La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/02/2019 | FRANCE | N°18MA00737

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 22 février 2019, 18MA00737


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Centre ressources illettrisme PACA " a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 20 février 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur a réduit la subvention européenne au titre du Fonds social européen (FSE) dont elle avait bénéficié et en a fixé le montant à la somme de 12 627,31 euros, ainsi que les décisions implicites rejetant ses recours graci

eux et hiérarchique contre cette décision.

Par un jugement n° 1506498 du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Centre ressources illettrisme PACA " a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 20 février 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur a réduit la subvention européenne au titre du Fonds social européen (FSE) dont elle avait bénéficié et en a fixé le montant à la somme de 12 627,31 euros, ainsi que les décisions implicites rejetant ses recours gracieux et hiérarchique contre cette décision.

Par un jugement n° 1506498 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 février 2018 et le 7 décembre 2018, l'association " Centre ressources illettrisme PACA ", représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 décembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 20 février 2015 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur ainsi que les décisions implicites rejetant ses recours gracieux et hiérarchique contre cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- la décision attributive de subvention ne pouvait plus être retirée après l'expiration du délai de quatre mois courant à compter de la date à laquelle elle a remis les justificatifs qui lui étaient demandés par l'agence des services et de paiement (ASF) ;

- la décision en litige est intervenue en méconnaissance du principe de sécurité juridique et des règles de prescription ;

- à supposer que les sommes versées étaient indues, la perte correspondante ne résulte que de la seule négligence de l'administration ;

- l'ensemble des dépenses présentées étaient éligibles au dispositif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'association " Centre ressources illettrisme PACA " ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;

- le règlement européen n° 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) n° 1260/1999 ;

- le règlement de la Commission n° 1828/2006 du 8 décembre 2006 établissant les modalités d'exécution du règlement (CE) n° 1083/2006 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2007-1303 du 3 septembre 2007 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guidal,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me C... substituant Me B..., représentant l'association " Centre ressources illettrisme PACA ".

Considérant ce qui suit :

1. L'association " Centre ressources illettrisme PACA " a déposé auprès du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur un dossier de demande de subvention au titre du programme opérationnel " compétitivité régionale et emploi " pour la période de programmation 2007-2013 de la politique de cohésion économique et sociale de l'Union européenne. Cette aide, sollicitée au titre du Fonds social européen (FSE), était destinée à cofinancer la réalisation d'un projet devant se dérouler du 1er janvier au 31 décembre 2011, intitulé " appui pédagogique et technique aux opérateurs régionaux de la lutte contre l'illettrisme ". Sur avis favorable du comité régional de programmation du FSE, l'État et l'association ont conclu, le 30 décembre 2011, une convention par laquelle l'État s'engageait, en contrepartie de la réalisation de cette opération, à verser à l'association une subvention d'un montant maximal de 133 500 euros pour un coût total prévisionnel éligible de l'opération de 340 000 euros. Après le contrôle effectué au cours des années 2013 et 2014 par l'Agence des services et de paiement, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Provence-Alpes-Côte d'Azur a, par lettre du 20 février 2015, notifié à l'association le rapport définitif de ce contrôle et ramené le montant de la subvention à la somme de 12 627,31 euros, après avoir écarté certaines dépenses qu'il a estimé non-éligibles. L'association " Centre ressources illettrisme PACA " relève appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 20 février 2015 ainsi que des décisions implicites rejetant ses recours gracieux et hiérarchique dirigés contre cette décision.

Sur la légalité externe de la décision du 20 février 2015 :

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) - (...) imposent des sujétions ; / - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ".

3. La décision par laquelle l'autorité administrative compétente remet en cause le montant d'une aide régie par un texte de l'Union européenne et notifie à son bénéficiaire les montants d'aide indûment perçus par celui-ci a le caractère d'une décision défavorable retirant une décision créatrice de droits au sens de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, en tant qu'elle retire une aide financière qui avait été précédemment octroyée à son bénéficiaire. Ainsi, une telle décision doit être motivée selon les modalités prévues par ces mêmes dispositions et être précédée d'une procédure contradictoire.

