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03/04/2019 | FRANCE | N°17MA01708

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 03 avril 2019, 17MA01708


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Rognes à lui verser la somme de 32 725 euros en réparation des préjudices subis entre décembre 2006 et décembre 2010.

Par un jugement n° 1409399 du 15 mars 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Rognes à verser à M. B... la somme de 15 925 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 avril 2017 et le 28 janvier 2019, la commun

e de Rognes, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Rognes à lui verser la somme de 32 725 euros en réparation des préjudices subis entre décembre 2006 et décembre 2010.

Par un jugement n° 1409399 du 15 mars 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Rognes à verser à M. B... la somme de 15 925 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 avril 2017 et le 28 janvier 2019, la commune de Rognes, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 mars 2017 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Marseille et son recours incident devant la Cour ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* les conclusions indemnitaires incidentes de M. B..., qui sont nouvelles en appel, sont ainsi irrecevables ;

* en exerçant illégalement une activité professionnelle au cours de la période d'éviction alors qu'il devait être regardé comme étant en activité, M. B... a commis une faute de nature à exclure toute indemnisation du préjudice qui résulterait d'une perte de rémunération.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 décembre 2017, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident :

* de réformer ce jugement en tant que celui-ci a limité à la somme de 15 925 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de Rognes en réparation du préjudice subi ;

* de porter à la somme de 31 850 euros le montant de l'indemnité due par la commune de Rognes ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Rognes la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

* la faute qu'il a commise à l'origine de son éviction ne peut justifier que la commune soit exonérée partiellement de sa responsabilité dès lors que celle-ci est recherchée sur le fondement de la faute tenant à son absence de réintégration et non pas sur celui tenant à l'illégalité de sa radiation ;

* en tout état de cause, la commune ne pourrait être exonérée qu'à hauteur de 20% de sa responsabilité ;

* le préjudice moral subi et les troubles dans les conditions d'existence doivent être réparés à hauteur de 4 000 euros ;

* les moyens soulevés par la commune de Rognes ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 janvier 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 janvier 2019 à 12 heures.

Un mémoire présenté pour M. B... par Me A... a été enregistré le 31 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

* la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

* le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

* les conclusions de M. Coutel, rapporteur public,

* et les observations de Me E..., substituant Me C..., représentant la commune de Rognes.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 29 décembre 1999, le maire de Rognes a radié des cadres M. B..., brigadier-chef principal de police municipale, au motif que l'agrément du procureur de la République prévu à l'article L. 412-49 du code des communes lui avait été retiré. Par un jugement du 27 juin 2002 devenu définitif sur ce point, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté pour erreur de droit, le maire n'ayant pas cherché à reclasser l'intéressé dans un autre cadre d'emplois, et a enjoint à la commune de procéder à la réintégration juridique de M. B... dans le délai de trois mois suivant la notification de ce jugement. Par arrêté du 12 août 2002, le maire de Rognes a procédé à cette réintégration juridique et, par arrêté du 14 août suivant, prononcé à nouveau la radiation des cadres de M. B... pour perte de confiance. Par un jugement du 23 novembre 2006, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté du 14 août 2002 qui radiait des cadres M. B... sans que celui-ci ait été préalablement révoqué, et a enjoint à la commune de Rognes de procéder à sa réintégration juridique à compter du 14 août 2002 et de reconstituer sa carrière. Par un jugement du 28 décembre 2009, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Rognes à verser à M. B... la somme de 24 000 euros en réparation du préjudice financier subi jusqu'au 23 décembre 2006 résultant de l'illégalité de son éviction prononcée par les arrêtés du 29 décembre 1999 et du 14 août 2012. Le 23 décembre 2010, l'intéressé a demandé à nouveau à la commune sa réintégration ainsi que la réparation du préjudice financier subi depuis le 23 décembre 2006. Par arrêté du 11 juillet 2011, le maire de Rognes a procédé à la réintégration juridique de M. B... à compter du 14 août 2002 et à la reconstitution de sa carrière. Par arrêté du 11 janvier 2012, il a reclassé ce dernier, à compter du 20 février suivant, par la voie du détachement, dans le cadre d'emplois des agents de maîtrise territoriaux, au grade d'agent de maîtrise principal, en qualité de responsable de la propreté urbaine. La commune de Rognes fait appel du jugement du 15 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser à M. B... la somme de 15 925 euros en réparation du préjudice financier subi de janvier 2007 à décembre 2010 résultant de l'illégalité de son éviction prononcée par les arrêtés du 29 décembre 1999 et du 14 août 2002. Par la voie du recours incident, M. B... demande à la Cour de réformer ce jugement en tant que l'indemnité allouée est insuffisante.

