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28/01/2019 | FRANCE | N°17MA03525

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2019, 17MA03525


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération Salon-Etang de Berre-Durance dite " Agglopole Provence ", aux droits de laquelle est venue la métropole Aix-Marseille-Provence, a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de prononcer la rescision de la convention transactionnelle conclue avec la société Somedis le 14 décembre 2016, par laquelle elle s'est engagée à verser à cette société la somme de 14 839 000 euros et, à titre subsidiaire, de condamner la société Somedis, sur le fondement de

la responsabilité quasi-délictuelle, à lui verser la même somme, augmentée des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération Salon-Etang de Berre-Durance dite " Agglopole Provence ", aux droits de laquelle est venue la métropole Aix-Marseille-Provence, a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de prononcer la rescision de la convention transactionnelle conclue avec la société Somedis le 14 décembre 2016, par laquelle elle s'est engagée à verser à cette société la somme de 14 839 000 euros et, à titre subsidiaire, de condamner la société Somedis, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, à lui verser la même somme, augmentée des intérêts au taux légal, ainsi qu'une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice résultant de la nullité de l'article 2 du protocole.

Par un jugement n° 1402364 du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 août 2017, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) de surseoir à statuer dans l'attente de la décision pénale à intervenir ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

3°) de prononcer la rescision pour dol de la convention transactionnelle en date du 14 décembre 2006.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur de droit dès lors que le recours n'avait pas pour objet d'obtenir la déclaration d'inexistence de la délibération du 12 décembre 2006 approuvant les termes de la transaction du 14 décembre 2006 ;

- l'objet de sa demande est de faire reconnaître par le Tribunal l'intervention de tiers, de démontrer l'implication d'organes ou de représentants de la société Somedis dans ces manoeuvres et d'obtenir la rescision de la transaction contestée ;

- le conseil de l'agglopole l'a abusée en engageant cet établissement public de coopération intercommunale dans la voie d'une transaction.

Par un mémoire enregistré le 14 février 2018, la société Somedis, représentée par le cabinet d'avocats Frêche et associés, conclut :

1°) à ce que la Cour sursoie à statuer dans l'attente de la décision à intervenir du tribunal correctionnel de Marseille dans le cadre de l'instance n° 509/0008 ;

2°) au rejet de la requête ;

3°) à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le juge peut surseoir à statuer dans le cadre d'une bonne administration de la justice dès lors que l'argumentation de la métropole Aix-Marseille-Provence repose sur l'instruction pénale en cours ;

- la requérante ne rapporte pas la preuve de manoeuvres dolosives qui lui seraient imputables ;

- l'unique moyen invoqué, tiré du dol, est irrecevable et inopérant ;

- elle n'a pas participé aux soi-disant manoeuvres prêtées à l'avocat de l'agglopole ;

- elle s'est bornée, en toute transparence, à conclure la transaction en cause ;

- l'exception de nullité de la clause de la convention par laquelle la société s'est engagée à lui verser la somme de 14 839 000 euros doit être écartée ;

- les conclusions fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle doivent être rejetées dès lors qu'elles soulèvent un litige distinct de l'action en rescision initialement formée, n'ont pas été reprises en appel, sont prescrites et mal fondées ;

- la requête d'appel n'est pas suffisamment motivée ;

- la demande de rescision de la transaction est prescrite et est mal fondée ;

- elle n'a commis aucune faute, et aucun lien de causalité avec un préjudice subi par la requérante n'est établi.

Par une ordonnance du 30 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... Steinmetz-Schies, président-assesseur ;

- les conclusions de M. C... Thiele, rapporteur public ;

- et les observations de Me A... B...représentant la société Somedis et de Me E...pour la société Somedis.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères de la Basse Vallée de l'Arc a, par convention du 9 février 1999, confié pour une durée de dix-huit ans l'exploitation du service public d'enfouissement et de stockage des ordures ménagères sur le site de la Vautubière à la société Somedis, devenue une filiale de la société Véolia. La communauté d'agglomération Salon-Etang de Berre-Durance dite Agglopole Provence a, lors de sa création en 2002, repris les compétences du syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères de la Basse Vallée de l'Arc et décidé, pour assurer le traitement et le stockage des déchets ménagers collectés sur le territoire communautaire, de conclure une nouvelle convention et de mettre ainsi un terme au contrat de délégation de service public conclu le 9 février 1999. Par une délibération du 25 mai 2004, le conseil communautaire a ainsi approuvé la résiliation de ce contrat pour motif d'intérêt général. Pour mettre un terme au contentieux introduit par la société Somedis aux fins d'obtenir l'annulation de cette délibération, l'Agglopole Provence a passé avec elle, le 14 décembre 2006, une transaction stipulant, en son article 2, le paiement d'une somme globale de 14 839 000 euros au titre du remboursement conventionnel des investissements non amortis, à hauteur de 5 839 000 euros, et de la réparation du préjudice résultant de la résiliation, à hauteur de 9 000 000 euros. La communauté d'agglomération Agglopole Provence, aux droits de laquelle vient désormais la métropole Aix-Marseille-Provence, relève appel du jugement, en date du 6 juin 2017, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant, à titre principal, au constat de la nullité et à la rescision de cet accord transactionnel ou, à titre subsidiaire, à la condamnation de la société Somedis à lui verser, sur le fondement quasi-délictuel, une somme de 14 839 000 euros assortie des intérêts au taux légal, ainsi qu'une indemnité de 10 000 euros en réparation des préjudices résultant de la nullité de l'article 2 du protocole.

