Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 28 juillet 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, retiré sa décision implicite, née le 9 juin 2016, rejetant le recours hiérarchique formé par la société Clinique Rech, d'autre part, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 8 décembre 2015 refusant l'autorisation de transférer son contrat de travail à la société Elior services propreté et santé et, enfin, autorisé la société Clinique Rech à procéder au transfert de son contrat de travail.
Par un jugement n° 1604867 du 6 mars 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 mars 2018, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 mars 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 28 juillet 2016 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;
3°) de mettre à la charge de la société Clinique Rech la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour présenter ses observations sur le retrait envisagé par le ministre de sa décision implicite qui était créatrice de droit à son égard ;
- en raison de la carence de l'inspecteur du travail, il appartenait au ministre de mener une enquête contradictoire avant d'autoriser le transfert de son contrat de travail ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée faute de répondre à son argumentation ;
- en s'abstenant de rechercher si la demande de l'employeur n'aboutissait pas à affaiblir de façon pénalisante pour les salariés la représentation du personnel, le ministre a entaché sa décision d'une erreur de droit ;
- alors qu'elle accomplissait ses fonctions au sein de la filière soignante et n'entrait donc pas dans le champ du transfert partiel d'activité, le ministre a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2018, la société Clinique Rech représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 décembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 janvier 2019.
Un mémoire présenté par la ministre du travail a été enregistré le 10 janvier 2019.
Un mémoire présenté pour la société Clinique Rech a été enregistré le 7 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guidal,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Clinique Rech a confié par un contrat, à compter du 7 décembre 2015, son activité de bio-nettoyage et de services hôteliers à un prestataire extérieur, la société Elior services propreté et santé. Elle a sollicité, dans ce cadre, l'autorisation de transférer le contrat de travail de MmeBres, membre suppléante de la délégation unique du personnel exerçant les fonctions d'agent des services hospitaliers. Par une décision du 8 décembre 2015, l'inspecteur du travail a refusé ce transfert. Sur recours hiérarchique de la société Clinique Rech, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, par une décision du 28 juillet 2016, d'une part, retiré sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé par la société Clinique Rech, d'autre part, annulé la décision de l'inspecteur du travail et, enfin, accordé l'autorisation de transfert sollicitée. Mme A... relève appel du jugement du 6 mars 2018, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du ministre en tant qu'elle autorise le transfert de son contrat de travail.
Sur la légalité de la décision du 28 juillet 2016 du ministre chargé du travail :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. En vertu de l'article R. 2421-17 du code du travail, la procédure applicable en cas de demande d'autorisation de transfert d'un salarié protégé survenant en cas de transfert partiel d'entreprise ou d'établissement est régie par les dispositions des articles R. 2421-11 et R. 2421-12 du code du travail de ce code, qui sont également applicables à des procédures de demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé. Selon ces dispositions, l'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire avant de rendre sa décision qui est notifiée à l'employeur, au salarié et, le cas échéant, à l'organisation syndicale intéressée s'il s'agit d'un représentant syndical. Il en résulte que l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de transfert d'un salarié protégé, doit procéder à une enquête contradictoire. En revanche, aucune règle ni aucun principe ne fait obligation au ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du même code, de procéder lui-même à cette enquête contradictoire. Il en va toutefois autrement si l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de l'enquête contradictoire et que, par suite, le ministre annule sa décision et statue lui-même sur la demande d'autorisation.
