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05/02/2019 | FRANCE | N°17MA02424

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 05 février 2019, 17MA02424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Groupe Drode et Compagnie a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1501059 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2017, la SAS Groupe Dr

ode et Compagnie, représentée par la SELARL Aizac Bruno, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Groupe Drode et Compagnie a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1501059 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2017, la SAS Groupe Drode et Compagnie, représentée par la SELARL Aizac Bruno, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 avril 2017 ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, et des pénalités correspondantes ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, et des pénalités correspondantes ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme dont le montant total sera indiqué avant l'audience, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'a pas répondu aux moyens qu'elle a soulevés, notamment à celui relatif à la baisse de 20 % ou 30 % de la valeur vénale du bien immobilier du fait de son occupation ;

- la proposition de rectification du 16 juillet 2012 est irrégulière, notamment en ce qu'elle méconnaît l'article L. 17 du livre des procédures fiscales ;

- la cession des parts de la SCI Les Carlines qu'elle détenait à M. A... ne constitue pas un acte anormal de gestion, le prix de cession retenu par les parties devant être regardé comme ayant été accepté par une prise de position formelle de la part de l'administration le 4 octobre 2011 ;

- le prix de cession retenu par les parties est normal, en l'absence de preuve contraire apportée par l'administration ;

- le bien immobilier étant occupé, un abattement de 20 % à 30 % de sa valeur doit être retenu ;

- aucun manquement délibéré ne peut être retenu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Groupe Drode et Compagnie ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Groupe Drode et Compagnie, présidée par M. A..., a vendu, le 1er janvier 2009, les quatre cents parts sociales qu'elle détenait de la société civile immobilière (SCI) Les Carlines à M. A..., celui-ci devenant alors l'unique associé de cette SCI, propriétaire d'une villa à Saint-Tropez acquise le 31 décembre 1998. L'administration a procédé à une vérification de comptabilité de la SAS et estimé que la cession des parts sociales était intervenue à un prix inférieur à la valeur du marché, constituait ainsi un acte anormal de gestion et entraînait, pour la SAS, une rectification de la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2009 correspondant à la différence entre la valeur réelle des parts et celle estimée lors de la vente du 1er janvier 2009. Elle fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif de Toulon a relevé qu'il " est constant que l'administration a opéré un abattement de 10 % sur la valeur du bien afin de prendre en compte (la) particularité " tenant au fait que les biens retenus par l'administration pour la comparaison des valeurs vénales n'étaient pas détenus, contrairement à celui appartenant à la SCI Les Carlines, par des personnes morales. Ainsi, il a écarté, en motivant de manière suffisante, le moyen soulevé par la SAS Groupe Drode et Compagnie tenant au fait qu'en raison de l'occupation de la villa de Saint-Tropez par M. et Mme A..., la valeur vénale retenue devait faire l'objet d'un abattement supérieur, de l'ordre de 20 à 30 %.

3. En outre, en se limitant à soutenir que le tribunal administratif de Toulon n'a pas répondu aux moyens qu'elle a soulevés, la SAS Groupe Drode et Compagnie n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. En indiquant, de manière générale, que la seconde proposition de rectification du 16 juillet 2012, annulant et remplaçant celle du 29 août 2011, est irrégulière, la SAS Groupe Drode et Compagnie n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé. En outre, l'article L. 17 du livre des procédures fiscales est relatif aux droits d'enregistrement, à la taxe de publicité foncière et à la taxe sur la valeur ajoutée " lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits et taxe ". Par suite, et en tout état de cause, la société requérante ne peut utilement soutenir que la proposition de rectification aurait méconnu de telles dispositions.

Sur le bien-fondé de l'impôt :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

5. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvé dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.

