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08/03/2019 | FRANCE | N°17MA00477

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 08 mars 2019, 17MA00477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...A..., M. F... A...et Mme B... A...ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 21 mai 2014 par lequel le maire de la commune de Néoules les a mis en demeure de libérer le domaine public illégalement occupé et de procéder à la destruction de la clôture et du portail irrégulièrement édifiés.

Par un jugement n° 1403109 du 24 novembre 2016, le tribunal administratif de Toulon a annulé les article 4 et 5 de cet arrêté qui prévoyaient qu'à défaut de suite donn

ée à la mise en demeure, la commune prendrait toutes mesures nécessaires pour faire cesse...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...A..., M. F... A...et Mme B... A...ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 21 mai 2014 par lequel le maire de la commune de Néoules les a mis en demeure de libérer le domaine public illégalement occupé et de procéder à la destruction de la clôture et du portail irrégulièrement édifiés.

Par un jugement n° 1403109 du 24 novembre 2016, le tribunal administratif de Toulon a annulé les article 4 et 5 de cet arrêté qui prévoyaient qu'à défaut de suite donnée à la mise en demeure, la commune prendrait toutes mesures nécessaires pour faire cesser l'occupation litigieuse et en particulier qu'elle pourrait procéder d'office aux travaux de démolition aux frais des consorts A...et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 2 février 2017, le 13 juillet 2018, le 24 décembre 2018 et le 12 février 2019, les consortsA..., représentés par Me C..., demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 24 novembre 2016 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mai 2014 du maire de la commune de Néoules en tant qu'il les a mis en demeure de libérer le domaine public et de procéder à la destruction de la clôture et du portail ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 mai 2014 du maire de la commune de Néoules ;

3°) subsidiairement et avant dire droit, d'ordonner la désignation d'un expert pour accomplir la mission suivante :

- se rendre sur les lieux,

- se faire remettre tous documents utiles (plans, titres de propriété),

- procéder à la délimitation de la propriété des consortsA..., sise à Néoules et constituée des parcelles D 345, D 346, D 347, D 348, D 349 et D 366, au droit du domaine privé et du domaine public de cette commune,

- dresser un plan de délimitation de cette propriété, du domaine privé et du domaine public de la commune de Néoules ;

4°) de surseoir à statuer sur la requête jusqu'à l'intervention d'une décision définitive du juge judiciaire quant à l'appartenance du chemin litigieux au domaine privé de la commune ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Néoules la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- la commune n'établit pas que les parcelles concernées par la mise en demeure litigieuse appartiennent au domaine public ;

- aucun bornage n'a jamais fixé les limites de leur propriété par rapport à celles du domaine privé de la commune et cette dernière n'a jamais procédé à une délimitation précise du chemin communal existant au droit de leur propriété ;

- ils ont saisi le juge judiciaire d'une demande tendant à ce que leur soit accordé le bénéfice de la prescription acquisitive sur une partie des parcelles D 345 et D 367 et du chemin concerné par l'empiétement dénoncé par la commune ;

- la commune n'établit pas son affirmation selon laquelle la voie litigieuse fait partie du hameau historique de Néoules et se situait donc dans la zone agglomérée de la commune avant 1959 ni ne tire les conséquences légales de cette assertion ;

- elle ne démontre pas qu'elle aurait effectivement assuré l'entretien de cette voie ;

- il n'apparaît pas que la voie mentionnée dans le tableau des voies communales soit celle objet du litige ;

- la date de classement de la voie en litige n'est pas précisée ;

- l'incorporation d'un chemin rural dans le domaine public routier communal nécessite une décision de classement expresse ;

- la décision de classement de cette voie, même révélée, est illégale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2019, la commune de Néoules, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge solidaire des consorts A...la somme globale de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la voirie routière ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., substituant Me C..., représentant les consortsA....

