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26/03/2019 | FRANCE | N°17MA01173

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 26 mars 2019, 17MA01173


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) La compagnie du vent a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2014 par lequel le préfet de l'Aude a refusé de lui délivrer un permis de construire un parc éolien comprenant six éoliennes, deux postes de livraison et un poste de maintenance sur le territoire de la commune de Canet d'Aude, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1500051 du 20 janvier 2017, le tribunal admi

nistratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) La compagnie du vent a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2014 par lequel le préfet de l'Aude a refusé de lui délivrer un permis de construire un parc éolien comprenant six éoliennes, deux postes de livraison et un poste de maintenance sur le territoire de la commune de Canet d'Aude, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1500051 du 20 janvier 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mars 2017, et un mémoire, enregistré le 4 janvier 2019, la société Engie Green France, venant aux droits de la société La compagnie du vent, représentée par Me A..., de LPA CGR Avocats, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de se déplacer sur le site à titre de mesure d'instruction supplémentaire ;

2°) d'annuler le jugement du 20 janvier 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;

3°) d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2014 du préfet de l'Aude, ensemble la décision implicite du rejet de son recours gracieux en tant qu'ils portent sur les éoliennes E2 à E6 et les deux postes de livraison ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de délivrer le permis de construire sollicité ou, à défaut, de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus est entaché d'une erreur d'appréciation et de fait au regard de l'application de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

- le projet n'est pas contraire à l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme en ce que les lieux avoisinants n'ont pas d'intérêt, le site de la plaine viticole de l'Aude est dénué de relief et peu urbanisé, le code de bonne conduite 2003 a classé le site en zone propice à un tel projet tel que celui de " Canet II ", le projet est en continuité du parc de " Canet I " et les éoliennes utilisées sont identiques, le plan de gestion des paysages audois constitue un indice de la qualité du site d'implantation, le parc de Névian participe à la logique de densification de la plaine viticole de l'Aude, l'implantation du projet de Sainte-Valière est similaire à celle du projet en cause, les lieux sont déjà impactés par l'existence de parcs éoliens, l'existence du canal du Midi n'est pas un obstacle au projet, celui-ci n'est pas situé dans la " zone d'influence " du canal du Midi, qui n'offre aucune vue particulière qui nécessiterait une protection et le projet ne remet pas en cause les engagements de l'Etat vis-à-vis de l'UNESCO ;

- le projet n'a aucun impact significatif sur ces lieux, et l'implantation des éoliennes se fait en continuité du parc existant ;

- l'environnement très ouvert est compatible avec le projet et le canal du Midi n'est pas " en balcon " sur la plaine de l'Aude ;

- le parti pris d'implantation est cohérent et le commissaire enquêteur s'est prononcé favorablement sur le projet ;

- le projet s'inscrit dans une zone de densification éolienne reconnue depuis 2013 et il ne crée lui-même aucune barrière visuelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2018, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le plan de gestion des paysages audois n'a aucun caractère impératif et le projet ne s'inscrit dans aucun des deux scenarii de densification des parcs éoliens prévus par ce plan ;

- l'autorisation relative au " parc éolien de Névian ", éloigné du Canal du Midi, n'est pas comparable au projet ;

- le projet n'est pas compatible en raison de sa proximité avec le Canal du Midi, ouvrage classé au patrimoine mondial ;

- la commission départementale de la nature, des paysages et des sites a rendu un avis défavorable à l'unanimité le 4 juillet 2014 ;

- les photomontages n° 24 et 29 joints à l'étude d'impact établissent qu'il n'y a aucune barrière végétale propre à masquer le parc éolien ;

- la ripisylve située le long de l'Aude ne constitue pas une barrière végétale et la situation en balcon du Canal du Midi atténue encore l'occultation de cette barrière ;

- le projet " Canet II " crée un effet de barrière visuelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Slimani ;

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., représentant la société Engie Green France.

Une note en délibéré, présentée pour la société Engie Green France, a été enregistrée le 18 mars 2019.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) La compagnie du vent a déposé une demande de permis de construire pour la réalisation d'un parc éolien dénommé " Canet II " composé de 6 aérogénérateurs, 2 postes de livraison et 1 poste de maintenance sur un terrain situé Les Gourgets au lieu-dit Campaure, sur le territoire de la commune de Canet d'Aude. Par un arrêté du 9 juillet 2014, le préfet de l'Aude a refusé le permis de construire ainsi sollicité. Le recours gracieux, formé le 9 septembre 2014, par la société La compagnie du vent a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. La société Engie Green France, venant aux droits de la société La compagnie du vent, relève appel du jugement du 20 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2014, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Pour refuser le permis de construire sollicité, le préfet de l'Aude s'est fondé sur le motif tiré de ce que le projet de construction en litige méconnaît les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

3. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21 cité ci-dessus.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que si les enjeux de reconnaissance touristique ou patrimoniale de la zone sont assez éloignés, le projet se trouve toutefois dans les franges paysagères du Canal du Midi inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO le 7 décembre 1996, et dont l'ensemble formé par le domaine public fluvial de l'Etat a été classé parmi les sites des départements de la Haute-Garonne, de l'Aude et de l'Hérault par arrêté du 4 avril 1997 du ministre de l'environnement. La ripisylve située le long de l'Aude, à 380 mètres au nord du projet, délimite la zone sensible du Canal vis-à-vis des projets de développement. La notice paysagère précise que les villages de Paraza, de Ventenac-en-Minervois et de Roubia, situés le long du canal, dont la situation est en balcon sur la plaine, présentent un enjeu paysager par les vues qu'ils offrent sur le secteur. La juxtaposition des exploitations agricoles et viticoles, plaines viticoles du Lézignanais, des villages qui offrent des panoramas, des espaces naturels et des cours d'eau que sont l'Aude et le Canal du Midi caractérisent ainsi une qualité certaine de paysages, à vocation touristique affirmée. Si le projet se trouve dans la continuité du projet " Canet I ", comprenant 5 éoliennes, et qu'il existe d'autres parcs éoliens au nord et au sud de l'Aude, il ressort des pièces du dossier que le projet de Sainte-Valière autorisé en 2016, qui comprend 5 aérogénérateurs, est situé plus au nord, le parc éolien de la Serre d'Oupia, qui comprend 9 éoliennes et pour lequel l'implantation de 6 éoliennes a été autorisée est, quant à lui, situé bien plus loin au nord-ouest à plus de 8 kilomètres, le parc éolien de Luc-sur-Orbieu, qui comprend 8 éoliennes et pour lequel l'implantation de 5 éoliennes a été autorisée, est situé bien plus au sud à 9 kilomètres, le parc éolien de Névian, qui comprend 21 aérogénérateurs, est situé en crête à 5 kilomètres au sud-ouest, le parc éolien de Cruscades, qui comprend 5 aérogénérateurs, est implanté à 5 kilomètres au sud et, enfin, le parc éolien d'Escales-Conilhac, qui comprend 10 éoliennes, est situé à 7 kilomètres à l'ouest. Eu égard à la faible importance du projet " Canet I " et à l'éloignement des autres parcs éoliens existants, ces ouvrages ne sont pas de nature à faire regarder le secteur comme déjà fortement anthropisé et, dès lors, ne sauraient être considérés comme affectant négativement la qualité du site.

5. En second lieu, le projet porte sur la réalisation d'un parc éolien dénommé " Canet II " composé de 6 aérogénérateurs, dont les hauteurs culminent à 93 mètres, et de 2 postes de livraison et 1 poste de maintenance. Les photomontages n° 24 (Paraza - pont sur le canal du Midi) et n° 25 (Paraza - station d'épuration) joints à l'étude d'impact établissent qu'il n'y a aucune barrière végétale propre à masquer le parc éolien depuis les berges du Canal du Midi, notamment au sud du village de Paraza. La circonstance que, pour ces points de visibilité, les machines soient implantées en alignement de celles du parc de " Canet I " et qu'elles présentent les mêmes caractéristiques techniques ne saurait les faire regarder comme ne portant pas atteinte à l'environnement et au caractère remarquable du site. Par ailleurs, la ripisylve située le long de l'Aude, à 380 mètres au nord du projet, ne suffit pas à constituer une barrière végétale eu égard, d'une part, à la hauteur du projet et, d'autre part, à la situation du Canal du Midi qui surplombe à cet endroit la plaine ainsi qu'il ressort de l'étude d'impact à sa page 354. L'implantation du projet a, en outre, pour effet de créer, en prenant en compte les 5 éoliennes du projet " Canet I ", une barrière visuelle de 11 éoliennes entre les villages de Roubia et de Paraza. Ainsi, et alors même que la société fait valoir qu'il existe un intérêt à assurer la concentration d'éoliennes sur un même site afin de préserver d'autres sites vierges de tels équipements, le projet est de nature à préjudicier aux caractéristiques du site du Canal du Midi, élément du patrimoine mondial, et de ses abords, notamment du village de Paraza. En outre, si la " zone nord de Narbonne-Névian " a été identifiée comme un bassin éolien actuel ou potentiel dans le code de bonne conduite pour l'implantation raisonnée de l'éolien dans l'Aude en 2003 et que le projet s'insère dans une zone potentielle de développement (ZDE) des parcs éoliens existants déterminée par l'Etat, ces éléments sont sans influence sur l'appréciation portée par le préfet au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme. Il en va de même des prescriptions du plan de gestion des paysages audois, dépourvue de valeur normative. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation ou de fait que le préfet de l'Aude a refusé de délivrer le permis de construire au motif que le projet méconnaît les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de prescrire la mesure d'instruction complémentaire sollicitée, que la société Engie Green France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2014, ensemble la décision implicite du rejet de son recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Engie Green France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Engie Green France et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- Mme Simon, présidente-assesseure,

- M. Slimani, premier-conseiller,

Lu en audience publique, le 26 mars 2019.

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N° 17MA01173


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01173
Date de la décision : 26/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: M. Ahmed SLIMANI
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : LPA CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-03-26;17ma01173 ?
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