3. Par ailleurs, aux termes des dispositions l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-2 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix... ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'administration est saisie par un tiers d'un recours gracieux ou hiérarchique contre cette décision. Ainsi, le ministre chargé du travail, saisi sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser le transfert d'un salarié protégé, doit mettre le tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits - à savoir, respectivement, l'employeur ou le salarié protégé - à même de présenter ses observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre entend fonder sa décision.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que par lettre du 8 mars 2016 le directeur adjoint de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) du Languedoc-Roussillon a informé Mme A... de ce que la société Clinique Rech avait formé un recours auprès du ministre du travail contre la décision du 8 décembre 2015 de l'inspecteur du travail refusant le transfert de son contrat de travail et de ce qu'il était chargé par le ministre du travail d'entendre les parties en cause. Il a également demandé à l'intéressée de se présenter dans les locaux du service le 31 mars 2016 à 11 heures. Ce courrier était accompagné du recours déposé le 8 février 2016 par son employeur ainsi que de ses annexes. Il ressort de ces mêmes pièces que Mme A... a été reçue à la date du 31 mars 2016 par un représentant de la DIRECCTE, assistée d'une déléguée syndicale et qu'à cette occasion elle a notamment fait valoir, ainsi que le relève le représentant de l'administration du travail dans un courriel daté du 12 avril 2016 adressé à la société Clinique Rech, que le comité d'entreprise avait refusé d'émettre un avis lors de la consultation relative au projet de transfert organisé le 13 novembre 2015 et qu'elle occupait un poste d'agent de service hospitalier et non un poste de d'agent de service hôtelier comme indiqué dans le recours hiérarchique de son employeur. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier, ainsi qu'indiqué précédemment, qu'elle a été mise à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par son employeur à l'appui de sa demande de transfert qui lui ont été communiquées le 8 mars 2016. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait omis de respecter les obligations de l'enquête contradictoire.
5. D'autre part, le ministre du travail a, par lettre recommandée du 18 juillet 2016 avec demande d'avis de réception, informé Mme A... de ce qu'il n'excluait pas de procéder au retrait de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique de la société Clinique Rech pour des motifs de légalité tenant à l'applicabilité en l'espèce des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail. Il mentionnait également que, conformément aux articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, l'intéressée pouvait, si elle l'estimait utile, transmettre toute observation écrite jusqu'au 27 juillet 2016. Ce pli a été effectivement remis à Mme A... le 22 juillet 2016, ainsi qu'en atteste l'accusé de réception postal figurant au dossier. Ainsi, celle-ci a bénéficié d'un délai de cinq jours suffisant, en l'espèce, pour présenter ses observations. La circonstance invoquée qu'elle disposait d'un délai de quinze jours, prévu par l'article R. 1.1.6 du code des postes et des communications électroniques, pour retirer ce pli au bureau de poste est en l'espèce inopérante, dès lors que celui-ci lui a été remis le 22 juillet 2016, le lendemain de sa présentation à son domicile, et qu'elle n'a pas eu à venir le retirer dans le délai invoqué.
6. Enfin la décision susmentionnée du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social rappelle les dispositions applicables du code du travail et précise les motifs pour lesquels le caractère partiel du transfert envisagé est établi et les raisons qui emportent en l'espèce, selon le ministre chargé du travail, l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est suffisamment motivée. Si la requérante soutient que la décision ne répond pas à son argumentation tirée de ce qu'elle n'appartient pas à l'entité transférée et que ses fonctions ne sont pas transférées mais purement et simplement modifiées, cette circonstance demeure sans incidence sur la légalité de la décision en litige, dès lors que celle-ci comporte sans ambigüité les motifs de l'autorisation de transfert sollicitée, permettant notamment à Mme A... de la critiquer utilement.
En ce qui concerne la légalité interne :
7. En vertu de l'article L. 2414-1 du code du travail, le transfert d'un salarié protégé compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail, lequel doit s'assurer, conformément aux dispositions de l'article L. 2421-9 du même code, que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire. Aux termes de l'article L. 1224-1 de ce code : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. ".
8. D'une part, les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail trouvent à s'appliquer en cas de transfert par un employeur à un autre employeur d'une entité économique autonome, conservant son identité, et dont l'activité est poursuivie et reprise par le nouvel employeur. Constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.