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 21 mai 2014, le maire de la commune de Néoules a mis en demeure Mme G...A..., Mme B... A...et M. F... A..., respectivement usufruitière et nu-propriétaires des parcelles cadastrées section D n° 346, 347, 348, 349, 350 et 366 sur le territoire communal au lieu-dit " La Bataillère " de libérer le domaine public illégalement occupé et de procéder à la destruction de la clôture et du portail irrégulièrement édifiés et les a informés qu'à défaut de suite donnée à la mise en demeure, la commune prendrait toutes mesures nécessaires pour faire cesser l'occupation litigieuse et en particulier qu'elle pourrait procéder d'office aux travaux de démolition à leurs frais. Par jugement du 24 novembre 2016, le tribunal administratif de Toulon a annulé les articles 4 et 5 de cet arrêté qui prévoyaient qu'à défaut de suite donnée à la mise en demeure, la commune prendrait toutes mesures nécessaires pour faire cesser l'occupation litigieuse et en particulier qu'elle pourrait procéder d'office aux travaux de démolition aux frais des consorts A...et a rejeté le surplus de la demande. Les consorts A...relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande.

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, aujourd'hui codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ".

3. L'arrêté contesté expose, de manière précise et circonstanciée, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Si les consorts A...soutiennent que cet arrêté serait insuffisamment motivé au motif d'une part, que la mise en demeure de libérer le domaine public s'appuie sur le bornage réalisé par un géomètre-expert alors que la procédure de bornage est inapplicable en matière de délimitation du domaine public, d'autre part, que ce bornage est inexistant dès lors qu'ils ne l'ont jamais validé, ces arguments ne concernent pas la motivation formelle de cet acte mais son bien-fondé et sont donc inopérant. Enfin, la circonstance selon laquelle l'arrêté en litige indique à tort qu'ils auraient accepté le bornage proposé par le géomètre-expert est sans incidence sur sa légalité et ne saurait davantage révéler un défaut de motivation de cet acte.

4. D'une part, aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales : " La voirie des communes comprend : / 1° Les voies communales, qui font partie du domaine public ; / 2° Les chemins ruraux, qui appartiennent au domaine privé de la commune ", l'article 9 de cette même ordonnance précisant que : " Deviennent voies communales les voies qui, conformément à la législation en vigueur à la date de la présente ordonnance, appartiennent aux catégories ci-après : / 1° Les voies urbaines ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que, sans que soit nécessaire l'intervention de décisions expresses de classement, font partie de la voirie urbaine et appartiennent au domaine public communal les voies, propriétés de la commune, situées dans une agglomération qui étaient, antérieurement à l'intervention de l'ordonnance du 7 janvier 1959, affectées à l'usage du public.

5. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article L. 2132-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " La répression des infractions à la police de la conservation du domaine public routier est poursuivie dans les conditions fixées au chapitre VI du titre Ier du livre Ier du code de la voirie routière. ". Aux termes de l'article L. 116-1 du code de la voirie routière : " La répression des infractions à la police de la conservation du domaine public routier est poursuivie devant la juridiction judiciaire sous réserve des questions préjudicielles relevant de la compétence de la juridiction administrative. ".

6. Il appartient au maire, dans l'exercice de ses pouvoirs de police, de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à un empiètement sur la voie publique. Si un élément immobilier vient à être construit sur l'emprise de la voie, le maire peut, le cas échéant à la suite d'une mise en demeure de le démolir non suivie d'effet, faire dresser procès-verbal d'une contravention de voirie afin de mettre l'autorité judiciaire en mesure d'ordonner la démolition.

7. Le tableau des voies communales produit par la commune mentionne, au nombre des voies appartenant à la commune et relevant s'agissant de leur " domanialité " d'un " statut public ", une voie dénommée " hameau de la Bataillère ", d'une longueur de 171 mètres, partant de l'avenue de la 3° division U.S. et constituant une voie sans issue. Les plans versés au dossier et la consultation de la cartographie sur le site internet Géoportail accessible tant au juge qu'aux parties sont de nature à établir que cette voie, alors même qu'elle n'a plus la même configuration que celle présentée dans le tableau des voies communales, est effectivement celle qui se trouve au droit de la propriété des consortsA....

