La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2019 | FRANCE | N°17MA01467

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 04 février 2019, 17MA01467


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Saint-André-de-Valborgne à leur verser la somme de 48 000 euros ainsi que la somme mensuelle de 500 euros à compter du 1er janvier 2015 à titre d'indemnité d'occupation de la parcelle cadastrée section AB n° 219 dont elles sont propriétaires indivises et d'annuler par voie d'exception la délibération du 17 février 2011 par laquelle le conseil municipal a décidé de mettre en oeuvre concernant cette par

celle une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique.

Par un j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Saint-André-de-Valborgne à leur verser la somme de 48 000 euros ainsi que la somme mensuelle de 500 euros à compter du 1er janvier 2015 à titre d'indemnité d'occupation de la parcelle cadastrée section AB n° 219 dont elles sont propriétaires indivises et d'annuler par voie d'exception la délibération du 17 février 2011 par laquelle le conseil municipal a décidé de mettre en oeuvre concernant cette parcelle une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique.

Par un jugement n° 1500191 du 7 février 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 avril 2017, MmesA..., représentées par Me Wormstall, demandent à la Cour :

1°) de leur accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 7 février 2017 du tribunal administratif de Nîmes ;

3°) de condamner la commune à leur verser la somme de 61 500 euros ainsi que les intérêts au taux légal à titre d'indemnité d'occupation du 1er janvier 2007 au 31 mars 2017 et une somme mensuelle de 500 euros à compter du 1er avril 2017 ainsi que les intérêts au taux légal ;

4°) d'annuler par la voie d'exception la délibération de la commune du 17 février 2011 ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-André-de-Valborgne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elles soutiennent que :

- il n'y a pas autorité de chose jugée, dès lors qu'il n'y a ni identité des demandes ni identité de parties ;

- la commune doit être condamnée à leur payer une somme mensuelle de 500 euros à compter du 1er janvier 2007 ;

- la délibération du 17 février 2011 doit être annulée par la voie de l'exception ;

- cette délibération est entachée d'un détournement de pouvoir et de procédure et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2017, la commune de Saint-André-de-Valborgne conclut au rejet de la requête et par la voie de l'appel incident, demande la réformation du jugement du 7 février 2017 en tant qu'il a rejeté la demande qu'elle a formulée en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et demande de mettre à la charge de Mmes A...la somme de 2 500 euros en application du même article.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente pour connaître de ce litige ;

- le jugement du tribunal de grande instance d'Alès est revêtu de l'autorité de la chose jugée ;

- les demandes de réparation en lien avec la voie de fait auraient dû être formulées devant le juge judiciaire en vertu du principe de l'unicité de l'instance ;

- l'exception d'illégalité soulevée n'est pas recevable dès lors qu'elle ne porte pas sur une décision antérieure ayant servi de fondement à l'acte critiqué ;

- la délibération est devenue définitive.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 11 août 2017, Mmes A...concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens, portent la somme demandée à titre d'indemnité d'occupation à 64 000 euros jusqu'au 31 août 2017, demandent que la commune soit condamnée à leur verser 500 euros par mois à compter du 1er août 2017 et ajoutent en outre que :

- le mémoire en défense est irrecevable, le maire n'ayant pas été autorisé par le conseil municipal à ester en justice ;

- il n'y a pas extinction du droit de propriété de sorte que le juge administratif est compétent pour connaitre du litige ;

- le juge judiciaire n'a pas été saisi d'une demande de réparation du préjudice matériel subi.

Mme C...A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2017.

Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à Mme B...A...par une décision du 19 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,

- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmesA..., propriétaires indivises de la parcelle cadastrée section AB n° 219 sur le territoire de la commune de Saint-André-de-Valborgne, relèvent appel du jugement du 7 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de cette commune à leur verser une indemnité au titre de l'occupation de la parcelle leur appartenant et à l'annulation, par la voie de l'exception, de la délibération du 17 février 2011 par laquelle le conseil municipal a décidé de mettre en oeuvre concernant cette parcelle une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique.

Sur les conclusions à fin d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".

3. Mme C...A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille du 19 juin 2017. Par une décision du même jour, le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à Mme B...A.... Par suite, les conclusions de Mmes A...tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire sont dépourvues d'objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur la recevabilité du mémoire en défense de la commune :

4. Lorsqu'une partie est une personne morale, il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. Tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...)16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...) ". Aux termes de l'article L. 2132-1 du même code : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune ". Enfin, aux termes de l'article L. 2132-2 : " Le maire, en vertu de la délibération du conseil municipal, représente la commune en justice ".

