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05/02/2019 | FRANCE | N°17MA02420

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 05 février 2019, 17MA02420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A...ont demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1501142 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2017, M. et Mme A..., représentés par la SELARL Aizac Bruno, demandent

à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 avril 2017 ;

2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A...ont demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1501142 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2017, M. et Mme A..., représentés par la SELARL Aizac Bruno, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 avril 2017 ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, et des pénalités correspondantes ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont assujettis au titre de l'année 2009, et des pénalités correspondantes ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme dont le montant total sera indiqué avant l'audience, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement n'a pas répondu aux moyens qu'ils ont soulevés ;

- la motivation par laquelle le jugement a écarté le moyen relatif à la baisse de 20 % ou 30 % de la valeur vénale du bien immobilier du fait de son occupation est insuffisante ;

- la proposition de rectification du 16 juillet 2012 est irrégulière, notamment en ce qu'elle méconnaît l'article L. 17 du livre des procédures fiscales ;

- la cession des parts de la SCI Les Carlines que la société Groupe Drode et Compagnie détenait à M. A... ne constitue pas un acte anormal de gestion, le prix de cession retenu par les parties devant être regardé comme ayant été accepté par une prise de position formelle de la part de l'administration le 4 octobre 2011 ;

- le bien immobilier étant occupé, un abattement de 20 % à 30 % de sa valeur doit être retenu ;

- ils n'ont bénéficié d'aucun revenu distribué au sens du c) de l'article 111 du code général des impôts, l'administration n'apportant pas la preuve de l'existence d'une libéralité ;

- aucun manquement délibéré ne peut être retenu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Groupe Drode et Compagnie, présidée par M. A..., a vendu, le 1er janvier 2009, les quatre cents parts sociales qu'elle détenait de la société civile immobilière (SCI) Les Carlines à M. A..., celui-ci devenant alors l'unique associé de cette SCI, propriétaire d'une villa à Saint-Tropez acquise le 31 décembre 1998. L'administration a procédé à une vérification de comptabilité de la SAS Groupe Drode et Compagnie et estimé que la cession des parts sociales était intervenue à un prix inférieur à la valeur du marché, constituait ainsi un acte anormal de gestion et entraînait, pour la SAS, une rectification de la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2009 correspondant à la différence entre la valeur réelle des parts et celle estimée lors de la vente du 1er janvier 2009. L'administration a également considéré que l'avantage dont M. A... a ainsi bénéficié devait être considéré comme des revenus distribués. M. et Mme A... font appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, et de la pénalité pour manquement délibéré.

I. Régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif de Toulon a relevé qu'il " est constant que l'administration a opéré un abattement de 10 % sur la valeur du bien afin de prendre en compte (la) particularité " tenant au fait que les biens retenus par l'administration pour la comparaison des valeurs vénales n'étaient pas détenus, contrairement à celui appartenant à la SCI Les Carlines, par des personnes morales. Ainsi, il a écarté, en motivant de manière suffisante, le moyen soulevé par M. et Mme A... tenant au fait qu'en raison de l'occupation de la villa de Saint-Tropez, la valeur vénale retenue devait faire l'objet d'un abattement supérieur, de l'ordre de 20 à 30 %.

3. En outre, en se limitant à soutenir que le tribunal administratif de Toulon n'a pas répondu aux moyens qu'elle a soulevés, M. et Mme A... n'assortissent pas leur moyen de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé.

II. Régularité de la procédure d'imposition :

4. En indiquant, de manière générale, que la seconde proposition de rectification du 16 juillet 2012, annulant et remplaçant celle du 29 août 2011, est irrégulière, M. et Mme A... n'assortissent pas leur moyen de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé. En outre, l'article L. 17 du livre des procédures fiscales est relatif aux droits d'enregistrement, à la taxe de publicité foncière et à la taxe sur la valeur ajoutée " lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits et taxe ". Par suite, et en tout état de cause, M. et Mme A... ne peuvent utilement soutenir que la proposition de rectification aurait méconnu de telles dispositions.

III. Bien-fondé de l'impôt :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

S'agissant de l'acte anormal de gestion :

5. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.