4. Il ressort des pièces du dossier que par lettre du 23 octobre 2014, adressée sous pli recommandé avec accusé de réception, le DIRECCTE de Provence-Alpes-Côte d'Azur a notifié à l'association " Centre ressources illettrisme PACA " les conclusions provisoires du contrôle opéré. Ce courrier mentionnait de manière précise les motifs pour lesquels l'administration envisageait de refuser le subventionnement de certaines dépenses de personnel, de frais de déplacement, de dépenses de loyers et d'entretien, ainsi que des dépenses indirectes de fonctionnement et l'invitait à présenter ses observations dans le délai de trente jours. Contrairement à ce qui est soutenu, ces indications étaient suffisamment précises pour permettre à l'association requérante de présenter utilement ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait par une lettre du 26 novembre 2014 par laquelle elle contestait les résultats du contrôle qui lui étaient notifiés. L'administration a, au demeurant, tenu compte de certaines de ses observations en modifiant les montants initialement retenus. Ainsi, la décision en litige du 20 février 2015 a été prise après que l'association " Centre ressources illettrisme PACA " a été mise à même de présenter des observations écrites. Elle est, par suite, intervenue à l'issue d'une procédure régulière.

5. La décision du 20 février 2015 rappelle les conditions dans lesquelles le contrôle a été effectué ainsi que son fondement juridique, à savoir l'article 70 du règlement CE n° 1083/2006 et de l'article 23 de la convention du 30 décembre 2011. Elle précise, par nature de dépenses, les montants remis en cause et les motifs qui justifient les rectifications opérées, ainsi que le montant total des dépenses éligibles à l'issue de la procédure ainsi que celui de l'aide correspondante définitivement attribuée à l'association requérante. Cette décision est suffisamment motivée au regard des exigences mentionnées à l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979.

Sur la légalité interne de la décision du 20 février 2015 :

En ce qui concerne la remise en cause des droits résultant de l'attribution de la subvention :

6. D'une part, aux termes de l'article 60 du règlement n° 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 : " L'autorité de gestion est chargée de la gestion et de la mise en oeuvre du programme opérationnel conformément au principe de bonne gestion financière, et en particulier : (...) b) de vérifier la fourniture des produits et services cofinancés et de contrôler que les dépenses déclarées par les bénéficiaires pour les opérations ont été effectivement encourues et qu'elles sont conformes aux règles communautaires et nationales; (...) ". Aux termes du 2 de l'article 13 du règlement de la Commission n° 1828/2006 du 8 décembre 2006 : " Les vérifications que doit effectuer l'autorité de gestion conformément à l'article 60, point b), du règlement (CE) n° 1083/2006 portent sur les aspects administratifs, financiers, techniques et physiques des opérations, selon le cas. / Les vérifications établissent la réalité des dépenses déclarées, la fourniture des produits ou services concernés conformément à la décision d'approbation (vérification de service fait), l'exactitude des demandes de remboursement présentées par le bénéficiaire et la conformité des opérations et des dépenses avec les règles communautaires et nationales. Elles comprennent des procédures destinées à éviter le double financement des dépenses par d'autres programmes communautaires ou nationaux et pour d'autres périodes de programmation. (...) " ;

7. D'autre part, aux termes de l'article 3 du décret du 3 septembre 2007 fixant les règles nationales d'éligibilité des dépenses des programmes cofinancés par les fonds structurels pour la période 2007-2013 tel que modifié par le décret n° 2011-92 du 21 janvier 2011 : " La contribution des fonds structurels au programme opérationnel s'applique aux dépenses totales éligibles et justifiées. / Le montant final de l'aide européenne dû au bénéficiaire après exécution de l'opération tient compte, dans le respect du taux maximum d'aides publiques fixé par les règlements communautaires et nationaux, des dépenses réelles dûment justifiées et de toutes les ressources effectivement perçues. (...) " . Aux termes de l'article 4 dudit décret : " Les dépenses sont justifiées sur base réelle par les bénéficiaires sauf exception prévue à l'article 5. Elles correspondent à des paiements justifiés par des factures acquittées ou par des factures auxquelles sont jointes des pièces permettant de vérifier le paiement effectif aux créanciers ou par des pièces comptables de valeur probante équivalente. (...) ".

