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12/03/2019 | FRANCE | N°17MA04561

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 12 mars 2019, 17MA04561


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes :

- d'annuler la décision du 13 mars 2015 par laquelle le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a rejeté sa demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 1er décembre 2014 et rejeté implicitement sa demande indemnitaire ;

- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de ses préjudices moral et de carrière, et à p

rendre intégralement en charge ses frais de procédure, d'un montant provisoire de 5 000 euro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes :

- d'annuler la décision du 13 mars 2015 par laquelle le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a rejeté sa demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 1er décembre 2014 et rejeté implicitement sa demande indemnitaire ;

- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de ses préjudices moral et de carrière, et à prendre intégralement en charge ses frais de procédure, d'un montant provisoire de 5 000 euros et d'enjoindre à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Provence-Alpes-Côte d'Azur de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de procéder à la reconstitution de sa carrière.

Par un jugement n°1501357 du 26 septembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 novembre et 29 décembre 2017, M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 septembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 13 mars 2015 du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de ses préjudices moral et de carrière ;

4°) de condamner l'Etat au titre de la protection fonctionnelle à la prise en charge des frais de procédure qu'il a engagés pour un montant évalué à titre provisoire à 5 000 euros ;

5°) d'enjoindre à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Provence-Alpes-Côte d'Azur de lui accorder a postériori le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête d'appel est recevable ;

- en ce qui concerne la régularité du jugement :

* les premiers juges n'ont pas répondu à l'intégralité de ses moyens ;

* il était recevable à attaquer la décision du 13 mars 2015 en tant qu'elle porte sur l'imputabilité au service de l'accident du 1er décembre 2014 ;

* le tribunal a commis une erreur de fait concernant l'entretien professionnel du 14 mars 2014 ;

* il a également commis une erreur de droit quant à l'appréciation des faits constitutifs de harcèlement moral ;

- en ce qui concerne la reconnaissance de l'accident du 1er décembre 2014 en accident de service, l'administration a méconnu les articles L. 4121-1 et suivants du code du travail en refusant de saisir la commission de réforme ;

- en ce qui concerne les faits constitutifs de harcèlement moral, il justifie de circonstances constitutives de harcèlement moral :

- en ce qui concerne le refus du bénéfice de la protection fonctionnelle ;

* la décision est insuffisamment motivée ;

* elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 ont été violées ;

- il justifie de ses préjudices et de leur lien de causalité avec les fautes de l'administration.

La requête a été communiquée au ministre de l'économie et des finances qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Simon,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, a été affecté à la brigade interrégionale d'enquête des vins (BIEV) d'Avignon du 9 septembre 2013 au 31 août 2015. Par lettre du 20 janvier 2015, réceptionné le 23 janvier suivant, il a sollicité auprès du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, le bénéfice de la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral, la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts maladie consécutifs à l'accident de service survenu le 1er décembre 2014 et, à ce titre, la saisine de la commission de réforme dans le cas où la reconnaissance d'imputabilité ne serait pas reconnue et, enfin, des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du harcèlent moral dont il a été victime. M. B... fait appel du jugement du 26 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 mars 2015 de ce directeur rejetant l'ensemble des demandes qu'il avait formulées le 23 janvier 2015 et ses conclusions indemnitaires.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments dont M. B... faisait état à l'appui des moyens qu'il invoquait, se sont prononcés sur l'ensemble de ses moyens. Il n'est donc pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ont été méconnues.

3. En deuxième lieu, si le requérant soutient que le tribunal a commis une erreur de fait concernant son entretien professionnel du 14 mars 2014 et une erreur de droit quant à l'appréciation des faits constitutifs de harcèlement moral, de telles critiques relèvent, non de la régularité du jugement, mais de son bien-fondé. Dès lors, le jugement n'est pas irrégulier pour ces motifs.

4. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) ".

5. En l'espèce, en indiquant le 13 mars 2015 à M. B...qu'il lui revenait de transmettre à l'administration une déclaration d'accident de travail afin que sa demande puisse être instruite, le DIRECCTE de Provence-Alpes-Côte d'Azur ne s'est pas borné à rappeler à l'intéressé la procédure à respecter mais a rejeté en l'état sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 1er décembre 2014. Dès lors une telle décision fait grief à l'intéressé. Il suit de là que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de cette décision et le jugement attaqué, qui est irrégulier sur ce point, doit être annulé dans cette mesure.

6. Il y a lieu en conséquence d'évoquer, dans cette même mesure et, par-là, de statuer en qualité de juge de première instance sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 13 mars 2015 portant refus de reconnaitre l'imputabilité au service de l'accident du 1er décembre 2014 et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres conclusions.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 1er décembre 2014 :

7. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 35. Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) ". L'article 26 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires prévoit que : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, les commissions de réforme prévues aux articles 10 et 12 ci-dessus sont obligatoirement consultées dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 34 (2°), 2° alinéa, de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui leur est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné. La commission de réforme n'est toutefois pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration. ".

8. M.B..., souffrant de troubles psychiatriques secondaires qu'il impute à des faits de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique direct, a été placé en congé de maladie à la suite d'un incident survenu le 1er décembre 2014. Alors qu'il a demandé que son état anxio-dépressif soit reconnu imputable au service, le DIRECCTE de Provence-Alpes-Côte d'Azur a, par la décision contestée du 13 mars 2015, rejeté cette demande au motif qu'il n'avait pas déposé de déclaration d'accident de service. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire ne fixe de conditions de forme pour déclarer un accident de service, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ne pouvant utilement se prévaloir tant de l'instruction générale PCM n°2005-02 du 25 novembre 2005 que de la note de service PCM 2009-12 du 23 février 2009, lesquelles sont dépourvues de tout valeur réglementaire. Par suite, le DIRECCTE de Provence-Alpes-Côte d'Azur a entaché son refus d'une erreur de droit. Il suit de là que M. B...est fondé pour ce motif à demander l'annulation de la décision en litige.

En ce qui concerne le refus d'octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle :

9. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". Aux termes de l'article 11 de la même loi, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...)° ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

10. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

11. Les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'erreur dans l'appréciation des faits en ce que ceux avancés par le requérant ne peuvent être regardés comme susceptibles de faire présumer une situation de harcèlement moral ne comportent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif par M.B.... Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 7 à 19 du jugement.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 mars 2015 refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Sur les conclusions indemnitaires :

13. Les faits invoqués par M. B...ne constituent pas une situation de harcèlement moral susceptible d'engager la responsabilité pour faute de l'administration. Il y a lieu dès lors de rejeter les conclusions susvisées.

Sur les conclusions à fin d'injonction tendant à la reconnaissance de la protection fonctionnelle :

14. Le présent jugement qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. B... à l'encontre de la décision du 13 mars 2015 refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions susvisées.

Sur les frais liés au litige :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat une quelconque somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 septembre 2017 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B...dirigées contre la décision du 13 mars 2015 par laquelle le DIRECCTE de Provence-Alpes-Côte d'Azur a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de l'accident du 1er décembre 2014.

Article 2 : La décision du 13 mars 2015 par laquelle le DIRECCTE de Provence-Alpes-Côte d'Azur a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de l'accident du 1er décembre 2014 est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée pour information à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 26 février 2019, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- Mme Simon, président-assesseur,

- MmeD..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 mars 2019.

7

N° 17MA04561


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA04561
Date de la décision : 12/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie - Accidents de service.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Frédérique SIMON
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : MAZZA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-03-12;17ma04561 ?
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