6. La propriété de la SCI Les Carlines, d'une superficie de 15 851 m², comprend notamment une maison d'habitation de 303 m² ayant onze pièces, une autre de 80 m² ainsi qu'un garage, une terrasse et une piscine de 120 m², l'ensemble étant très bien entretenu. Pour déterminer la valeur vénale de ce bien, l'administration s'est référée à quatre ventes de biens intervenues du 15 mai 2006 au 10 juillet 2008. Ces biens sont tous situés à Saint-Tropez, à proximité de la propriété comparée, et constitués de maisons, construites à des époques différentes mais également en très bon état, dont la surface habitable varie de 387 m² à 492 m². Ces maisons bénéficient d'équipements complémentaires tels que piscine, garage et terrasse, ainsi que d'une vue exceptionnelle sur la mer, similaire à celle de la propriété de la SCI Les Carlines. Aucun élément du dossier n'établit qu'en raison d'une baisse des valeurs moyennes qui aurait été constatée sur le marché des transactions immobilières, les ventes intervenues précédemment et retenues par l'administration ne pourraient constituer la référence pour déterminer la valeur à la date du 1er janvier 2009. L'administration a donc pu se fonder sur ces transactions, relatives à des biens comparables, pour estimer le prix de la propriété.

7. En outre, l'administration a procédé, afin de prendre en compte l'indisponibilité de la propriété de la SCI Les Carlines en raison de son occupation par M. et Mme A..., à un abattement de 10 % du prix ainsi obtenu en se fondant sur la moyenne arithmétique des prix du mètre carré des quatre propriétés précédemment vendues. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle réfaction serait insuffisante par rapport aux transactions constatées habituellement et devrait être portée à 20 % voire à 30 %.

8. Ainsi, la valeur unitaire d'une part sociale de la SCI Les Carlines s'élevait à un montant de 5 276 euros alors que celui de 1 700 euros avait été retenu lors de la vente du 1er janvier 2009. M. et Mme A... ne produisent aucun élément de nature à justifier que la SAS Groupe Drode et Compagnie aurait été contrainte de procéder à une cession à un prix significativement inférieur à la valeur vénale ou aurait bénéficié de contreparties en retour d'une telle cession. Par suite, l'administration doit être regardée comme établissant le caractère anormal de l'acte de gestion. C'est à juste titre qu'elle a rehaussé le bénéfice de la SAS au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2009 d'un montant de 1 430 000 euros correspondant à la différence précédemment mentionnée.

S'agissant des revenus distribués :

9. En vertu du 3 de l'article 158 du code général des impôts, sont notamment imposables à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les revenus considérés comme distribués en application des articles 109 et suivants du même code. Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués (...) c) Les rémunérations et avantages occultes (...) ". En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions du c) de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est comptabilisée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du contractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.

10. En l'espèce, la SAS Groupe Drode et Compagnie a vendu à M. A... les parts de la SCI Les Carlines à un prix inférieur au tiers de leur valeur. En outre, M. A... est le président de la SAS. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve d'un avantage occulte consenti pouvant être considéré comme un revenu distribué.

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :

11. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ". Aux termes de l'article 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".

12. Par une décision du 4 octobre 2011 prise à la suite de la réclamation contentieuse du 6 avril 2011, l'administration a dégrevé en totalité les droits de mutation mis à la charge de M. A... en 2006. Cette décision précise qu'après " un examen attentif ", il a été décidé d'accepter la demande et d'accorder un dégrèvement de 136 612 euros. Elle n'est cependant assortie d'aucune motivation expresse. Par suite, et en tout état de cause, elle ne saurait valoir prise de position formelle de l'administration sur la situation de fait, en l'espèce la valeur vénale de la propriété lors de la cession intervenue le 1er janvier 2009, au regard d'un texte fiscal. Elle ne peut donc être opposée à l'administration sur le fondement des dispositions précédemment citées.

IV. Pénalités :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a) 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

14. La valorisation des parts sociales de la SAS Groupe Drode et Compagnie a été fortement minorée, cette SAS ayant vendu à son gérant, M. A..., les parts de la SCI Les Carlines à un prix inférieur au tiers de leur valeur. M. A... ne pouvait ignorer la valeur vénale de la propriété, qui est sa résidence principale et qui appartient à la SCI Les Carlines, dont il détenait 75 % de l'actif social avant la cession du 1er janvier 2009. Enfin, il est constant que M. A... est également le gérant de la société en nom collectif Capon Pinet, qui exerce une activité dans le secteur de l'immobilier. L'ensemble de ces constatations traduit l'intention de des intéressés d'éluder l'impôt. Par suite, l'administration établit le caractère délibéré du manquement. C'est donc à juste titre qu'elle a infligé la pénalité prévue par les dispositions du a) de l'article 1729 du code général des impôts.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, et des pénalités correspondantes.

V. Frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser à M. et Mme A... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- M. Maury, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 février 2019.

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N° 17MA02420

mtr


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