8. Enfin, aux termes de l'article 1er de la convention n° 40163-2011 du 30 décembre 2011 conclue entre l'Etat et l'association " Centre ressources illettrisme PACA " : " (...) Le bénéficiaire s'engage à réaliser l'opération intitulée : " Appui pédagogique aux opérateurs régionaux contre l'illettrisme " (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette même convention : " La période de réalisation de l'opération est comprise entre 02/01/2011 au 31/12/2011. Cette période correspond à la durée durant laquelle le bénéficiaire est habilité à réaliser l'opération et engager les dépenses afférentes (...) ". Selon son article 20-1 ne seront considérés comme éligibles que les coûts dont il aura été démontré qu'ils sont en relation avec l'objet de la convention, nécessaires à sa réalisation, générés pendant la période de réalisation de l'opération et qu'ils ont été effectivement encourus. L'article 21 stipule que " le service gestionnaire procède à un contrôle de service fait de l'ensemble des bilans d'exécution produits ", afin de vérifier la correcte exécution de l'opération et l'éligibilité des dépenses encourues. Il précise par ailleurs que ces vérifications se fonderont sur les pièces justificatives à la disposition du bénéficiaire, qu'il s'agisse ou non de pièces comptables. A cette fin, l'article 23 de la convention prévoit que " jusqu'au 31 décembre 2021 le bénéficiaire tient à la disposition de l'Etat l'ensemble des pièces justificatives probantes relatives aux dépenses déclarées et aux paiements effectués ", en particulier les documents originaux comptables ou toute autre pièce probante non comptable, propres à établir " la réalité, la régularité et l'éligibilité de l'opération réalisée ". Le même article ajoute que " le montant de l'aide F.S.E peut être corrigé à l'issue de l'examen de ces pièces " et que " l'Etat peut solliciter le reversement par le bénéficiaire des sommes indûment perçues ".

9. L'attribution d'une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention.

10. Il résulte de ce qui précède que la signature par l'Etat de la convention du 30 décembre 2011, qui a pour objet d'octroyer, en contrepartie d'engagements de l'association " Centre ressources illettrisme PACA " à réaliser un appui pédagogique aux opérateurs régionaux contre l'illettrisme, une subvention sur fonds communautaires en application des dispositions précitées, a créé des droits au profit de cette dernière. Toutefois, ces droits n'ont été créés que dans la mesure où l'association respectait les conditions mises à l'octroi de cette subvention, que ces conditions découlent des dispositions du règlement n° 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 ou des stipulations de la convention. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les dépenses exposées par l'association ont été écartées au motif qu'elles n'étaient pas prévues par la convention, qu'elles n'étaient pas justifiées ou encore qu'elles n'avaient pas été précédées d'une mise en concurrence en méconnaissance des règles communautaires. Elles ont été ainsi engagées en méconnaissance des dispositions ou stipulations précitées et n'ont, dès lors, pas pu créer de droits à son profit. Il s'ensuit que, d'une part, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'à compter de la date d'envoi des justificatifs des dépenses, l'aide qui lui était accordée devait être regardée comme lui étant définitivement due et que, d'autre part, l'Etat était légalement fondé pour les motifs susmentionnés, à lui demander de reverser les sommes qui lui avaient été octroyées.

En ce qui concerne le principe de sécurité juridique et la prescription :

11. Aux termes de l'article 1er du règlement (CE) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue. ". Aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1. (...) Pour les irrégularités continues ou répétées, le délai de prescription court à compter du jour où l'irrégularité a pris fin. (...) La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif. Toutefois, la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que l'autorité compétente ait prononcé une sanction, sauf dans les cas où la procédure administrative a été suspendue conformément à l'article 6 paragraphe 1. (...) / 3. Les Etats membres conservent la possibilité d'appliquer un délai plus long que celui prévu respectivement au paragraphe 1 (...). ".

