Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 8 juillet 2016 par laquelle la directrice du centre pénitentiaire de Borgo a fixé la date de consolidation de son état de santé au 31 mai 2014 et l'a placé en congé de maladie ordinaire à compter du 1er juin 2014 ainsi que la décision implicite par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires PACA/Corse a rejeté son recours hiérarchique formé le 5 septembre 2016.
Par un jugement n° 1700013 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2018, M. C... représenté par Me D... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 mai 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 8 juillet 2016 par laquelle la directrice du centre pénitentiaire de Borgo a fixé la date de consolidation de son état de santé au 31 mai 2014 et l'a placé en congé de maladie ordinaire à compter du 1er juin 2014 ainsi que la décision implicite par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires PACA/Corse a rejeté son recours hiérarchique formé le 5 septembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a manqué de relever l'illégalité de la décision implicite attaquée tirée de l'absence de nouvelle réunion de la commission de réforme ;
- les décisions querellées sont entachées d'une rétroactivité illégale ;
- la consolidation ne pouvait fonder les décisions en litige et les soins ont été poursuivis au titre des séquelles liées à l'accident de service ; le rapport d'expertise du 8 mars 2016 affirmait que l'imputabilité au service des séquelles de son accident ne pouvait être reconnue que comme partielle ; son état antérieur concerne le genou droit alors qu'il a été blessé au genou gauche lors de son accident de service ;
- l'incapacité permanente partielle retenue est en contradiction avec celle fixée lors de sa dernière expertise médicale ;
- en application de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, seule la reprise de fonction ou la mise à la retraite permettent de mettre fin à la prise en charge des dépenses de santé et au versement intégral du traitement.
Par un mémoire, enregistré le 13 février 2019, la ministre de la justice, garde des sceaux, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- la requête, qui est la reproduction de la demande de première instance, est irrecevable ;
- pour le surplus, elle s'en remet à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Tahiri,
- les conclusions de M. Coutel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., surveillant au centre pénitentiaire de Borgo, a été victime d'un accident reconnu imputable au service le 9 juin 2010 lui ayant occasionné un traumatisme au genou gauche. Par décision du 8 juillet 2016, la directrice du centre pénitentiaire de Borgo a fixé la date de consolidation de son état de santé au 31 mai 2014 et l'a placé en congé de maladie ordinaire à compter du 1er juin 2014. M. C... fait appel du jugement du 9 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 juillet 2016 et de la décision implicite de rejet révélée par le silence gardé par la directrice interrégionale des services pénitentiaires PACA/Corse sur son recours hiérarchique formé le 5 septembre 2016.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre de la justice, garde des sceaux :
2. La requête présentée par M. C... ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement le texte de sa demande de première instance et énonce de manière précise les moyens invoqués à l'encontre du jugement et des décisions attaquées. Elle satisfait ainsi aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et n'est, dès lors, pas irrecevable.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...)
2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ". D'une part, la consolidation, qui a pour objet de constater la stabilisation de l'état de santé du fonctionnaire et non la disparition de toute séquelle de l'accident, ne saurait valoir reconnaissance de l'aptitude de ce dernier à reprendre ses fonctions. D'autre part, lorsque l'état d'un fonctionnaire est consolidé postérieurement à un accident imputable au service, le bénéfice des dispositions précitées du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 est subordonné à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. L'existence d'un état antérieur, serait-il évolutif, ne permet d'écarter l'imputabilité au service de l'état d'un agent que lorsqu'il apparaît que cet état a déterminé, à lui seul, l'incapacité professionnelle de l'intéressé.
4. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
5. Après avoir relevé que la décision du 8 juillet 2016 en litige était fondée sur la consolidation de l'état de santé de M. C... à compter du 31 mai 2014, les premiers juges
ont considéré, à bon droit, que ce motif ne pouvait légalement fonder la décision attaquée
en ce qui concerne le bénéfice des dispositions précitées du 2° de l'article 34 de la loi
du 11 janvier 1984. Les premiers juges ont ensuite fait droit à la demande de substitution
de motifs, sollicitée par le ministre de la justice, en se fondant sur celui tiré de ce que les séquelles présentées par M. C... étaient exclusivement imputables à un état antérieur.
Il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme, réunie le 31 mai 2016 et appelée à se prononcer sur l'imputabilité à l'accident de service du 9 juin 2010 des séquelles présentées au genou gauche par M. C..., a estimé qu'" à compter du 1er juin 2014, les troubles et les soins sont en relation directe et certaine avec son état antérieur", mentionnant à la suite d'une erreur matérielle le genou droit de l'intéressé. Toutefois, cette commission s'est fondée pour ce faire sur l'expertise réalisée le 26 janvier 2016 par le Dr B... qui, s'il a conclu que " les arrêts de travail et les soins postérieurs au 31 mai 2014 doivent être pris en compte au titre du congé maladie ordinaire " a estimé au contraire que " les troubles présentés sont imputables à l'accident du 9 juin 2010, cependant l'imputabilité ne peut être reconnue ici que comme partielle, en raison d'un état antérieur ". Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état antérieur de M. C... ait déterminé, à lui seul, son incapacité professionnelle. Dès lors, l'appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour rejeter sa demande, les premiers juges ont admis la légalité du motif tiré de ce que son état de santé à compter du 1er juin 2014 était exclusivement imputable à un état antérieur.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni d'examiner les autres moyens de la requête, que le jugement attaqué du tribunal administratif de Bastia, la décision du 8 juillet 2016 ainsi que la décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé le 5 septembre 2016 par M. C... doivent être annulés.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Aucun dépens n'a été exposé au cours de l'instance d'appel. Les conclusions présentées à ce titre par M. C... ne peuvent donc qu'être rejetées.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat (ministère de la justice) la somme de 2 000 euros à verser à M. C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement attaqué du tribunal administratif de Bastia, la décision du 8 juillet 2016 plaçant M. C... en congé de maladie ordinaire à compter du 1er juin 2014 ainsi que la décision implicite rejetant son recours hiérarchique formé le 5 septembre 2016 sont annulés.
Article 2 : L'Etat (ministère de la justice) versera la somme de 2 000 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2019, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme Tahiri, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 avril 2019.
N° 18MA03133 5