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14/03/2019 | FRANCE | N°17MA02444

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 14 mars 2019, 17MA02444


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Baringer a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2009.

Par un jugement n° 1407153 du 31 mars 2017, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publi

cs demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 de ce jugement du 31 mars 2017 du tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Baringer a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2009.

Par un jugement n° 1407153 du 31 mars 2017, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 de ce jugement du 31 mars 2017 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de remettre à la charge de la SARL Baringer le rappel de taxe sur la valeur ajoutée dont la décharge a été prononcée en première instance.

Il soutient que :

- l'avis de recouvrement litigieux a été signé par Mme B...D..., qui a reçu délégation de signature du comptable du service des impôts des entreprises d'Aix Sud par décision du 9 septembre 2013, publiée à la page 62 du recueil des actes administratifs des Bouches-du-Rhône n° 174 de septembre 2013 ;

- la prescription du droit de reprise de l'administration a été valablement interrompue par la notification de la proposition de rectification du 21 décembre 2012, qui était suffisamment motivée ;

- le délai de réclamation était expiré lorsque la société requérante a présenté sa demande de restitution de la taxe sur la valeur ajoutée collectée à tort en octobre 2009.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2018, la SARL Baringer, représentée par Me Boulan, demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement contesté du tribunal administratif de Marseille ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'avis de mise en recouvrement du 16 décembre 2013 et la décision implicite de rejet de la réclamation contentieuse présentée le 3 janvier 2014 ;

3°) d'enjoindre à l'administration fiscale de procéder au dégrèvement de la somme de 334 040 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis de mise en recouvrement a été signé par une autorité incompétente ;

- le droit de reprise de l'administration était expiré lorsqu'elle a lui notifié la proposition de rectification le 11 février 2013, la proposition notifiée le 24 décembre 2012 n'ayant pu avoir d'effet interruptif dès lors qu'elle était insuffisamment motivée et comportait des motifs erronés ;

- la demande de restitution, réalisée en octobre 2009, n'est pas entachée de forclusion, dès lors qu'elle demandait la restitution d'une TVA collectée à tort et non la majoration d'une TVA déductible ;

- elle entend se prévaloir de la doctrine administrative référencée 13 L-1327 n° 4 à 9 du 1er juillet 2012 et BOI-CF-PGR-30-50 n° 40, 60 et 70 du 12 septembre 2012 ;

- l'administration a procédé à un détournement de procédure qui révèle une violation du devoir de loyauté qui s'impose à elle, en lui adressant une proposition de rectification irrégulière dans le seul but d'interrompre le délai de reprise, dix jours avant son expiration et en lui réclamant le paiement d'une TVA dont elle admet qu'elle n'était pas due.

Le ministre de l'action et des comptes publics a produit un nouveau mémoire le 14 mars 2018, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Paix, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Mosser, présidente de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon,

- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant Me Boulan, avocat de la SARL Baringer.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Baringer a fait l'objet d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal, à l'issue duquel l'administration lui a notifié une rectification en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2009. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 31 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge du complément d'imposition auquel cette société a ainsi été assujettie.

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

2. Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) / L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public compétent. / Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 257 A du même livre, également dans sa version applicable au litige : " Les avis de mises en recouvrement peuvent être signés et rendus exécutoires et les mises en demeure de payer peuvent être signées, sous l'autorité et la responsabilité du comptable public compétent, par les agents du service ayant reçu délégation ".

3. Il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement, rendu exécutoire le 31 décembre 2013, a été signé par Mme B...D..., contrôleur des finances publiques, qui a reçu délégation à cet effet, à compter du 15 septembre 2013, par un arrêté du 9 septembre 2013 signé par M. E...A..., comptable public, responsable du service des impôts des entreprises d'Aix-en-Provence Sud, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Bouches-du-Rhône n° 174 du mois de septembre 2013, et produit pour la première fois en appel. Ainsi, l'avis de mise en recouvrement litigieux n'a pas été signé par une autorité incompétente. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur ce motif pour prononcer la décharge du rappel de TVA auquel la SARL Baringer a été assujettie.

4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL Baringer tant en première instance qu'en appel.

Sur les conclusions à fin de décharge présentées par la SARL Baringer :

5. Aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun. (...) ". Aux termes de l'article L. 57 de ce livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ".

6. Le litige portant sur un montant de TVA porté en déduction en octobre 2009, le droit de reprise de l'administration pouvait être exercé jusqu'au 31 décembre 2012. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a notifié le 24 décembre 2012 à la SARL Baringer, avant l'expiration de ce délai, une proposition de rectification datée du 21 décembre 2012. Contrairement à ce que soutient la société, cette proposition, qui mentionnait l'imposition concernée, la période d'imposition, ainsi que les motifs de droit et de fait justifiant le rehaussement, était suffisamment motivée au sens des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et a, ainsi, pu valablement interrompre la prescription. Si l'administration, pour prendre en compte les observations formulées par la société, lui a adressé une nouvelle proposition de rectification fondée sur un autre motif, cette circonstance est sans incidence sur la validité de l'interruption de la prescription résultant de la notification de la première proposition, quand bien même ses motifs étaient inexacts. Dans ces conditions, la SARL Baringer n'est pas fondée à soutenir que l'imposition en litige serait prescrite faute pour l'administration fiscale d'avoir interrompu le délai de prescription avant le 31 décembre 2012.

