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28/01/2019 | FRANCE | N°17MA03809

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2019, 17MA03809


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Marc Dalibard Société d'architecture a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 66 400 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts légaux à compter du 5 décembre 2014, correspondant au montant de la prime qui aurait dû lui être versée dans le cadre du concours de maîtrise d'oeuvre relatif au projet de restructuration et d'extension du collège Versailles à Marseille, et d'annuler la décision portant

refus d'attribution de cette prime.

Par un jugement n° 1501078 du 4 juillet 2017...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Marc Dalibard Société d'architecture a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 66 400 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts légaux à compter du 5 décembre 2014, correspondant au montant de la prime qui aurait dû lui être versée dans le cadre du concours de maîtrise d'oeuvre relatif au projet de restructuration et d'extension du collège Versailles à Marseille, et d'annuler la décision portant refus d'attribution de cette prime.

Par un jugement n° 1501078 du 4 juillet 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 septembre 2017, 22 octobre 2018 et 29 octobre 2018, la société Marc Dalibard Société d'architecture, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision du département des Bouches-du-Rhône lui refusant l'allocation de la prime due en application de l'article 5.3 du règlement du concours ;

3°) de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 66 400 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2014 ;

4°) d'ordonner la communication du courrier du 7 juillet 2014 ;

5°) de diligenter une enquête afin de vérifier la validité du procès-verbal du 12 juillet 2014 ;

6°) de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le procès-verbal du jury du concours est irrégulier en ce qu'il a été rédigé et signé postérieurement à la réunion du jury ; il est contredit par les attestations versées aux débats ;

- le président du jury ne pouvait prétendre avoir voix prépondérante lors du vote ;

- le pouvoir adjudicateur s'est fondé sur l'avis d'une commission technique non prévu par le règlement du concours en ce qui concerne l'analyse du respect du plan local d'urbanisme ;

- son projet était conforme au règlement du concours ;

- elle a droit au versement de la prime conformément à l'article 5.3 du règlement du concours.

Par un mémoire enregistré le 22 octobre 2018, le département des Bouches-du-Rhône, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Marc Dalibard au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le projet présenté par la société requérante n'était pas conforme au programme du règlement du concours ;

- le jury s'est régulièrement prononcé, et les nouvelles attestations produites contredisent les précédentes ;

- sa décision de supprimer la prime de concours est régulière et justifiée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... Steinmetz-Schies, président-assesseur ;

- les conclusions de M. B... Thiele, rapporteur public ;

- et les observations de Me C... représentant la société Marc Dalibard Société d'architecture, et celles de Me A..., représentant le département des Bouches-du-Rhône.

Le département des Bouches-du-Rhône a produit, le 15 janvier 2019, une note en délibéré.

La société Marc Dalibard Société d'architecture a produit, le 18 janvier 2019, une note en délibéré.

Considérant ce qui suit :

