Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 juin 2017 par lequel le préfet de l'Aude lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 1703183 du 9 août 2017, la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 février 2018, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpellier du 9 août 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 juin 2017 du préfet du l'Aude.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 9 août 2017 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- ses trois enfants sont régulièrement scolarisés ;
-elle est exposée à un traitement inhumain et dégradant en cas de retour dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2018, le préfet de l'Aude conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Simon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 12 juin 2017, le préfet de l'Aude a fait obligation à Mme A..., ressortissante congolaise, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en mentionnant le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme A... fait appel du jugement du 9 août 2017 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 9 août 2017 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Par ailleurs, il appartient au préfet, lorsqu'il envisage de prendre à l'encontre d'un ressortissant étranger une obligation de quitter le territoire français, de vérifier que cette décision ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
3. D'une part, si Mme A..., entrée en France depuis seulement deux ans à la date de l'arrêté attaqué, est mère de trois enfants résidant sur le sol français, il n'est pas établi ni même allégué que le père de ses enfants réside également sur le sol national en situation régulière. D'autre part, les deux autres enfants de l'appelante vivent dans son pays d'origine. Par ailleurs, l'intéressée ne justifie d'aucune insertion socio-professionnelle. Dans ces conditions, le préfet de l'Aude, en décidant de l'obliger à quitter le territoire français, n'a pas, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, porté une atteinte au respect de la vie privée et familiale de Mme A... disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
4. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dispositions, qui peuvent utilement être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
5. Si trois des enfants de Mme A..., respectivement âgés de six, neuf et dix ans, sont scolarisés en primaire, il ne ressort pas des pièces du dossier ni même allégué qu'ils ne pourraient pas suivre une scolarité dans le pays dont ils ont la nationalité. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
7. L'appelante, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par décision du 31 mars 2016 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 13 février 2017, n'établit pas, par la seule production d'un article de presse la concernant, d'ailleurs non daté et dont il n'est pas indiqué dans quel journal il a été publié, la réalité des risques qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A..., au ministre de l'intérieur et à Me B...C....
Copie pour information en sera adressée au préfet de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 29 janvier 2019, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- Mme Simon, président-assesseur,
- Mme Carassic, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 février 2019.
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N° 18MA00884