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29/01/2019 | FRANCE | N°17MA01167

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 29 janvier 2019, 17MA01167


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2015 par lequel le maire de la commune de la Tour d'Aigues a refusé de lui délivrer un permis de construire, ainsi que la demande du 16 septembre 2014 de pièces manquantes pour l'instruction de son dossier de demande de permis de construire.

Par le jugement n° 1500742 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregist

rée le 20 mars 2017, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 21 mars 2017, MmeE..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2015 par lequel le maire de la commune de la Tour d'Aigues a refusé de lui délivrer un permis de construire, ainsi que la demande du 16 septembre 2014 de pièces manquantes pour l'instruction de son dossier de demande de permis de construire.

Par le jugement n° 1500742 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2017, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 21 mars 2017, MmeE..., représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 novembre 2016 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2015 du maire de la commune de la Tour d'Aigues ;

3°) d'enjoindre au maire de cette commune de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite ;

4°) de mettre à la charge de la commune de la Tour d'Aigues la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, qui sera versée à Me C...en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- elle abandonne ses conclusions tendant à l'annulation de la demande de pièces manquantes du 16 septembre 2014 ;

- la demande tardive de produire des pièces manquantes pour l'instruction de sa demande de permis de construire a fait naître un permis de construire tacite, que le refus exprès de permis de construire en litige a retiré sans respecter les formalités prévues par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- la construction projetée nécessaire à son exploitation agricole ne méconnaît pas l'article NC1 du règlement du plan d'occupation des sols ;

- son projet n'est pas contraire à la préservation et à la mise en valeur des terres agricoles ;

- le mode d'alimentation en eau potable du projet ne méconnaît ni l'article NC4 du règlement du plan d'occupation des sols, ni l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 9 avril 2017 et 3 octobre 2018, la commune de la Tour d'Aigues, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de ce que la violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, nouveau en appel et relevant d'une cause juridique distincte des moyens invoqués en première instance, est irrecevable et est, en tout état de cause, infondé ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 10 février 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carassic,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la commune de la Tour d'Aigues.

Considérant ce qui suit :

1. MmeE..., propriétaire d'un terrain situé au " Plan plus loin ", chemin des Huguenots sur le territoire de la commune de la Tour d'Aigues, a demandé au maire de cette commune un permis de construire pour les besoins de son exploitation agricole. Par arrêté en litige du 6 janvier 2015, le maire a refusé de lui délivrer ce permis de construire. Par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté la demande de Mme E...tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien fondé du jugement :

En ce qui concerne l'existence d'un permis de construire tacite :

2. L'article L. 424-2 du code de l'urbanisme prévoit que le permis de construire est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. L'article R. 423-19 du même code dispose que ce délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. Aux termes de l'article R. 423-22 de ce code : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ". L'article R. 423-23 dudit code dispose que : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / (...) b) Deux mois pour les demandes (...) de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ; / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire (...). ".

3. Mme D...a déposé, le 24 juillet 2014, une demande de permis de construire auprès du service instructeur de la commune de la tour d'Aigues. Par courrier du 14 août 2014, dont il est constant qu'il a été notifié dans le délai légal d'un mois, la commune lui a demandé de produire des pièces supplémentaires pour compléter son dossier. Estimant que le dossier était encore incomplet malgré la réception, le 5 septembre 2014, de certaines pièces trop imprécises, la commune a adressé à la pétitionnaire, le 16 septembre 2014, un rappel des pièces manquantes déjà demandées et requises par le code de l'urbanisme. Mme E...a déposé ces pièces le 13 octobre 2014. Ainsi, le dossier de demande de permis de construire doit être regardé comme complet, non pas à compter du 5 septembre 2014 comme le soutient la requérante, mais à compter du 13 octobre 2014, date à laquelle le délai de trois mois prévu par l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme a commencé à courir. Par suite, à la date de l'arrêté en litige du 6 janvier 2015, Mme E...n'était pas titulaire d'un permis de construire tacite. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le refus exprès de lui délivrer le permis de construire sollicité doit s'analyser comme le retrait de ce prétendu permis tacite.

En ce qui concerne la légalité du refus du permis de construire :

4. En premier lieu, dès lors que la décision en litige s'analyse comme un refus de permis de construire, le moyen tiré de ce que le prétendu retrait du permis tacite aurait dû être précédé de la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 alors en vigueur et désormais codifié dans le code des relations entre le public et l'administration, est sans incidence sur l'issue du litige et doit être écarté, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la commune à ce moyen de légalité externe.