8. Les appelants ne contestent pas sérieusement l'affirmation de la commune selon laquelle la voie en cause est située en zone agglomérée et constitue donc une voie urbaine au sens du 1° de l'article 9 de l'ordonnance du 7 janvier 1959. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette voie n'aurait pas été ouverte, avant la promulgation de cette ordonnance, à la circulation du public. Dans ces conditions, cette voie, y compris la courte impasse desservant la propriété des intéressés, indissociable de la voie principale, doit être regardée comme une voie communale et appartient donc au domaine public routier de la commune de Néoules.

9. Ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, l'incorporation dans le domaine public routier des voies urbaines n'est pas subordonnée à l'édiction d'une décision expresse de classement. Par suite, le moyen tiré de ce que la commune n'établit pas qu'elle aurait procédé à un tel classement antérieurement à la date à laquelle elle a pris l'arrêté querellé est inopérant. Les appelants ne peuvent, pour le même motif, utilement exciper de l'illégalité de l'acte, selon eux révélé, prononçant le classement dans le domaine public routier de la voie en cause.

10. Les consorts A...ne peuvent utilement soutenir que l'incorporation d'un chemin rural dans le domaine public routier communal nécessite une décision de classement expresse dès lors que, ainsi qu'il a été dit, la voie en cause est réputée être une voie urbaine.

11. Il est constant que les consorts A...ont édifié une clôture sur la partie de la voie communale en cause qui dessert leur propriété. Eu égard à ce qui a été dit au point 6 ci-dessus, le maire a pu légalement mettre en demeure les consorts A...de libérer le domaine public routier et les informer qu'en cas d'inexécution un procès-verbal pourrait être dressé par un officier de police judiciaire et transmis au procureur de la République.

Sur les conclusions subsidiaires :

12. D'une part, il appartient à l'autorité chargée de la conservation du domaine public communal de procéder unilatéralement à la délimitation de ce domaine. D'autre part, la délimitation de la propriété des consorts A...par rapport au domaine privé communal est sans incidence sur la solution du présent litige, qui ne concerne que l'empiètement irrégulier sur le domaine public. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par les appelants tendant à ce que soit prescrite une expertise afin de délimiter leur propriété par rapport au domaine privé et au domaine public de la commune.

Sur les conclusions à fin de sursis à statuer :

13. Ainsi qu'il a été dit au point 8, la voie au droit de la propriété des consorts A...appartient au domaine public routier de la commune de Néoules. Par suite, les conclusions tendant à ce que la Cour sursoie à statuer sur la présente requête jusqu'à l'intervention d'une décision définitive du juge judiciaire quant à l'appartenance de cette voie au domaine privé de la commune ne peuvent qu'être rejetées.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à l'annulation des articles 1 à 3 de l'arrêté du 21 mai 2014 du maire de la commune de Néoules.

Sur les frais liés au litige :

15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge la commune de Néoules, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les consorts A...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge solidaire des consorts A...une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Néoules et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête des consorts A...est rejetée.

Article 2 : Les consorts A...verseront solidairement à la commune de Néoules une somme globale de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié Mme G...A..., à M. F... A..., à Mme B... A...et à la commune de Néoules.

Délibéré après l'audience du 22 février 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 8 mars 2019.

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N° 17MA00477

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA00477
Date de la décision : 08/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Domaine - Domaine public - Consistance et délimitation - Domaine public artificiel - Biens faisant partie du domaine public artificiel - Voies publiques et leurs dépendances.

Domaine - Domaine public - Protection du domaine - Protection contre les occupations irrégulières.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SELARL ABEILLE et ASSOCIÉS - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-03-08;17ma00477 ?
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