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18/03/2019 | FRANCE | N°18MA03501

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 18 mars 2019, 18MA03501


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du préfet de Vaucluse du 13 février 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1801177 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2018, M. B..., représe

nté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du préfet de Vaucluse du 13 février 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1801177 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Vaucluse du 13 février 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil, lequel renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313 11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- cet arrêté, en tant qu'il fixe le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C...Steinmetz-Schies, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant albanais né le 10 mai 1978, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français en octobre 2016, accompagné de sa femme et de leurs deux enfants. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 février 2017, ensuite confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 26 juin 2017. M. B... a sollicité, le 27 juillet 2017, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté, en date du 13 février 2018, par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Sur le bien-fondé du jugement:

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. (...) " .

3. Par un avis du 23 janvier 2018 dont le préfet de Vaucluse a retracé la teneur dans son arrêté et dont il s'est approprié les termes, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut effectivement y bénéficier d'un traitement approprié, et que, au vu des éléments du dossier à la date de l'avis, il peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Si M. B... soutient qu'il souffre d'importants problèmes de prostate, de stress post-traumatique, ainsi que de problèmes ophtalmologiques, et qu'il ne pourra bénéficier dans son pays d'origine d'une surveillance médicale et des médicaments appropriés, les nombreux certificats et documents médicaux faisant état des soins qui lui ont déjà été dispensés ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration quant à l'existence et à la disponibilité effective d'un traitement approprié à ses pathologies en Albanie, son pays d'origine. Par suite et sans qu'il soit besoin de demander la communication de cet avis, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 11° précité doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré irrégulièrement sur le territoire français en octobre 2016, accompagné de sa femme et de leurs deux enfants mineurs. L'épouse de l'intéressé, MmeB..., séjourne également de manière irrégulière sur le territoire français, sa demande d'asile ayant été rejetée, ainsi que, par un arrêt du 22 octobre 2018, son recours dirigé contre l'arrêté du 13 février 2018 lui refusant un titre de séjour et prescrivant son éloignement. M. B... fait par ailleurs valoir que ses enfants sont scolarisés en classe de cinquième et en cours élémentaire de deuxième année, et qu'il est bénévole au sein d'associations. Toutefois, il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-huit ans dans son pays d'origine et ne justifie pas, par les pièces versées aux débats, d'une particulière insertion dans la société française. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de M. B..., la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. M. B... fait valoir qu'il est menacé dans son pays d'origine et que son fils a été mutilé par un oncle en raison de la confession de son épouse. Toutefois, le requérant, dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ainsi que par la Cour nationale du droit d'asile, n'appuie ses allégations que sur son propre récit produit devant ces institutions, sans apporter d'éléments de nature à établir que ses enfants seraient personnellement et actuellement exposés à des violences en Albanie ou qu'ils seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité dans ce pays. Dans ces conditions, la décision en litige n'a pas méconnu les stipulations précitées de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ". L'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger a l'obligation de s'assurer, au vu du dossier dont elle dispose et sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. M. B... soutient qu'il est menacé dans son pays d'origine et craint d'y retourner. Toutefois, là encore, il n'appuie ses allégations que sur son propre écrit alors, au demeurant et comme il a été dit précédemment, que sa demande d'asile et celle de son épouse ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile. En admettant l'existence de tensions familiales liées à son mariage, il n'est pas justifié de l'incapacité des autorités albanaises, s'agissant d'un litige d'ordre privé, à assurer la protection de l'intéressé et de ses enfants. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté aurait été pris en méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de Vaucluse du 13 février 2018.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 s'opposent à ce que la somme réclamée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2019, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme C... Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 mars 2019.

N° 18MA03501 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA03501
Date de la décision : 18/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : PYXIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-03-18;18ma03501 ?
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