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01/04/2019 | FRANCE | N°18MA00569

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 01 avril 2019, 18MA00569


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 4 août 2017 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 1704129 du 5 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le

8 février 2018, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 4 août 2017 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 1704129 du 5 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 février 2018, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 4 août 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros TTC, à verser à son conseil, lequel renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- le préfet ne justifie pas de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile dans une langue comprise par elle ; le document intitulé " telemOfpra " ne suffit pas à justifier d'une telle notification ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation, en méconnaissance de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et s'est estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- le préfet s'est estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

- il a méconnu les articles L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mars 2019 le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... Steinmetz-Schies, président-rapporteur ;

- et les observations de Me C..., substituant Me B..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité nigériane, née le 4 avril 1986, est entrée irrégulièrement en France le 20 février 2016 avec sa fille mineure. Le 13 mai 2016, elle a demandé à bénéficier du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 février 2017, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 29 juin 2017. Mme A... relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier du 5 octobre 2017 qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté, en date du 4 août 2017, par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Le a du 3° du Tl de l'article L. 511-1 n'est pas applicable ". Aux termes de l'article R. 733-32 du même code : " Le secrétaire général de la Cour notifie la décision de la Cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3 (...) ". Selon le premier alinéa de l'article R. 213-6 de ce code : " l'étranger est informé dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, du caractère positif ou négatif de la décision prise (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée par le secrétaire général de la Cour nationale du droit d'asile. En l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire.

3. Si la fiche " TelemOfpra " produite par le préfet de l'Hérault en première instance fait apparaître que la décision de la Cour nationale du droit d'asile mentionnée au point 1 a été notifiée à Mme A..., le 11 juillet 2017, elle ne permet pas en revanche de vérifier, alors que ce point est contesté par la requérante, que cette notification a satisfait à l'exigence de langue posée par l'article R. 213-6 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de l'Hérault, invité par la Cour à justifier du respect de la formalité en cause, n'a pas déféré à cette mesure d'instruction. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de base légale, en l'absence de justification d'une notification régulière, dans une langue comprise par Mme A..., de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, doit être accueilli.

4. Les autres moyens d'annulation invoqués par Mme A..., en particulier celui tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne sont quant à eux pas susceptibles d'entraîner l'annulation des décisions contestées.

5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 4 août 2017. Il y a lieu d'annuler ce jugement et cet arrêté en toutes ses dispositions.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Eu égard à la portée du motif d'annulation retenu au point 3, seul de nature à permettre la censure de l'arrêté en litige ainsi qu'il a été dit, l'exécution du présent arrêt ne saurait impliquer, au sens de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, la délivrance d'un titre de séjour à Mme A.... Il y a donc seulement lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de procéder au réexamen de la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt, en munissant l'intéressée, durant ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a ainsi lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B..., conseil de Mme A..., d'une somme de 1 500 euros, cela sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier du 5 octobre 2017 et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 4 août 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Me B... en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la république près le tribunal de grande instance de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2019, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme D... Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.

Lu en audience publique le 1er avril 2019.

N° 18MA00569 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00569
Date de la décision : 01/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-04-01;18ma00569 ?
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