5. Le maire de Saint-André-de-Valborgne ne justifie pas avoir été régulièrement habilité pour produire devant la cour des observations au nom de la commune, aucune pièce en ce sens n'ayant été produite par la défense. Il y a donc lieu d'écarter des débats le mémoire en défense de la commune et de rejeter l'appel incident que cette collectivité a formé relativement à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que sa demande formulée sur le même fondement au titre de l'instance d'appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la délibération du 17 février 2011 :

6. Mmes A...ne sont pas recevables à invoquer l'illégalité de la délibération du 17 février 2011 par laquelle le conseil municipal a décidé de mettre en oeuvre une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique de la parcelle cadastrée section AB n° 219, dès lors qu'elles ne contestent aucune mesure qui aurait été prise pour son application.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 1351 du code civil : " L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ". Il résulte de l'instruction que le tribunal de grande instance d'Alès, saisi par les requérantes d'une demande tendant notamment à la condamnation de la commune de Saint-André-de-Valborgne à réparer les préjudices subis en lien avec la voie de fait qu'aurait commise cette collectivité en démolissant l'immeuble qui s'y trouvait et en y édifiant un garage, a condamné par jugement du 21 mars 2012 la commune à payer à Mmes A...la somme de 1 000 euros chacune en réparation de leur préjudice moral en raison de l'occupation sans titre de la parcelle dont elles sont propriétaires et a donné acte du désistement des requérantes de leur demande de réparation du préjudice de jouissance et matériel qu'elles prétendaient avoir subi. Mmes A...ont ensuite saisi le tribunal administratif de Nîmes d'une demande de réparation de leur préjudice matériel en lien avec l'occupation de leur terrain. A défaut d'identité d'objet, le tribunal administratif ne pouvait opposer à leur demande l'autorité de chose jugée par le tribunal de grande instance d'Alès.

8. En deuxième lieu, il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative. L'implantation, même sans titre, d'un ouvrage public sur le terrain d'une personne privée ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'administration.

9. Il résulte de l'instruction que la commune de Saint-André-de-Valborgne, après avoir fait démolir en 1998 l'immeuble bâti sur la parcelle appartenant à MmesA..., y a fait édifier un garage, portant ainsi atteinte au libre exercice du droit de propriété des requérantes, sans pour autant entraîner l'extinction de ce droit. Il n'y a donc pas voie de fait, mais emprise irrégulière.

10. En troisième et dernier lieu, le juge administratif est compétent pour statuer sur les conclusions de Mmes A...tendant à l'indemnisation des conséquences dommageables de cette occupation irrégulière. Mmes A...demandent la condamnation de la commune à leur verser une somme à titre d'indemnité d'occupation de la parcelle dont elles sont propriétaires. Il sera fait une juste appréciation du préjudice ainsi subi, en l'absence de précision notamment sur les caractéristiques de la parcelle en cause, dont il résulte seulement de l'instruction qu'elle est constructible, en en fixant la réparation à la somme de 12 000 euros pour la période allant du 1er janvier 2007 à la date de lecture du présent arrêt.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mmes A...sont seulement fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande de condamnation de la commune de Saint-André-de-Valborgne à réparer le préjudice matériel subi en lien avec l'occupation irrégulière de la parcelle leur appartenant.

Sur les intérêts :

12. Mmes A...ont droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 12 000 euros, leur étant allouée par le présent arrêt, à compter du 17 novembre 2014, date de réception par la commune de leur demande préalable d'indemnisation.

Sur les frais liés au litige :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Saint-André-de-Valborgne à payer à Mme B...A...la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et sous réserve que Me Wormstall, avocate de Mme C...A..., laquelle a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la commune le versement à Me Wormstall de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentées par MmesA....

Article 2 : La commune de Saint-André-de-Valborgne est condamnée à payer à Mmes A...la somme de 12 000 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 17 novembre 2014.

Article 3 : Le jugement du 7 février 2017 du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La commune de Saint-André-de-Valborgne versera à Mme B...A...la somme de 1 500 euros et à Me Wormstall la somme de 1 500 euros sous réserve que Me Wormstall renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., à Mme B...A..., à Me Wormstall et à la commune de Saint-André-de-Valborgne.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2019, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique, le 4 février 2019.

2

N° 17MA01467


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01467
Date de la décision : 04/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : WORMSTALL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-02-04;17ma01467 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award