue de cette formation, qu'une attestation d'études ne lui permettant pas d'exercer cette profession en France. C'est ultérieurement l'arrêté du 6 août 2004 relatif aux dispenses susceptibles d'être accordées aux candidats titulaires d'un diplôme extracommunautaire de masseur-kinésithérapeute sollicitant l'exercice de la profession en France en vue de la préparation du diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute qui a ouvert aux titulaires de cette attestation la possibilité de se présenter à des épreuves de sélection leur permettant d'obtenir le diplôme de masseur-kinésithérapeute afin d'exercer en France. L'intéressé fait valoir qu'il a rempli le formulaire de demande d'inscription sans connaître à cette date la réglementation afférente aux candidats dotés de la double nationalité. Il résulte de l'instruction que si les déclarations de M. D... relatives aux modalités de son inscription à l'institut de formation des masseurs-kinésithérapeutes de Montpellier lors de sa convocation au conseil départemental de l'ordre du Gard le 6 mars 2012 sont apparues floues et contradictoires, le conseil départemental de l'ordre ne pouvait, sur le fondement de l'article R. 4112-2 du code de la santé publique, comme l'a estimé le conseil régional de l'ordre dans sa décision du 15 mai 2012, au vu des seules pièces dont il disposait, à savoir le carnet de scolarité du requérant spécifiant sa nationalité marocaine, une attestation de nationalité marocaine délivrée par le consul du royaume du Maroc du 16 septembre 2003, un courrier du requérant au directeur de l'institut de formation précisant qu'il était informé de l'impossibilité d'exercer en France après sa scolarité, affirmer le caractère intentionnel et nécessairement frauduleux de l'inscription en tant qu'étudiant non communautaire à l'institut de formation des masseurs-kinésithérapeutes de Montpellier en 2003. Dès lors, le conseil départemental de l'ordre a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant pour ce motif l'inscription au tableau départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes.
6. S'agissant du second motif de refus, le conseil départemental a également estimé que l'intéressé a dissimulé d'anciennes condamnations pénales lors de sa demande d'inscription au tableau de l'ordre du Gard. S'il est vrai que l'intéressé a coché la case " non " à la question du formulaire de demande d'inscription relative à l'existence de condamnations pénales du demandeur, il ressort d'un jugement du tribunal de grande instance rendu en 2006 que M. D... a été condamné à une simple amende pour violence sur la personne de son beau-frère n'ayant entraîné aucune incapacité de travail. Dès lors, au regard de l'antériorité des faits relatés, de leur nature et des fonctions exercées par M. D..., le conseil départemental a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant pour ce motif l'inscription au tableau départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes.
7. Par ailleurs, le requérant fait valoir que le conseil départemental ne l'a pas averti lors de sa convocation de l'éventualité d'une décision défavorable à sa demande, ce qui lui aurait permis de présenter ses observations en défense et de préparer des pièces justificatives. Il ressort néanmoins des pièces du dossier que l'intéressé a été convoqué pour la séance du 6 mars 2012 du conseil départemental de l'ordre par lettre recommandée avec avis de réception du 16 février 2012, non réclamée par le requérant. Ce courrier rappelle les dispositions de l'article R. 4112-2 alinéa 3 du code de la santé publique qui prévoient " qu'aucune décision de refus d'inscription ne peut être prise sans que l'intéressé ai été invité quinze jours au moins à l'avance par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à comparaitre devant le conseil pour y présenter ses explications ". M. D... a ainsi été informé dans les délais impartis par la réglementation de difficultés soulevées par sa demande et a été mis à même de présenter des observations. Le courrier du 16 février 2012 précité mentionne également les voies et délais de recours contre une éventuelle décision de refus d'inscription auprès du conseil régional de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait été rendue en méconnaissance des droits de la défense doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que l'illégalité de la décision du 8 mars 2012 est, en l'espèce, de nature à engager la responsabilité du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes à l'égard de M. D....
Sur les préjudices :
9. Si M. D... soutient qu'en raison du refus de son inscription au tableau de l'ordre du Gard, il n'a pu exercer aucune activité du 8 mars 2012 au mois d'août 2012, il résulte de l'instruction, que d'une part, la décision du conseil régional l'inscrivant au tableau de l'ordre est intervenue le 15 mai 2012, soit un peu plus de deux mois seulement après le refus que lui avait opposé le conseil départemental et, d'autre part, comme il ressort des précisions contenues dans le rapport d'expertise déposé le 24 avril 2014, il n'a en réalité exercé aucune activité professionnelle à compter de son installation dans le Gard en octobre 2011. Dès lors, le préjudice invoqué d'une perte de revenu durant cette période ne présente pas de lien de causalité direct avec la faute commise par le conseil de l'ordre départemental des masseurs kinésithérapeutes du Gard. Par ailleurs, si le rapport de l'expert indique également qu'il pourrait être considéré éventuellement qu'à partir du 8 mars 2012 M. D... aurait été en mesure d'exercer une activité de masseur-kinésithérapeute dans le Gard et que par projection de son activité parisienne, il aurait été en mesure de retirer de son activité de masseur kinésithérapeute un revenu net de 4 142 euros par mois, un tel préjudice ne présente pas de caractère certain.
10. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de revenus pour la période comprise entre le 8 mars 2012 et le mois d'août 2012.
11. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les conclusions incidentes du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard :
12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
13. Le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard conteste le jugement attaqué en ce qu'il rejette ses conclusions dirigées contre M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
14. Il ne résulte pas de l'instruction que M. D..., partie perdante dans l'instance introduite devant le tribunal, aurait fait valoir des considérations particulières tenant notamment à sa situation économique pour être déchargé des frais liés au litige au détriment de la partie gagnante. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'accueillir les conclusions incidentes présentées par le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard et d'annuler en conséquence l'article 2 du jugement attaqué en tant qu'il rejette les conclusions présentées par ce dernier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros sur ce fondement.
Sur les frais liés au litige :
15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du 23 mars 2017 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : M. D... versera au conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en exécution de l'article 1er du présent dispositif.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D...et au conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 avril 2019.
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N° 17MA01995
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