12. Selon les dispositions précitées du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995, ce texte a pour objet de constituer une réglementation générale devant servir de cadre juridique commun à tous les domaines couverts par les politiques de l'Union européenne. A cet effet, ce règlement autorise la récupération des aides indûment versées à un opérateur économique dans un délai de quatre ans. D'une part, qu'ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a dit pour droit dans son arrêt du 11 juin 2015 Pfeifer et Langen GmbH (affaire C-52/14), le délai de prescription de quatre ans prévu au quatrième alinéa du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement n° 2988/95 commence à courir, en cas d'irrégularité continue ou répétée, à compter du jour où celle-ci a pris fin, quelle que soit la date à laquelle l'administration nationale a pris connaissance de cette irrégularité. Il en va de même en cas d'irrégularités mentionnées au 1er alinéa du paragraphe 1 de l'article 3. D'autre part, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Pfeifer et Langen GmbH précité, le paragraphe 1 de l'article 3 du règlement n° 2988/95 impose, à son quatrième alinéa, une limite absolue s'appliquant à la prescription des poursuites d'une irrégularité, cette prescription étant acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai quadriennal arrive à expiration sans que l'autorité compétente ait prononcé une sanction, sauf dans le cas où la procédure administrative a été suspendue conformément au paragraphe 1 de l'article 6 de ce règlement. Enfin, l'imputation des dépenses à un programme opérationnel donné ne pouvant être constatée qu'à la fin de l'exercice concerné, à savoir à compter du mois de janvier de l'année suivante, le point de départ du délai de prescription des irrégularités commises au titre de ce programme opérationnel ne peut courir qu'à compter de cette période.

13. En l'espèce, la décision qui réduit le montant de la subvention accordée sur fonds communautaires à l'association " Centre ressources illettrisme PACA " pour le financement d'un projet qui s'est déroulé, selon le bilan d'exécution versé au dossier, du 1er janvier au 31 décembre 2011, relève des dispositions précitées de l'article 3 du règlement n° 2988/1995 du 18 décembre 1995. Par suite, le moyen tiré de ce que le principe de sécurité juridique aurait été méconnu faute pour le bénéficiaire de l'aide d'être en mesure de déterminer la date à compter de laquelle elle pouvait être lui être définitivement acquise doit être écarté.

14. Le délai de prescription de quatre ans prévu au quatrième alinéa du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement a commencé à courir au plus tard à compter du mois de janvier de l'année 2012. Ce délai, conformément au paragraphe 1er de l'article 3 du même règlement, a été interrompu par la lettre du 23 octobre 2014, par laquelle le DIRECCTE de Provence-Alpes-Côte d'Azur a notifié à l'association " Centre ressources illettrisme PACA " les conclusions provisoires du contrôle opéré lui indiquant que les irrégularités constatées lors des contrôles effectués étaient susceptibles de le conduire à remettre en cause le montant de la subvention accordée. Le délai de prescription a couru de nouveau à compter de cette date. Il en résulte que l'action tendant à la remise en cause du montant de l'aide accordée n'était pas prescrite à la date à laquelle a été prise la décision en litige du 20 février 2015. Est à cet égard sans incidence la circonstance tenant à ce que les opérations de contrôle, d'abord menées par l'Agence des services et de paiement, se sont ensuite poursuivies par l'entremise du cabinet Orcom, à la demande de l'administration, dès lors que ces opérations ont porté sur une période non prescrite. Est tout aussi inopérante, s'agissant de l'application de ces règles, la circonstance que l'association requérante ne dégagerait aucun bénéfice et que ses principales ressources ne seraient constituées que de subventions.

