Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 27 février 2018 par lequel le préfet de Vaucluse lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par un jugement n° 1801549 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2018, M. E..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 juillet 2018 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 février 2018 du préfet de Vaucluse ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze à compter de la notification du présent arrêt et, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- la procédure est irrégulière dès lors qu'il a été privé de son droit d'être entendu au titre de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le refus de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- ce refus a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- la procédure est irrégulière dès lors qu'il a été privé de son droit d'être entendu ;
- la décision est fondée sur une mesure entachée d'illégalité.
La requête a été communiquée au préfet de Vaucluse qui n'a pas produit de mémoire.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2018.
Par une lettre du 6 mars 2018, la Cour a, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public relevé d'office, tiré de l'inapplicabilité de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'éventualité d'une substitution de base légale de l'arrêté litigieux par les articles 3 et 9 de l'accord franco-marocain.
Une réponse à ce moyen d'ordre public a été présentée le 11 mars 2019 pour M. E....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Slimani a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant marocain né le 12 mai 1983, a sollicité, le 18 janvier 2017, un titre de séjour en qualité de salarié auprès du préfet de Vaucluse. Ce dernier, par un arrêté du 27 février 2018, a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois. Par le jugement du 12 juillet 2018 dont M. E... relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes du 1er paragraphe de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". En vertu du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
3. M. E... a été mis à même de faire valoir, lors du dépôt de sa demande de titre de séjour par voie postale et de l'instruction de celle-ci, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de la décision concernant son droit au séjour en France. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il aurait été empêché de s'exprimer avant que ne soit prise la décision qu'il conteste. Il n'est pas soutenu, et ne ressort pas davantage des pièces du dossier, que le préfet aurait refusé de prendre en compte les documents que le requérant aurait voulu lui transmettre ou même lui aurait transmis. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu, énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qu'il tient du principe général du droit de l'Union.
4. En deuxième lieu, M. E... ne peut utilement invoquer, en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de la décision par laquelle le préfet de Vaucluse lui a refusé la délivrance du titre de séjour qu'il avait sollicité en qualité de salarié et sans examiner sa situation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce moyen ne peut, par suite, qu'être écarté.
5. En troisième lieu, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord et l'autorité administrative ne peut davantage légalement se fonder sur les dispositions de l'article L. 313-14 de ce code pour refuser la délivrance d'un titre de séjour, en qualité de salarié, à un ressortissant marocain. Par suite, le préfet du Vaucluse ne pouvait légalement rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée par M. E... en se fondant notamment sur la circonstance que ce dernier ne remplissait pas les conditions mentionnées par les dispositions de l'article L. 313-14.
6. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. Il appartient au juge de substituer à la base légale erronée de l'article L. 313-14 du code celle tirée du pouvoir, dont dispose le préfet, de régulariser ou non la situation d'un étranger, dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En l'espèce, pour refuser de délivrer l'autorisation de travail sollicitée pour l'emploi de M. E... par la société " M. C... A... ", l'autorité préfectorale s'est fondée notamment sur la circonstance que cette entreprise n'offrait aucune garantie de la qualification et de l'expérience professionnelle de l'intéressé en qualité de " conducteur de travaux BTP ". Il ressort des pièces du dossier que les contrats de travail saisonniers et bulletins de salaires fournis par l'intéressé, pour l'essentiel relevant d'un travail dans le domaine agricole, ne sont pas de nature à justifier qu'il a une expérience avérée pour occuper, à la date de la décision attaquée, l'emploi de conducteur de travaux mentionné dans la demande d'autorisation de travail. Ce dernier ne justifie pas bénéficier d'une quelconque qualification pour occuper cet emploi d'encadrement. Par suite, le préfet de Vaucluse n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié " à M. E.... Le refus de titre attaqué trouve, ainsi, un fondement légal dans l'exercice par le préfet du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont cette autorité dispose. Ce fondement légal, qui ne prive pas M. E... d'une garantie, confère à l'administration le même pouvoir d'appréciation que celui dont elle dispose en vertu des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, l'exercice par le préfet de Vaucluse de son pouvoir général de régularisation peut être substitué au fondement erroné retenu. Si l'appelant soutient que le préfet a commis une erreur de droit en appliquant le critère de l'absence de garantie de la qualification et de l'expérience professionnelle du salarié alors qu'un tel critère n'est pas prévu par le code du travail, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision en cause prise dans le cadre du pouvoir de régularisation exceptionnelle du préfet.
8. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui. ".
9. M. E..., qui est entré en France en 2008 et qui a bénéficié de titres de séjour en qualité d'ouvrier saisonnier agricole jusqu'en 2011, ne justifie pas avoir séjourné depuis cette dernière date sur le territoire national de manière continue. Célibataire et sans enfant, il ne justifie pas également être dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine où il y a vécu la plus grande partie de sa vie. Alors même que sa grand-mère est titulaire d'une carte de résident, que ses cinq oncles français résident en France et qu'il a suivi des cours de français, M. E... n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Dans ces conditions, la décision attaquée portant refus de séjour ne peut être regardée comme ayant porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été édictée et n'est pas intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :
10. En premier lieu, l'appelant n'établissant pas l'illégalité du refus de titre de séjour, il n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.
11. En second lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 3, qu'il a pu être entendu avant qu'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
12. En l'espèce, M. E... a pu faire valoir tous éléments utiles à l'appui de sa demande, de telle sorte que le préfet de Vaucluse n'était pas tenu d'inviter le requérant à formuler des observations avant de l'obliger à quitter le territoire français. Il s'ensuit que le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., au ministre de l'intérieur et à Me F... D....
Copie en sera adressée pour information au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- Mme Simon, présidente-assesseure,
- M. Slimani, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 mars 2019.
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N° 18MA04961