1. Le département des Bouches-du-Rhône, agissant par son mandataire, la société Terra Treize, a organisé un concours d'architecture et d'ingénierie sur esquisse en vue de l'attribution du marché de maîtrise d'oeuvre de la restructuration et de l'extension du collège Versailles à Marseille, le nombre de concurrents admis à participer étant fixé à cinq. Le 18 décembre 2003, le pouvoir adjudicateur a dressé la liste des cinq équipes de concepteurs admises à concourir, parmi lesquelles un groupement ayant pour mandataire la société Marc Dalibard Société d'architecture, qui a donc produit une offre. Le jury du concours, réuni le 2 juillet 2014, a décidé de ne pas retenir cette offre et proposé de ne pas verser au groupement la prime de concours. Le 24 novembre 2014, le maître de l'ouvrage décidait de classer sans suite la procédure, pour motif d'intérêt général. Par un courrier du 5 décembre 2014, la société Marc Dalibard Société d'architecture a réclamé le paiement de la prime de concours. Par un courrier du 12 décembre 2014, la société Terra Treize lui a indiqué que le jury avait estimé que sa prestation ne répondait pas au programme et que le département avait entériné cette position.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 74 du code des marchés publics applicable au litige : " I. - Les marchés de maîtrise d'oeuvre ont pour objet, en vue de la réalisation d'un ouvrage ou d'un projet urbain ou paysager, l'exécution d'un ou plusieurs éléments de mission définis par l'article 7 de la loi du 12 juillet 1985 susmentionnée et par le décret du 29 novembre 1993 susmentionné. / II. - Les marchés de maîtrise d'oeuvre d'un montant égal ou supérieur aux seuils de procédure formalisée définis à l'article 26 sont passés selon la procédure du concours dans les conditions précisées ci-après. Ils peuvent toutefois être passés selon la procédure adaptée lorsque leur montant est inférieur à ces mêmes seuils. Dans le cas de marchés de maîtrise d'oeuvre passés en procédure adaptée, toute remise de prestations donne lieu au versement d'une prime dans les conditions précisées au deuxième alinéa du III. / III. - Le concours mentionné ci-dessus est un concours restreint organisé dans les conditions définies à l'article 70. / Les candidats ayant remis des prestations conformes au règlement du concours bénéficient d'une prime. L'avis d'appel public à la concurrence indique le montant de cette prime. Le montant de la prime attribuée à chaque candidat est égal au prix estimé des études à effectuer par les candidats telles que définies dans l'avis d'appel public à la concurrence et précisées dans le règlement du concours, affecté d'un abattement au plus égal à 20 %. ". Aux termes de l'article 5 du règlement du concours : " 5.1. Composition du jury de concours : Le jury, arrêté par le maître d'ouvrage dans le respect des dispositions de l'article 24 du code des marchés publics, est composé des membres suivants : a) Membres avec voix délibératives : - le président du jury / - les cinq membres de la commission d'appel d'offres ou leurs suppléants /- les personnes désignées par le président du jury conformément à l'article 24.I du code des marchés publics. / b) Membres avec voix consultatives : - le payeur départemental, comptable public, ou son représentant / - le représentant du service en charge de la concurrence / - les agents du pouvoir adjudicateur compétents dans la matière qui fait l'objet de la consultation ; (...) 5.3. Suite à donner à la consultation : Le jury, après examen des prestations, formule un avis motivé et dresse un procès-verbal : le procès-verbal indiquera notamment : l'organisation et le déroulement du jury, les noms des concurrents exclus du jugement du concours et les motifs d'exclusion, l'avis motivé du jury, la proposition finale de classement des projets par ordre décroissant et de versement des indemnités. L'anonymat sera levé une fois que le procès verbal sera signé par tous les membres du jury à voix délibérative (...). Le lauréat de concours ainsi que chaque concurrent non retenu ayant remis des prestations répondant au programme, recevra une prime d'un montant de 66 400 euros TTC. L'indemnité de concours est décomposée de la façon suivante : - maquette : 6 400 euros TTC / - esquisse : 60 000 euros TTC. / Dans le cas où une offre serait incomplète ou ne répondrait pas au programme, une réduction ou la suppression de la prime pourra être effectuée par le maître de l'ouvrage sur proposition du jury ".

3. En premier lieu, le procès-verbal du jury réuni le 2 juillet 2014 a été signé, sur une feuille intitulée " signature du PV par les membres du jury du 2 juillet 2014 ", par l'ensemble des membres présents, tant à voix délibérative que consultative. Par suite, le moyen tiré de ce que les membres du jury n'auraient signé qu'une simple feuille de présence manque en fait et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, si la société requérante soutient que l'intégralité des débats n'a pas été retranscrite dans le procès-verbal de la réunion du jury et que celui-ci n'a pas été communiqué aux membres du jury, il ressort de ce document, qui n'a pas à rendre compte de l'intégralité des arguments échangés à cette occasion, que les membres du jury ont débattu des projets présentés au programme de l'opération, se sont prononcés nominativement sur la conformité ou non-conformité des projets au programme du concours. En vertu des dispositions citées au point 2, qui subordonnent le paiement de la prime de concours à cette exigence de conformité, ce vote, acquis par six voix contre deux, induisait par lui-même la suppression de cette prime aux candidats dont les esquisses étaient ainsi regardées comme ne répondant pas au programme. Dès lors, le fait qu'un vote a été ensuite surabondamment organisé sur ce point et la circonstance, à la supposer établie, qu'il n'ait en réalité pas abouti au résultat indiqué par le procès-verbal est sans incidence sur la régularité de ce dernier et de la procédure litigieuse.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 70-IV et V du code des marchés publics alors applicable : " (...) IV. Avant leur communication au jury, les enveloppes relatives aux prestations sont ouvertes. Les prestations demandées sont enregistrées. (...). Elles peuvent faire l'objet d'une analyse préalable destinée à préparer le travail du jury. V. Les prestations des candidats sont ensuite transmises au jury qui les évalue, en vérifie la conformité au règlement du concours et en propose le classement fondé sur les critères indiqués dans l'avis d'appel public à concurrence (...) ".