15. La décision litigieuse, comme il a été dit précédemment, vise à corriger les irrégularités commises après qu'elles ont été détectées par l'autorité de gestion. Dès lors et en tout état de cause, l'association " Centre ressources illettrisme PACA " n'est pas fondée à soutenir que l'État aurait manqué à ses obligations définies par l'article 70 précité du règlement européen du 11 juillet 2006 et que les pertes constatées résulteraient de sa seule négligence à récupérer l'aide indument perçue.

En ce qui concerne le bien-fondé de la créance de l'Etat :

S'agissant du montant total des dépenses :

16. Si l'association requérante se prévaut d'une erreur dans le calcul du montant total des dépenses, d'environ 2 000 euros au regard d'une somme totale de plus de 340 000 euros, celle-ci est en tout état de cause sans incidence sur le montant des dépenses dont le caractère éligible a été remis en cause par l'administration et par suite sur la légalité de la décision en litige. En outre, une telle erreur, à la supposer établie, serait favorable à la requérante, dans la mesure où elle aboutit à une augmentation du montant de la subvention finale qui est calculée au prorata des dépenses éligibles.

S'agissant des irrégularités retenues au titre des dépenses de personnel :

17. Aux termes de l'article 4 du décret du 3 septembre 2007 fixant les règles nationales d'éligibilité des dépenses des programmes cofinancés par les fonds structurels pour la période 2007-2013, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Les dépenses de rémunération (...) constituent des dépenses éligibles aux conditions suivantes : / 1. Dépenses de rémunération. / Les dépenses de rémunération supportées par le bénéficiaire, nécessaires à la réalisation de l'opération et comportant un lien démontré avec celle-ci, sont éligibles. Elles sont justifiées : / a) S'agissant du temps consacré à la réalisation de l'opération : /- par les fiches de poste des personnels affectés à la réalisation de l'opération ou les lettres de mission qui leur sont adressées, pour les personnels à temps plein ou à temps partiel si celui-ci est défini préalablement ; / - ou par les fiches de temps des personnels affectés ponctuellement à la réalisation de l'opération ou des extraits de logiciel de gestion de temps ; (...) / Sont compris dans les dépenses de rémunération les salaires et les charges liées (cotisations sociales, patronales et salariales), les traitements accessoires prévus aux conventions collectives ou au contrat de travail ainsi que les variations de provisions pour congés payés enregistrées dans les comptes annuels. ".

18. L'association " Centre ressources illettrisme PACA " a financé sur les fonds accordés au titre du programme opérationnel " compétitivité régionale et emploi " les salaires et les primes versées au personnel affecté à la réalisation du projet " appui pédagogique et technique aux opérateurs régionaux de la lutte contre l'illettrisme " y compris une prime exceptionnelle annuelle. Il résulte toutefois des dispositions précitées que ne sont éligibles au titre des dépenses de rémunération que les seuls salaires et traitements accessoires prévus aux conventions collectives ou au contrat de travail. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la prime exceptionnelle versée par l'association à ses salariés aurait été prévue par leur contrat de travail ou par une convention collective qui leur serait applicable. C'est, dès lors, par une exacte application des dispositions précitées que l'administration a estimé que cette prime exceptionnelle n'était pas éligible à un financement sur le programme opérationnel " compétitivité régionale et emploi ".

19. Dans l'hypothèse où une association exerce à la fois des activités éligibles et non éligibles à un financement par des fonds structurels européens, elle ne peut regarder les dépenses de rémunération de ses personnels comme des dépenses éligibles qu'à raison de celles qui sont nécessaires à la réalisation de l'opération et comportent un lien démontré avec celle-ci. Si ces différentes activités sont effectuées par le même personnel, il y a lieu de prendre en compte, pour le calcul des dépenses éligibles, les salaires versés au prorata du temps passé par le personnel à des activités éligibles.