6. La propriété de la SCI Les Carlines, d'une superficie de 15 851 m², comprend notamment une maison d'habitation de 303 m² ayant onze pièces, une autre de 80 m² ainsi qu'un garage, une terrasse et une piscine de 120 m², l'ensemble étant très bien entretenu. Pour déterminer la valeur vénale de ce bien, l'administration s'est référée à quatre ventes de biens intervenues du 15 mai 2006 au 10 juillet 2008. Ces biens sont tous situés à Saint-Tropez, à proximité de la propriété comparée, et constitués de maisons, construites à des époques différentes mais également en très bon état, dont la surface habitable varie de 387 m² à 492 m². Ces maisons bénéficient d'équipements complémentaires tels que piscine, garage et terrasse, ainsi que d'une vue exceptionnelle sur la mer, similaire à celle de la propriété de la SCI Les Carlines. Aucun élément du dossier n'établit qu'en raison d'une baisse des valeurs moyennes qui aurait été constatée sur le marché des transactions immobilières, les ventes intervenues précédemment et retenues par l'administration ne pourraient constituer la référence pour déterminer la valeur à la date du 1er janvier 2009. L'administration a donc pu se fonder sur ces transactions, relatives à des biens comparables, pour estimer le prix de la propriété.

7. En outre, l'administration a procédé, afin de prendre en compte l'indisponibilité de la propriété de la SCI Les Carlines en raison de son occupation par M. et Mme A..., à un abattement de 10 % du prix ainsi obtenu en se fondant sur la moyenne arithmétique des prix du mètre carré des quatre propriétés précédemment vendues. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle réfaction serait insuffisante par rapport aux transactions constatées habituellement et devrait être portée à 20 % voire à 30 %.

8. Ainsi, la valeur unitaire d'une part sociale de la SCI Les Carlines s'élevait à un montant de 5 276 euros alors que celui de 1 700 euros avait été retenu lors de la vente du 1er janvier 2009. La SAS Groupe Drode et Compagnie ne produit aucun élément de nature à justifier qu'elle aurait été contrainte de procéder à une cession à un prix significativement inférieur à la valeur vénale ou aurait bénéficié de contreparties en retour d'une telle cession. Par suite, l'administration doit être regardée comme établissant le caractère anormal de l'acte de gestion. C'est à juste titre qu'elle a rehaussé le bénéfice de la SAS au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2009 d'un montant de 1 430 000 euros correspondant à la différence précédemment mentionnée.

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :

9. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ". Aux termes de l'article 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".

10. Par une décision du 4 octobre 2011 prise à la suite de la réclamation contentieuse du 6 avril 2011, l'administration a dégrevé en totalité les droits de mutation mis à la charge de M. A... en 2006. Cette décision précise qu'après " un examen attentif ", il a été décidé d'accepter la demande et d'accorder un dégrèvement de 136 612 euros. Elle n'est cependant assortie d'aucune motivation expresse. Par suite, et en tout état de cause, elle ne saurait valoir prise de position formelle de l'administration sur la situation de fait, en l'espèce la valeur vénale de la propriété lors de la cession intervenue le 1er janvier 2009, au regard d'un texte fiscal. Elle ne peut donc être opposée à l'administration sur le fondement des dispositions précédemment citées.

Sur les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a) 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

12. La valorisation des parts sociales de la SAS Groupe Drode et Compagnie a été fortement minorée, cette SAS ayant vendu à son gérant, M. A..., les parts de la SCI Les Carlines à un prix inférieur au tiers de leur valeur. La société requérante ne pouvait ignorer la valeur vénale de la propriété, qui est la résidence principale de M. A... et qui appartient à la SCI Les Carlines, dont il détenait 75 % de l'actif social avant la cession du 1er janvier 2009. Enfin, il est constant que M. A... est également le gérant de la société en nom collectif Capon Pinet, qui exerce une activité dans le secteur de l'immobilier. L'ensemble de ces constatations traduit l'intention d'éluder l'impôt. Par suite, l'administration établit le caractère délibéré du manquement. C'est donc à juste titre qu'elle a infligé la pénalité prévue par les dispositions du a) de l'article 1729 du code général des impôts.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Groupe Drode et Compagnie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, et des pénalités correspondantes.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser à la SAS Groupe Drode et Compagnie au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la SAS Groupe Drode et Compagnie est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Groupe Drode et Compagnie et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- M. Maury, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 février 2019.

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N° 17MA02424

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA02424
Date de la décision : 05/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes - Divers.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : SELARL BRUNO AIZAC

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-02-05;17ma02424 ?
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