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05/03/2019 | FRANCE | N°18MA00207

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 05 mars 2019, 18MA00207


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 17 février 2015 par laquelle l'officier général de la zone de défense et de sécurité Sud-Est, commandant de la région terre Sud-Est, a résilié son contrat d'engagement par mesure disciplinaire ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux du 17 avril 2015.

Par un jugement n° 1503829 du 13 novembre 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devan

t la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2018, Mme B..., représentée par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 17 février 2015 par laquelle l'officier général de la zone de défense et de sécurité Sud-Est, commandant de la région terre Sud-Est, a résilié son contrat d'engagement par mesure disciplinaire ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux du 17 avril 2015.

Par un jugement n° 1503829 du 13 novembre 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2018, Mme B..., représentée par Me C... de la SCP Carlini et Associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 novembre 2017 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) d'annuler la décision du 17 février 2015 par laquelle l'officier général de la zone de défense et de sécurité Sud-Est, commandant de la région terre Sud-Est, a résilié son contrat d'engagement par mesure disciplinaire ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux du 17 avril 2015 ;

3°) d'enjoindre au ministre de la défense de prendre une nouvelle décision, de procéder à sa réintégration et de reconstituer sa carrière dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* le jugement n'est pas suffisamment motivé, en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

* le tribunal a dénaturé les faits ;

* la compétence du signataire de la décision du 17 février 2015 n'est pas établie ;

* la décision n'est pas suffisamment motivée ;

* cette décision est entachée d'un vice de procédure ;

* elle est entachée d'erreur de fait.

Par un mémoire, enregistré le 5 décembre 2018, la ministre des armées demande à la Cour de rejeter la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

* le code de justice militaire ;

* le code de la défense ;

* le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

* le rapport de Mme Tahiri,

* et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a signé un contrat de 5 ans en qualité d'engagée volontaire de l'armée de terre à compter du 3 novembre 2010. Elle a été déclarée en situation de désertion et a été mise en demeure, par lettre du 19 décembre 2014, de se présenter au 3ème régiment d'artillerie de marine de Canjuers avant le 8 janvier 2015 au plus tard, sous peine de résiliation de son contrat d'engagement. Mme B... ne s'étant pas présentée à cette convocation, par décision du 17 février 2015, l'officier général de la zone de défense et de sécurité Sud-Est, commandant de la région terre Sud-Est, a résilié son contrat d'engagement et l'a radiée des contrôles de l'armée pour désertion. Mme B... fait appel du jugement du 13 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 17 février 2015 et de la décision rejetant son recours gracieux du 17 avril 2015.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 321-2 du code de justice militaire : " Est déclaré déserteur à l'intérieur, en temps de paix, tout militaire dont la formation de rattachement est située sur le territoire de la République et qui : / 1° S'évade, s'absente sans autorisation, refuse de rejoindre sa formation de rattachement ou ne s'y présente pas à l'issue d'une mission, d'une permission ou d'un congé ; ( ...) / Dans les cas prévus au 1°, le militaire est déclaré déserteur à l'expiration d'un délai de six jours à compter du lendemain du jour où l'absence sans autorisation est constatée ou du lendemain du terme prévu de la mission, de la permission ou du congé. (...) ". L'article R. 4137-92 du code de la défense précise que : " (...) En cas d'absence illégale ou de désertion avant la procédure, une sanction disciplinaire du troisième groupe peut être prononcée sans que soit demandé l'avis d'un conseil d'enquête. Dans ce cas, la décision prononçant la sanction disciplinaire doit être précédée de l'envoi à la dernière adresse connue du militaire d'une mise en demeure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'enjoignant de rejoindre sa formation administrative et lui indiquant les conséquences disciplinaires de son abandon de poste. ". Il appartient à un militaire en situation d'absence de communiquer à son administration le ou les certificats médicaux le plaçant en arrêt de travail. Pour éviter d'être en situation de désertion, le militaire doit procéder à cette communication avant la date limite fixée par la mise en demeure de reprendre son service que l'administration lui a adressée.

3. Par courrier du 4 décembre 2014, Mme B... était informée qu'elle avait épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire depuis le 1er décembre 2014 et que se trouvant en situation d'absence irrégulière depuis cette date, elle serait déclarée déserteur le 8 décembre 2014 sauf à se présenter au régiment afin de régulariser sa situation. Il ressort des pièces du dossier qu'elle a été reçue le 17 décembre 2014 par un médecin du centre médical des armées de Marseille-Aubagne qui a établi un courrier au docteur A..., médecin de l'hôpital inter-armées Laveran, pour une éventuelle mise en congé de longue maladie. Mme B... soutient, sans être contredite, que le médecin du centre médical des armées de Marseille-Aubagne a pris attache avec son régiment pour les prévenir de sa situation. Par courrier du 19 décembre 2014, elle était mise en demeure de se présenter au 3ème régiment d'artillerie de marine de Canjuers avant le 8 janvier 2015 au plus tard, sous peine de résiliation de son contrat d'engagement. Or Mme B... qui était en attente d'un rendez-vous avec le médecin de l'hôpital inter-armées Laveran le 12 janvier 2015, auquel elle s'est effectivement rendu, devait être considérée, à la suite de cette mise en demeure, comme ayant valablement manifesté auprès du service qu'elle n'avait pas l'intention de rompre le lien avec celui-ci. Le ministre de la défense n'établit pas, en se bornant à produire le certificat du 20 janvier 2015 qui ne mentionne aucunement les conclusions du rendez-vous médical du 12 janvier 2015 et se borne en tout état de cause à exclure le bénéfice d'un congé de longue maladie, que son aptitude médicale avait préalablement été formellement constatée. Dès lors, Mme B... ne pouvait plus être considérée comme se trouvant en situation de désertion. Ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 février 2015 et de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur son recours gracieux du 17 avril 2015. Elle est, dès lors, fondée à demander l'annulation de ce jugement et desdites décisions.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. L'exécution du présent arrêt implique la réintégration juridique de l'intéressée à compter de la date de son éviction, le 4 mars 2015, jusqu'au terme de son contrat d'engagement le 3 novembre 2015. Il y a lieu d'enjoindre au ministre des armées de procéder à la reconstitution de la carrière de Mme B... et de ses droits sociaux au titre de cette période, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, à supposer que l'intéressée demande à la Cour d'enjoindre au ministre des armées de la réintégrer effectivement dans son emploi, l'arrivée à échéance le 3 novembre 2015 de son engagement fait obstacle à ce qu'il soit fait droit à une telle demande. Par suite, le surplus des conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B... doit être rejeté.

Sur les frais liés à l'instance :

5. Il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des frais que Mme B... a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 novembre 2017, la décision du 17 février 2015 par laquelle l'officier général de la zone de défense et de sécurité Sud-Est, commandant de la région terre Sud-Est, a résilié le contrat d'engagement de Mme B... par mesure disciplinaire ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux du 17 avril 2015 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de procéder à la réintégration juridique de Mme B... entre le 4 mars 2015 et le 3 novembre 2015 et de régulariser sa situation au regard de ses droits sociaux, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État (ministère des armées) versera la somme de 2 000 euros à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... épouse B... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 5 février 2019, où siégeaient :

* M. Gonzales, président,

* M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

* Mme Tahiri, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 mars 2019.

N° 18MA00207 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00207
Date de la décision : 05/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

08-01-01-07 Armées et défense. Personnels militaires et civils de la défense. Questions communes à l'ensemble des personnels militaires. Cessation des fonctions.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP CARLINI et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-03-05;18ma00207 ?
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