Sur la responsabilité résultant de l'éviction illégale de M. B... :

2. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité.

Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi qu'il a perçues au cours de la période d'éviction.

3. Il n'est pas contesté, d'une part, que le montant des rémunérations et des primes et indemnités dont M. B... a été privé entre janvier 2007 à décembre 2010 s'élève à 80 000 euros, d'autre part, que celui-ci a perçu au cours de cette période des revenus de toute nature dont le montant total net atteint 48 150 euros. Ainsi, le préjudice financier subi par M. B... de janvier 2007 à décembre 2010 résultant de l'illégalité fautive de son éviction prononcée par les arrêtés du 29 décembre 1999 et du 14 août 2012 doit être évalué à la somme de 31 850 euros.

4. La commune de Rognes soutient que M. B... aurait eu un comportement fautif en exerçant une activité artisanale au cours de la période d'éviction, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires selon lesquelles les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées et ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit et à celles du décret du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat. Toutefois, cette faute prétendue, postérieure aux décisions illégales annulées par le juge administratif, ne saurait être prise en considération pour apprécier le lien de causalité pouvant exister entre les préjudices subis par l'agent évincé et les illégalités commises. Par ailleurs, s'il est vrai que l'annulation par le tribunal administratif de Marseille des arrêtés du 29 décembre 1999 et du 14 août 2012 radiant M. B... des cadres a eu pour effets de faire disparaître rétroactivement ces décisions et que le maire de Rognes a reconstitué la carrière de son agent, il ne l'a réintégré effectivement qu'à compter du 20 février 2012, à la suite d'un arrêté du 11 janvier 2012, ainsi qu'il a été exposé au point 1. Les fautes commises par M. B... postérieurement à sa réintégration ne peuvent davantage être relevées à son encontre pour justifier une exonération totale ou partielle de la responsabilité de la commune de Rognes.

5. Il résulte toutefois de l'instruction que l'éviction de M. B... des services de la commune de Rognes et le retrait de son agrément délivré par le procureur de la République d'Aix-en-Provence pour exercer les fonctions d'agent de police municipale ont été motivés par le fait, non contesté par l'intéressé, que celui-ci avait stocké des fichiers de photographies pornographiques sur l'ordinateur dont il disposait dans le service. Eu égard à l'importance respective de l'illégalité interne ayant justifié l'annulation des arrêtés du 29 décembre 1999 et du 14 août 2012 et de la faute ainsi relevée à l'encontre de M. B..., qui ne peut utilement faire valoir sur ce point le caractère tardif de sa réintégration effective, la commune de Rognes doit être déclarée responsable de la moitié du préjudice subi par son agent.

Sur la responsabilité résultant du retard intervenu dans l'exécution des jugements du tribunal administratif de Marseille :

6. Il ressort de l'énoncé des faits rappelé au point 1 que l'exécution du tribunal administratif de Marseille du 23 novembre 2006, lequel a annulé l'arrêté du 14 août 2002 radiant des cadres une seconde fois M. B... et enjoignant à la commune de Rognes de procéder à sa réintégration juridique à compter du 14 août 2002 et de reconstituer sa carrière n'est intervenue que le 11 juillet 2011, date à laquelle le maire de Rognes a procédé à sa réintégration juridique. Compte tenu de l'importance de ce retard dans l'exécution de ce jugement, M. B..., dont la situation était celle d'une personne qui a dû exercer une activité professionnelle pour assurer sa subsistance, a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence qui doivent être réparés par l'allocation d'une somme de 4 000 euros.

7. Il résulte de ce qui précède que, d'une part, la commune de Rognes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser à M. B... une indemnité, d'autre part, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Rognes, M. B... est seulement fondé à demander que cette indemnité soit portée à la somme de 19 925 euros.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Rognes demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Rognes la somme de 1 800 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Rognes est rejetée.

Article 2 : La somme de 15 925 euros que la commune de Rognes a été condamnée à verser à M. B... par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 mars 2017 est portée à 19 925 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 mars 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Rognes versera à M. B... la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Rognes et à M. D... B....

Délibéré après l'audience du 20 mars 2019, où siégeaient :

* M. Gonzales, président,

* M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

* M. Jorda, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 avril 2019.

N° 17MA01708 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01708
Date de la décision : 03/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL GRIMALDI - MOLINA et ASSOCIÉS - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-04-03;17ma01708 ?
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