6. Le procès-verbal du jury du 2 juillet 2014 indique que " (...) pour le projet D : le candidat ne respecte pas le programme en proposant un projet basé sur la déconstruction/reconstruction totale du collège et ne répond pas à l'une des exigences importantes du programme qui consiste justement à une déconstruction partielle avec maintien des bâtiments à rénover. Le projet est donc non conforme au programme du maître d'ouvrage ", et se réfère à l'analyse antérieurement effectuée par une " commission technique ". Si l'existence et le rôle de celle-ci n'étaient mentionnés ni dans le règlement du concours ni dans aucune des pièces du dossier de la consultation, il ressort des dispositions précitées que les prestations en cause pouvaient légalement faire l'objet d'une analyse préalable destinée à préparer le travail du jury. Par ailleurs, le procès-verbal mentionne que le jury a débattu de la qualité des prestations proposées avant de se prononcer sur les projets déposés et, notamment, d'écarter l'offre de la société requérante comme non conforme au programme du concours puis de prendre position quant à l'octroi de la prime litigieuse. Dans ces conditions, le jury ne s'est pas estimé lié par l'avis de la commission technique et le moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur aurait estimé non conforme au règlement l'offre présentée par la requérante et refusé en conséquence de lui verser la prime demandée en se fondant sur le seul avis de la commission technique et non sur les propositions du jury doit être écarté.

7. En quatrième lieu, il résulte des dispositions précitées du code des marchés publics que les candidats admis à participer à un concours d'architecture et d'ingénierie organisé pour l'attribution d'un marché de maîtrise d'oeuvre, sont en droit de bénéficier de la prime qu'elles prévoient à la condition que les études remises soient conformes au règlement du concours. Pour apprécier le bien-fondé de la décision portant suppression de cette prime, il appartient au juge du contrat, juge de plein contentieux, de se prononcer au vu de l'ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre partie.

8. Aux termes de l'article 7 du règlement de consultation des candidatures : " Déroulement du concours. (...). / 7.2 2ème phase - sélection du lauréat : Un dossier de consultation des concepteurs sera remis aux équipes admises à concourir. Ce dossier précisera les prestations devant être remises, sachant que l'anonymat s'imposera. / Les critères d'analyse seront : - l'insertion dans le site / - le respect du programme fonctionnel technique et environnemental / - le respect des coûts. / Le ou les lauréats sera/seront désigné(s) par le pouvoir adjudicateur après avis motivé et classement des projets par le jury. / Le marché sera attribué après négociation par le représentant légal de la collectivité ". L'article 1er du règlement du concours disposait : " Le maître d'oeuvre aura pour objectif d'optimiser les locaux et fonctions afin de tendre vers une conformité au programme de référence. Ce programme consiste en la restructuration et l'extension du collège pour une capacité de 600 élèves dont 200 rationnaires. ". Le programme prévoyait la déconstruction d'une partie du collège et indiquait que " l'extension du collège nécessite la déconstruction des bâtiments administration, loge, préfabriqués et le parking extérieur. Les bâtiments à démolir sont fondés superficiellement. On pourrait envisager de démolir le CDI et la restauration situés en RDC du bâtiment d'enseignement conservé. (...) / La déconstruction sélective des ouvrages dans une logique de " chantier vert " privilégiant une valorisation optimale s'avère économiquement pertinente et sans incidence significative sur les délais ". Il en résulte que les offres pouvaient prévoir la démolition d'une partie des bâtiments de l'établissement à restructurer, mais non leur démolition totale.

9. Or, il résulte de l'instruction que le projet D, présenté par le groupement conduit par la société Marc Dalibard Société d'architecture, prévoyait la destruction de tous les bâtiments du collège, en méconnaissance du programme et du règlement du concours, ainsi que l'a relevé à juste titre le jury. La circonstance que certains membres du jury aient considéré ce projet comme " intelligent " est sans incidence sur le constat de cette non-conformité au programme. Par suite, le département des Bouches-du-Rhône a pu valablement estimer, suivant en cela le jury, que le projet présenté par la société requérante ne répondait pas, pour ce motif, aux conditions essentielles du règlement et du programme, et lui refuser pour cette raison le bénéfice de la prime prévue par l'article 74 du code des marchés publics et l'article 5.3 du règlement du concours.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de prescrire une enquête ni d'exiger la production de pièces complémentaires, que la société Marc Dalibard Société d'architecture n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département des Bouches-du-Rhône, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société Marc Dalibard Société d'architecture au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par le département des Bouches-du-Rhône.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Marc Dalibard Société d'architecture est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département des Bouches-du-Rhône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Marc Dalibard Société d'architecture et au département des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2018, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme F... Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2019.

N° 17MA03809 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03809
Date de la décision : 28/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-02-06 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Mode de passation des contrats. Marchés d'études.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : GRZELCZYK

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-01-28;17ma03809 ?
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