20. En l'espèce, l'administration a remis en cause au titre des dépenses éligibles le salaire de deux secrétaires au motif " que le recoupement des fiches de temps et des livrables n'était pas satisfaisant ". Si l'association requérante soutient que la quasi-totalité de son activité au cours de l'année 2011 consistait à la réalisation du programme subventionné et que ces salariés participaient à cette activité, elle ne remet pas utilement en cause le constat fait par le service de l'impossibilité de déterminer à partir des éléments produits au cours du contrôle le temps consacré par ces deux secrétaires aux activités éligibles. Alors qu'il incombe à l'association de justifier de la répartition du temps d'activité de ses personnels entre activité subventionnée et non subventionnée, notamment par la production de fiches de temps ou d'extraits de logiciel de gestion de temps ainsi que le prévoit l'article 4 du décret du 3 septembre 2007, elle n'apporte pas cette preuve en se bornant à produire différents courriels relatifs à l'activité de ces secrétaires au cours de l'année 2011. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause les dépenses correspondant à la rémunération de ces personnels.

21. S'agissant de l'aide versée au titre du Fonds social européen (FSE), sont éligibles les dépenses de location d'immeubles dès lors qu'elles ont été engendrées par l'opération subventionnée et n'auraient pas été effectuées en l'absence de celle-ci. Dans l'hypothèse où une association exerce à la fois des activités éligibles et non éligibles à un financement par le FSE, elle ne peut regarder les dépenses de location d'immeubles comme des dépenses éligibles qu'à raison de celles qui sont nécessaires à la réalisation de l'opération et comporte un lien démontré avec celle-ci. Si les mêmes locaux sont utilisés pour ces différentes activités, il y a lieu de prendre en compte, pour le calcul des dépenses éligibles, les dépenses de location au prorata de leur temps d'utilisation pour ces mêmes activités.

22. En l'espèce, l'administration a écarté le montant total des dépenses de locations de locaux composés d'une salle de documentation et de bureaux au motif " qu'aucun justificatif ne permettait de s'assurer que cette salle était uniquement utilisée sur l'action " et que dans la mesure où " aucun salarié n'était affecté à 100 % à l'opération, les dépenses de location de bureaux ne pouvaient pas être considérées comme des dépenses directement rattachables à l'opération ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'association requérante avait fourni à l'administration, la ventilation entre activité éligible et non éligible de ses locaux, au cours de l'exercice 2011 indiquant que ceux-ci étaient affectés à 90 % de leur capacité à la réalisation de l'opération en litige, dans la même proportion que le temps du personnel qui participait directement à l'opération et qui y exerçait son activité. Il ressort de ces mêmes pièces que l'administration a admis que cinq salariés de l'association, dont un documentaliste, participaient dans les proportions indiquées à la réalisation de l'opération subventionnée. Dans la mesure où l'administration reconnaît ainsi que l'activité de ces salariés comportait un lien démontré avec cette opération et qu'elle ne fait état d'aucun élément permettant de mettre en doute les déclarations susmentionnées de l'association requérante selon laquelle ces personnels exerçaient leur activité dans ces locaux, celle-ci est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a rejeter la totalité des frais de location de locaux, au titre des dépenses éligibles.

S'agissant des irrégularités retenues au titre des dépenses de prestation externes :

23. Aux termes du second alinéa de l'article 5 du décret du 3 septembre 2007 précité : " Le choix des prestataires est assuré conformément au code des marchés publics ou à des dispositions similaires assurant l'égalité d'accès à la commande, la transparence des critères de sélection et l'égalité de traitement des offres. ". Selon les stipulations de l'article 16 de la convention conclue le 30 décembre 2011 et intitulé " Achat de biens et services " : " Lorsque les achats de biens et services doivent être effectués par le bénéficiaire pour les besoins de la réalisation de l'opération et constituent des dépenses figurant dans une rubrique de coûts directs éligibles du budget prévisionnel, le bénéficiaire est tenue d'effectuer une mise en concurrence des candidats potentiels et de sélectionner l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est à dire celle qui présente le meilleur rapport coût/avantage, dans le respect des principes de transparence, d'égalité de traitement des contractants potentiels et en veillant à l'absence de conflits d'intérêts ".