5. En deuxième lieu, pour refuser le permis de construire en litige, le maire de la commune de la Tour d'Aigues s'est fondé sur trois motifs tirés de ce que le projet méconnaît l'article NC1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune, de ce qu'il favorise la consommation d'espace et le mitage de l'espace agricole contraire à la préservation et à la mise en valeur des terres agricoles et de ce qu'il méconnaît l'article NC4 du règlement de ce plan et l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

6. Le règlement du plan d'occupation des sols de la commune de la tour d'Aigues définit le caractère de la zone NC comme une "zone à vocation agricole où la qualité des sols a favorisé le développement d'une activité essentiellement tournée vers la viticulture. Seules peuvent y être admises les constructions directement liées et nécessaires à l'exploitation agricole " normalement constituée". L'article NC1 de ce règlement prévoit que "Sont autorisées dans la zone NC :1- les constructions liées et nécessaires à l'exploitation agricole ; - les constructions à usage d'habitation directement liées et nécessaires à l'activité agricole et dont la présence sur le lieu de l'exploitation est nécessaire pour des raisons de service ou de sécurité; - les autres constructions et installations liées et nécessaires à l'exploitation agricole sous réserve du respect de la législation sur les installations classées". Pour vérifier que la construction ou l'installation projetée est nécessaire à une exploitation agricole, l'autorité administrative compétente doit s'assurer au préalable, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la réalité de l'exploitation agricole, au sens de ces dispositions, laquelle est caractérisée par l'exercice effectif d'une activité agricole d'une consistance suffisante.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme D...élève, sur un ancien vignoble qu'elle a défriché, quelques poules et cultive des céréales sur plus de 5 hectares de terres. Il ressort de l'étude prévisionnelle économique réalisée auprès de l'association de développement de l'emploi agricole et rural de Vaucluse que la requérante entend développer, à titre principal, un élevage de 2 000 poulets fermiers et, à titre accessoire, d'ovins nourris par la culture fourragère prévue sur ses terres. Son projet, qui consiste en l'édification de quatre tunnels mobiles et bâchés type "serres agricoles" pour abriter des ovins et les volailles et pour stocker de la paille et du foin, d'un local pour protéger les semences pour les cultures fourragères, d'un abri pour le matériel agricole nécessaire et d'un bâtiment abritant cinq boxes pour les chevaux en pension, pour une surface de plancher créée de 347 m2, est cohérent avec l'activité projetée, excepté les boxes pour les chevaux. S'agissant d'une création d'une exploitation agricole, le maire ne pouvait pas, pour apprécier la consistance économique réelle du projet à venir en litige, se fonder uniquement sur la rentabilité passée de l'exploitation agricole de la requérante nécessairement limitée notamment en l'absence d'obtention d'un permis de construire. Par suite, la circonstance que l'attestation du 7 octobre 2014 de la Mutualité Sociale Agricole indique que la requérante n'est pas affiliée à cette mutuelle en tant que chef d'exploitation mais en qualité de cotisant solidaire en raison de l'insuffisance de l'activité déclarée et que la comptabilité afférente à son exploitation depuis 2015, première année d'exploitation, montre un compte de résultat négatif ne suffit par elle-même à établir une consistance insuffisante du projet. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la superficie de l'exploitation est faible par rapport à la surface minimale d'insertion fixée par le schéma directeur des structures agricoles du département de Vaucluse et l'étude prévisionnelle produite par la requérante n'atteste pas de la viabilité à terme de son projet eu égard notamment à la faiblesse des investissements et de la productivité attendue. D'ailleurs, la requérante envisage à titre accessoire une activité annexe, qui ne présente pas un caractère agricole, consistant en du gardiennage de chevaux et de la vente, sur place et sur les bords de route, des volailles et de raisins de table afin d'assurer une stabilité de ses revenus. Dans ces conditions, à défaut d'apporter les garanties d'une consistance économique suffisante de son activité agricole, il n'est pas établi que le projet serait lié et nécessaire à l'exploitation agricole de Mme D...au sens de l'article NC1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune. Dès lors, le maire n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le projet de Mme E...méconnaissait l'article NC1 de ce règlement et a pu légalement pour ce motif refuser de délivrer le permis de construire en litige.

8. Il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur la méconnaissance par le projet de l'article NC1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune. Par suite, il n'y a pas lieu pour la Cour de se prononcer sur la légalité des deux autres motifs fondant le refus en litige.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'enjoindre au maire de lui délivrer une attestation de permis de construire tacite doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de la commune de la Tour d'Aigues, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1 : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E..., à la commune de la Tour d'Aigues et à MeC....

Délibéré après l'audience du 15 janvier 2019, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente de chambre,

- Mme Simon, président-assesseur,

- Mme Carassic, première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 janvier 2019.

2

N° 17MA01167


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01167
Date de la décision : 29/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL ANDREANI-HUMBERT-COLLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-01-29;17ma01167 ?
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