Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par jugement n° 1706531 du 8 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mars 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 janvier 2018 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale "dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, qui sera versée à Me C... en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement attaqué, qui ne vise pas qu'il est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, est irrégulier.
Sur le refus de titre de séjour :
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
sur l'interdiction de retour :
- la durée de deux ans d'interdiction n'est pas motivée ;
- cette durée est disproportionnée ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Carassic a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité tunisienne, a demandé au préfet des Bouches-du-Rhône un titre de séjour "vie privée et familiale". Par l'arrêté en litige du 17 juillet 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Le requérant relève appel du jugement du 8 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2017.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... bénéficiait, à la date du jugement attaqué, de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, la circonstance que les premiers juges ont omis de viser que le requérant bénéficierait de cette aide est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du ode de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Il appartient par ailleurs au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Le requérant déclare être entré en France en octobre 2010. Toutefois, il ne produit pas son passeport valable à cette date permettant de justifier de la date exacte de son entrée en France. S'il soutient résider habituellement en France depuis cette date, les pièces qu'il produit, et notamment des certificats médicaux ou des attestations d'un propriétaire de restaurant affirmant que le requérant est venu déjeuner dans son restaurant "de temps en temps entre la période de 2011 et 2012" , des attestations de droits à l'assurance maladie et des mandats cash, des bulletins de salaire épars comme ouvrier agricole, si elles peuvent attester d'une présence ponctuelle en France, sont insuffisantes pour établir sa résidence habituelle depuis cette date. Il a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement le 19 juin 2015 et 6 juillet 2016 auxquelles il n'a pas déféré. Il est célibataire sans charge de famille. S'il fait valoir que son père, ainsi que sa mère et ses trois frères et soeurs qui ont rejoint son père par la procédure du regroupement familial en 2011, résident régulièrement en France, le requérant n'est pas dépourvu d'attaches en Tunisie où il a vécu selon ses propres dires jusqu'à l'âge de 19 ans. Le requérant, dont il est établi qu'il a reconnu en 2013 frauduleusement, en échange d'une rémunération de la mère qui a reconnu les faits, un enfant dans le seul but de se voir obtenir un titre de séjour n'est pas fondé à soutenir qu'il serait bien intégré socialement en France. Dans ces conditions, M. A... n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Ainsi, le refus de titre de séjour en litige ne méconnaît, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché la décision en litige d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
5. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. (...)La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
6. Il résulte des termes mêmes des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.
7. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
8. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
9. En l'espèce, l'interdiction de retour en litige mentionne que le requérant ne justifie pas être entré régulièrement en France, qu'il n'établit pas la durée de sa présence en France, qu'il est célibataire sans charge de famille, que ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas anciens, intenses et stables compte tenu qu'il a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 19 ans, qu'il a fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire français en 2015 et en 2016 qu'il n'a pas exécutées spontanément et qu'il a reconnu un enfant de nationalité française dans le seul but d'obtenir un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision prononçant une interdiction de retour à l'encontre de M. A... serait insuffisamment motivée au regard des dispositions précitées de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Compte tenu de ces motifs, le préfet n'a pas assorti sa décision d'interdiction de retour en litige d'une durée excessive de deux ans.
10. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 4, en interdisant à M. A... un retour sur le territoire français pendant deux ans, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me D...C....
Copie pour information en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 12 février 2019, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- Mme Carassic, première conseillère,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 26 février 2019.
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N° 18MA01149