24. Il résulte de ces dispositions et stipulations que, pour assurer le respect de l'obligation de transparence, le bénéficiaire de l'aide qui envisage de procéder à des achats de biens et services pour les besoins de la réalisation de l'opération doit s'assurer que sa décision a été précédée d'un degré de publicité adéquat permettant, d'une part, une ouverture à la concurrence et, d'autre part, le contrôle de l'impartialité de la procédure d'attribution. Si l'obligation de transparence n'impose pas nécessairement de procéder à un appel d'offres pour sélectionner l'offre économiquement la plus avantageuse, il exige en revanche de mettre en concurrence les candidats potentiels et que l'avis d'appel à candidatures rendu public comporte les critères de sélection des offres et de respecter les règles ainsi posées au vu desquelles l'offre la plus avantageuse doit être sélectionnée.

25. Les règles ainsi issues de la convention du 30 décembre 2011, qui ne méconnaissent aucune des dispositions de l'article 167 du règlement n° 1605/2002 du Conseil du 25 juin 2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes, ne comportent, en l'espèce aucune imprécision. Alors même qu'elles n'indiquaient pas de manière détaillée la procédure de passation à respecter, elles permettaient à l'association requérante de connaître sans aucune ambiguïté les obligations qui s'imposaient à elle.

26. Il ressort des pièces du dossier que l'administration a réduit forfaitairement de 25 %, à hauteur de 7 663,04 euros, le montant de différentes prestations engagées sans mise en concurrence. Aucun des documents produits par la requérante et notamment pas la note du 25 avril 2014 intitulée " note d'explication sur la mise en concurrence " ne justifie de l'existence d'une mise en concurrence pour le choix des experts chargés des animations pédagogiques. Les circonstances invoquées tenant à ce que ceux-ci ne seraient pas très nombreux sur le territoire national et que les montants en cause ne seraient pas très élevés ne justifiaient pas le manquement aux règles susmentionnées. Par suite, l'administration était légalement fondée à estimer que les dépenses correspondantes ont été exposées en méconnaissance des règles de mise en concurrence.

S'agissant des dépenses indirectes :

27. Il ressort des pièces du dossier que le montant des dépenses indirectes relatives au projet en litige a été fixé forfaitairement à 20 % du coût total des dépenses directes de fonctionnement de l'opération et des dépenses de personnel affectées à cette dernière. Il résulte de ce qui a été dit au point 22 que le montant de ces dépenses indirectes doit être modifié corrélativement pour tenir compte des frais de location de locaux.

28. Il résulte de tout ce qui précède que l'association " Centre ressources illettrisme PACA " est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 février 2015 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur ainsi que les décisions implicites rejetant ses recours gracieux et hiérarchique contre cette décision, en tant qu'elles ont rejeté la totalité des frais de location de locaux au titre des dépenses éligibles et ont omis de fixer le montant des dépenses indirectes en conséquence.

Sur les frais liés au litige :

29. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à l'association " Centre ressources illettrisme PACA " au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La décision du 20 février 2015 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur ainsi que les décisions implicites rejetant les recours gracieux et hiérarchique de l'association " Centre ressources illettrisme PACA " contre cette décision, sont annulées en tant seulement qu'elles ont rejeté la totalité des frais de location de locaux, au titre des dépenses éligibles et ont omis de fixer le montant des dépenses indirectes en conséquence.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association " Centre ressources illettrisme PACA " est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à l'association " Centre ressources illettrisme PACA " une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Centre ressources illettrisme PACA " et à la ministre du travail.

Copie en sera adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 8 février 2019, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 22 février 2019.

2

N° 18MA00737

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00737
Date de la décision : 22/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation obligatoire - Motivation obligatoire en vertu des articles 1 et 2 de la loi du 11 juillet 1979.

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Politique sociale.

Communautés européennes et Union européenne - Litiges relatifs au versement d`aides de l'Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : LETURCQ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-02-22;18ma00737 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award