La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2019 | FRANCE | N°18MA01116

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 04 février 2019, 18MA01116


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1703393 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 mars 2018, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la Co

ur :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 8 février 2018 ;

2°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1703393 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 mars 2018, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 8 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 21 juillet 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", et à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande, dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté préfectoral est insuffisamment motivé ;

- l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ne lui a pas été notifié ;

- sa demande n'a pas fait l'objet d'un examen attentif ;

- sa rémunération brute mensuelle étant supérieure au seuil légalement fixé, la situation de l'emploi ne lui est pas opposable ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention du 13 juin 1996 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République togolaise relative à la circulation et au séjour des personnes ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique, ainsi que les observations de Me B..., représentant MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., née le 28 juillet 1993, de nationalité togolaise, est entrée en France de façon régulière 13 septembre 2009 sous couvert d'un visa long séjour D " étudiant ". Le titre de séjour " étudiant " qu'elle a obtenu a été renouvelé jusqu'au 30 novembre 2016. Elle a sollicité le 22 septembre 2016 le changement de statut d'étudiant à salarié, sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 21 juillet 2017, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande et a assorti le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français. Mme A...relève appel du jugement du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

2. En premier lieu, il convient d'écarter les moyens tirés du défaut de motivation de la décision préfectorale, de l'absence de notification de l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et du défaut d'examen particulier de la demande par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) / 2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 dudit code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention " travailleur temporaire ". (...) / La carte de séjour prévue aux 1° ou 2° du présent article est délivrée, sans que lui soit opposable la situation de l'emploi, à l'étudiant étranger qui, ayant obtenu un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, souhaite exercer un emploi salarié et présente un contrat de travail, à durée indéterminée ou à durée déterminée, en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; Lorsque la demande concerne un étudiant ayant achevé son cursus sur le territoire français cet élément s'apprécie au regard des seules études suivies et seuls diplômes obtenus en France (...) ". L'article R. 5221-21 du même code prévoit que : " Les éléments d'appréciation mentionnés au 1° de l'article R. 5221-20 ne sont pas opposables lorsque la demande d'autorisation de travail est présentée au bénéfice de : (...) 3° L'étudiant visé au septième alinéa de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, titulaire d'un diplôme obtenu dans l'année, justifie d'un contrat de travail en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération au moins égale à une fois et demie le montant de la rémunération minimale mensuelle ".

4. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, il ressort de l'ensemble des pièces du dossier, notamment des bulletins de salaire produits jusqu'en juin 2017 et du contrat de travail signé par l'intéressée, qu'à la date de l'arrêté préfectoral contesté, le salaire brut de Mme A...n'excédait pas une fois et demie le montant de la rémunération minimale mensuelle s'établissant en 2017 à 2 220,40 euros. Si la requérante soutient qu'elle bénéficie d'un treizième mois, cette allégation n'est pas démontrée par les bulletins de salaire versés au dossier. Les éléments produits pour attester du dépassement du seuil fixé à l'article R. 5221-21 du code du travail, constitués par le bulletin de salaire du mois de juillet 2017 et la lettre du 7 août 2017 portant recours hiérarchique de l'employeur de la requérante contre le refus d'autorisation de travail de la DIRECCTE, sont postérieurs à l'arrêté préfectoral contesté, et donc sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la situation de l'emploi ne lui était pas opposable.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...est entrée en France le 13 septembre 2009 à l'âge de 16 ans sous couvert d'un visa long séjour D " étudiant ". Elle a été prise en charge à son arrivée par deux familles françaises avec lesquelles elle a tissé de forts liens, comme le démontre l'attestation produite au dossier émanant de la mère d'une des deux familles. Son titre de séjour portant la mention " étudiant " a été renouvelé jusqu'au 30 novembre 2016, jusqu'à l'obtention en 2016 d'un master II Finance d'Entreprise et Contrôle de Gestion. Il ressort également des pièces du dossier, notamment des nombreuses attestations circonstanciées produites, qu'elle a tissé depuis son arrivée en France des liens personnels stables et intenses. Elle a entrepris de nombreux stages depuis 2014 ayant tous donné lieu à des appréciations élogieuses. Il ressort encore des pièces du dossier que son frère est étudiant en France et que son compagnon est un ressortissant français. Dans ces conditions, compte-tenu de la durée et des conditions de son séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. L'exécution du présent arrêt, qui annule la décision portant obligation de quitter le territoire français, implique un réexamen de la situation de MmeA.... Il résulte toutefois de l'instruction que cette dernière, qui s'est mariée postérieurement à l'arrêté préfectoral contesté avec un ressortissant français, a demandé au préfet des Alpes-Maritimes que lui soit délivré un titre de séjour en tant que conjoint de Français. Elle bénéficie à la date de l'arrêt d'un récépissé de demande de titre de séjour. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent par suite être rejetées.

Sur les frais d'instance :

9. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La décision du préfet des Alpes-Maritimes du 21 juillet 2017 portant obligation de quitter le territoire français est annulée.

Article 2 : Le jugement du 8 février 2018 du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : L'Etat (ministre de l'intérieur) versera une somme de 1 500 euros à Mme A...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2019, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique, le 4 février 2019.

2

N° 18MA01116


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA01116
Date de la décision : 04/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : DARMON DAVID-ANDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-02-04;18ma01116 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award