Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 10 juin 2016 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de ses deux filles, Hidaya et Amani Belaïd et d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de faire droit à sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir.
Par un jugement n° 1606897 du 11 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête n° 18MA04272 enregistrée le 13 septembre 2018, Mme B... épouseD..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 juin 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de ses deux filles, Hidaya et Amani Belaïd ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui accorder le bénéfice du regroupement familial sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- son dossier de demande de regroupement familial était complet ;
- en retenant le caractère incomplet, la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, en ce qu'elle possède la garde de ses enfants ;
- à la date effective de sa demande, sa fille aînée était mineure ;
- alors même que sa fille aînée serait désormais majeure, la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 22 octobre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.
II. Par une requête n° 18MA04273 enregistrée le 13 septembre 2018, Mme B... épouseD..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) de surseoir à l'exécution du jugement en date du 11 janvier 2018 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un mémoire enregistré le 22 octobre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.
III. Par une requête n° 18MA04274 enregistrée le 13 septembre 2018, Mme B... épouseD..., représentée par Me C..., demande au juge des référés de la Cour :
1°) de suspendre l'exécution de la décision du 10 juin 2016 ;
2°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un mémoire enregistré le 22 octobre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25 %) par une décision du 20 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coutel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... B...épouse D...a présenté une demande de regroupement familial au bénéfice de ses deux filles, Hidaya et Amani, issues de son union avec son premier époux dont elle est divorcée par jugement du tribunal de Biskra en Algérie en date du 5 avril 2000.
2. Il ressort tant des termes de la décision attaquée que des écritures en défense du préfet des Bouches-du-Rhône que la décision rejetant la demande de regroupement familial a été rejetée au motif d'une part que la requérante n'avait pas produit la décision de justice lui attribuant la garde de sa fille Amani alors qu'il n'était pas établi que cette dernière serait seule au Maroc et d'autre part, qu'à la date d'enregistrement de la demande, sa fille Hidaya était majeure.
3. L'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale. En l'absence d'une telle décision, et en cas de délégation de l'autorité parentale simplement consentie par un des deux parents, en dehors de toute décision de justice ni même d'un acte notarié, il appartient à l'administration d'apprécier au regard des faits de chaque espèce l'intérêt de l'enfant à vivre auprès de celui des parents qui s'est vu ainsi confier de fait l'autorité parentale.
4. Il ressort des pièces du dossier que le père des deux enfants a par une attestation, légalisée et établie en avril 2014, consenti la garde de ses deux filles à leur mère depuis le 27 octobre 1999. Il ressort également des pièces du dossier, corroborés par les nombreuses attestations concordantes sur ce point, que les deux jeunes enfants sont restés jusqu'alors au Maroc auprès de leur grand-mère qui, compte tenu de son âge et de son état de santé n'était plus, à la date de la décision attaquée, en mesure d'assurer leur entretien. A compter de l'année 2015, tant le conjoint de la requérante que la requérante elle-même ont versé des sommes par mandats à destination du Maroc afin de participer aux besoins des deux enfants.
5. La circonstance que les services de l'Etat ont estimé être saisis seulement à compter du 29 septembre 2015 de la demande de regroupement familial au motif que le dossier serait incomplet en l'absence de production d'une décision de justice relative à l'autorité parentale sur les bénéficiaires est sans incidence sur la date réelle de la demande dès lors qu'il est constant que le formulaire de demande a été enregistré le 9 juillet 2015. Ainsi, à cette date, Mme E... était mineure au sens des dispositions de l'article R. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il ressort des pièces du dossier que les deux filles, dont le regroupement familial est demandé, sont isolées au Maroc et, alors même qu'elles auraient vécu dans leur pays d'origine jusqu'à la date de la demande en l'absence de leur mère, il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 3 et 4 que la décision en litige a méconnu tant les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de regroupement familial en date du 10 juin 2016.
8. Dès lors qu'il est statué sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 10 juin 2016, il n'y pas lieu de statuer sur les requêtes n° 18MA04273 et n° 18MA04274.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Il résulte du motif retenu au point précédent qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la demande de Mme A... B...en se livrant à une appréciation de sa demande au vu des autres conditions édictées par l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :
10. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de
25 %. Elle n'allègue pas avoir engagé d'autres frais que ceux partiellement pris en charge à ce titre. L'avocat de Mme B... a demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 000 euros sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1606897 du 11 janvier 2018 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La décision de refus de regroupement familial du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 10 juin 2016 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de statuer sur la demande de Mme B..., conformément au motif retenu au point 9, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me C... la somme de 1 000 euros qu'il réclame en application des dispositions combinées des l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes n° 18MA04273 et
n° 18MA04274.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...épouseD..., au préfet des Bouches-du-Rhône, au ministre de l'intérieur et à MeC....
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Coutel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 février 2019
N° 18MA04272, 18MA04273, 18MA04274 2