7. Le délai de reprise ayant été régulièrement interrompu par la proposition de rectification du 21 décembre 2012, la SARL Baringer n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait commis un détournement de procédure et manqué à son devoir de loyauté au motif que cette proposition était fondée sur un motif erroné. Au surplus, l'administration fiscale n'a pu prendre acte de son erreur qu'au vu des observations présentées par la SARL Baringer le 7 janvier 2013, en réponse à cette proposition de rectification.

8. Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. / Relèvent de la même juridiction les réclamations qui tendent à obtenir la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire ou d'un excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre d'une période donnée, même lorsque ces erreurs n'entraînent pas la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire. (...) ". L'article 208 de l'annexe II au code général des impôts dispose : " I. - Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission. Les régularisations prévues à l'article 207 doivent également être mentionnées distinctement sur ces déclarations. / II. - Lorsque, sur une déclaration, le montant de la taxe déductible excède le montant de la taxe due, l'excédent de taxe dont l'imputation ne peut être faite est reporté, jusqu'à épuisement, sur les déclarations suivantes. Toutefois, cet excédent peut faire l'objet de remboursements dans les conditions fixées par les articles 242-0 A à 242-0 K. ".

9. Lorsqu'un contribuable en situation de crédit permanent de TVA constate un crédit de TVA déductible supplémentaire, il n'est pas recevable à présenter une réclamation contentieuse dans les formes prescrites à l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. Il lui appartient seulement de reporter, sur les déclarations suivantes, l'excédent de crédit de taxe déductible pour en permettre l'imputation ultérieure sur la TVA à collecter, puis, le cas échéant, de formuler une demande de remboursement de l'excédent de TVA déductible dans les conditions fixées par les articles 242-0 A et suivants de l'annexe II au code général des impôts.

10. Il résulte de l'instruction que la SARL Baringer a déclaré par erreur, au titre du mois de novembre 2006, un montant de TVA collectée de 290 976 euros, erreur qu'elle a spontanément rectifiée en imputant ce même montant sur sa déclaration du mois d'octobre 2009. Il résulte également de l'instruction que sur la période courant du mois de novembre 2006 au mois d'octobre 2009, la SARL Baringer était en situation de crédit permanent de TVA, circonstance qui, en l'absence de toute erreur commise par l'administration, la rendait irrecevable à présenter une réclamation contentieuse en vue de bénéficier d'un crédit de TVA supplémentaire. Si, comme elle le soutient, elle ne pouvait corriger son erreur qu'en imputant la TVA collectée à tort sur la TVA due dans une déclaration ultérieure, elle ne pouvait le faire que dans le délai fixé par l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, lequel expirait, en l'espèce, le 31 décembre 2008. A cet égard, la SARL Baringer n'est pas fondée à soutenir que ce délai ne lui serait pas applicable, la TVA en litige étant une TVA collectée à tort, et non une TVA déductible au sens de l'article 271 du code général des impôts, dès lors que TVA déductible par nature et TVA collectée à tort doivent, de la même manière, être imputées sur la TVA collectée, pour déterminer, selon les cas, un montant de TVA à verser au Trésor ou un crédit de TVA au profit du contribuable. Il s'ensuit qu'en réclamant à la SARL Baringer le versement du montant de TVA en litige, tardivement porté en déduction en octobre 2009, l'administration fiscale a fait une exacte application des dispositions précitées.

11. La SARL Baringer n'est pas fondée à se prévaloir de la doctrine référencée 13 L-1327 n° 4 à 9 du 1er juillet 2012 et BOI-CF-PGR-30-50 n° 40, 60 et 70 du 12 septembre 2012 aux termes de laquelle : " la compensation entre des droits rappelés pour défaut de déclaration d'opérations imposables et surtaxe résultant de l'omission, par erreur, de déductions autorisées est possible même si le délai fixé par l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts pour opérer les déductions susvisées est venu à expiration (...) ", dès lors qu'elle ne se trouve pas en situation de redressement pour défaut de déclaration d'opérations imposables.

12. L'imposition contestée ayant été, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, légalement établie, du fait de la tardiveté de la correction, par la SARL Baringer, de l'erreur déclarative commise en novembre 2006, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale, qui ne l'a pas induite en erreur, aurait manqué à son devoir de loyauté en imposant une somme non due.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel la SARL Baringer a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2009. Par voie de conséquence, les conclusions de cette dernière à fin d'injonction et celles tendant à l'allocation de frais d'instance et à la condamnation de l'Etat aux dépens ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement n° 1407153 du tribunal administratif de Marseille du 31 mars 2017 sont annulés.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont la décharge a été prononcée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2009 sont remis à la charge de la SARL Baringer.

Article 3 : La demande présentée par la SARL Baringer devant le tribunal administratif de Marseille et ses conclusions tendant à l'allocation de frais d'instance devant la Cour sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la SARL Baringer et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 28 février 2019, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Haïli, premier conseiller,

- Mme Courbon, premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 mars 2019.

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N°17MA02444


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA02444
Date de la décision : 14/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Prescription.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : LEXAVOUE AIX-EN-PROVENCE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-03-14;17ma02444 ?
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