9. D'autre part, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de transfert sur le fondement de l'article L. 2414-1 du code du travail, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier si la condition d'exécution effective du contrat de travail dans l'activité transférée est remplie et, à cette fin, d'analyser concrètement l'activité du salarié. Lorsque le contrat de travail s'exerce seulement en partie au sein du secteur d'activité transféré, elle ne saurait, en tout état de cause, autoriser un transfert partiel de ce contrat alors que l'essentiel des fonctions du salarié continuait d'être accompli au sein d'un secteur d'activité non transféré.
10. Il ressort des pièces du dossier que l'activité de bio-nettoyage et de services hôteliers constitue au sein de la société Clinique Rech une activité autonome, dotée d'une équipe dédiée, poursuivant un objectif propre, et dont l'activité est séparée des autres activités exercées au sein de la clinique. Ainsi, cette activité doit être regardée comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre, et constitue en conséquence une entité économique transférée à la société Elior services propreté et santé. Par suite, les dispositions précitées de l'article L. 1224-1 du code du travail trouvent à s'appliquer.
11. Il ressort de ces mêmes pièces que la fonction principale de Mme A... au sein de la clinique psychiatrique consistait, en sa qualité d'agent de services hospitaliers (ASH), en l'aide apportée au service des repas, le débarrassage, la vaisselle, le nettoyage des chambres, la réception des plateaux repas, le nettoyage des machines et du matériel dédié. Si elle était en contact permanent avec les patients et pouvait de ce fait remplir un rôle social au sein de la clinique, notamment en apaisant les tensions pouvant survenir chez les intéressés et en participant à leur surveillance, son activité ne pouvait être assimilée à une fonction de soignante, ou même d'aide-soignante pour laquelle au demeurant une formation diplômante est requise. A cet égard, s'il est soutenu que des formations étaient proposées aux agent de services hospitaliers sur les thèmes " la situation d'urgence en psychiatrie ", " les soins aux patients toxicomanes ", " la manutention des patients et personnes dépendantes ", " les accidents d'exposition au sang ", auxquelles il n'est d'ailleurs nullement établi que l'intéressée aurait participé, il ne résulte nullement de cette circonstance qu'elle aurait exercé des activités de soins différentes de celles de nettoyage et de service de repas pour lesquelles elle était employée. Si elle fait valoir qu'elle était placée pour exercer ses fonctions sous l'autorité d'un cadre de soins, il résulte de l'organigramme de la clinique avant le transfert que le service dont elle dépendait était placé sous l'autorité d'une " directrice des services de soins et hôteliers ". Sa fonction ne se rattachait pas, dans ces conditions, à une activité de soins, qui par son objet, ne serait pas entrée dans le champ du transfert partiel d'activité correspondant au nettoyage et aux services hôteliers externalisés. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le ministre chargé du travail aurait commis une erreur d'appréciation en accordant l'autorisation demandée par l'employeur.
12. Si Mme A... et deux autres représentantes du personnel exerçaient leurs fonctions dans les services transférés à un prestataire extérieur, il ne résulte pas de cette seule circonstance et il n'est d'ailleurs pas soutenu que la mesure de transfert aurait présenté un caractère discriminatoire à l'égard de l'intéressée. Si elle fait néanmoins valoir que l'externalisation simultanée de trois représentantes du personnel a pour effet d'affaiblir significativement les institutions représentatives du personnel au sein de l'entreprise et que l'intérêt général s'oppose au transfert de son contrat de travail, un tel motif n'est pas au nombre de ceux que l'autorité administrative peut légalement retenir pour refuser l'autorisation de transfert sollicitée. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le ministre chargé du travail aurait entaché sa décision d'une erreur de droit en s'abstenant de rechercher si, en l'espèce, la demande de l'employeur n'aboutissait pas à affaiblir de façon pénalisante pour les salariés la représentation du personnel.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Clinique Rech qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la société Clinique Rech.
D É C I D E :
Article 1er : La requête Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Clinique Rech au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A..., à la société Clinique Rech et à la ministre du travail.
Copie en sera adressée à la société Elior services propreté et santé.
Délibéré après l'audience du 8 février 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 22 février 2019.
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N° 18MA01443
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