2. Aux termes de l'article 2044 du code civil dans sa rédaction applicable au litige : " La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit ". Aux termes de l'article 2052 du même code : " Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion. ". Selon l'article 2053, alors en vigueur, du même code : " Néanmoins, une transaction peut être rescindée, lorsqu'il y a erreur dans la personne ou sur l'objet de la contestation. Elle peut l'être dans tous les cas où il y a dol ou violence. ". Aux termes de l'article 1116 du code civil : " Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé ".

3. L'article 2 de la transaction en litige, conclue au visa de l'article 2044 du code civil, est ainsi libellé : " Conformément aux principes dégagés par la jurisprudence administrative, l'indemnité de résiliation pour motif d'intérêt général tient compte des investissements et dépenses effectivement réalisés et non amortis pour l'exécution du contrat et de la perte du bénéfice que le cocontractant de l'administration pouvait raisonnablement escompter réaliser jusqu'au terme du contrat. / Compte tenu de leur volonté de rechercher un accord global, les parties sont convenues ainsi de procéder chacune à des concessions réciproques significatives dans la mesure où : - d'une part, la société renonce à l'indemnisation d'une part très importante de la perte du bénéfice escompté jusqu'à l'achèvement du contrat ; / - d'autre part, l'Agglopole obtient à la suite de contestations qu'elle a émises une diminution très substantielle de l'indemnité due à la société et l'abandon de la contestation par la société de la procédure d'attribution du nouveau contrat ; / De ce fait, les parties ont décidé de mettre fin aux litiges et de fixer à la somme de 15 000 000 euros HT ramenée à la somme de 14 839 000 euros HT le montant global et forfaitaire de l'indemnité due par l'Agglopole à la société dont la décomposition est la suivante : - la somme de 5 839 000 euros HT au titre du remboursement conventionnel des investissements non amortis / - la somme de 9 161 000 euros HT ramenée à la somme de 9 000 000 euros HT en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du contrat du 9 février 1999 conformément aux principes dégagés par la jurisprudence administrative. / En outre, la société Somedis agissant au nom et pour le compte de GRS Valtech, filiale également du groupe Véolia propreté, cède à l'Agglopole à titre gratuit les matériels de production immobilisés sur le site et ainsi identifiés " unité STA BG 700 + compresseur d'air - BGVAP 4 000 T-AN ". Aux termes de l'article 7 de la convention en cause : " Compte tenu des frais engagés par l'Agglopole dans le cadre des litiges relatifs aux conditions de résiliation du contrat et à la conclusion du présent protocole, y compris les frais d'expertise, l'Agglopole demande à la société Somedis qu'elle accepte la prise en charge directe desdits frais dans un plafond maximum de 65 000 euros sur justificatifs dûment établis. ".

4. Si la métropole Aix-Marseille-Provence entend invoquer la nullité de la transaction précitée, la société Somedis oppose à cette prétention l'exception de prescription en se fondant sur le premier alinéa de l'article 1304 du code civil, selon lequel " dans tous les cas où cette action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps, cette action dure cinq ans ", et en faisant valoir que la métropole n'est désormais plus en mesure d'invoquer le dol ou la lésion dont la conclusion de cet accord serait entachée.

5. Il résulte de l'examen de ladite transaction, conclue le 14 décembre 2006, qu'elle ne comporte aucune disposition relative à un délai d'action en nullité autre que celui prévu par l'article précité du code civil. Par suite, l'action en nullité en litige était prescrite en principe à compter du 15 décembre 2011. La métropole, il est vrai, invoque pour sa part le deuxième alinéa du même article 1304 du code civil, en vertu duquel le délai de prescription court seulement " dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts ", et fait valoir qu'elle n'a eu connaissance des manoeuvres dolosives de la société Somedis qu'à la lecture du journal La Provence du 21 février 2014 et d'un arrêt de la chambre d'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 3 mars 2014 faisant état de divers trafics d'influence, ces seuls éléments ne permettant pas d'établir l'existence du dol allégué ni moins encore, en tout état de cause, que l'administration contractante n'aurait pu en avoir connaissance que dans le courant de l'année 2014. Dès lors, le délai de prescription de l'action en nullité était expiré lorsque, le 28 mars 2014, la communauté d'agglomération Salon-Etang de Berre-Durance a saisi le tribunal administratif de Marseille en vue de faire constater la nullité de la transaction du 14 décembre 2006.

6. La métropole Aix-Marseille-Provence n'a pas repris en cause d'appel ses conclusions subsidiaires fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle, et doit ainsi être considérée comme les ayant abandonnées.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer en l'attente d'une décision du juge pénal, que la métropole Aix-Marseille-Provence n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence la somme demandée par la société Somedis au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la métropole Aix-Marseille-Provence est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Somedis tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole Aix-Marseille-Provence et à la société Somedis.

Copie en sera adressée au procureur de la république près le tribunal de grande instance de Marseille.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2019, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme F... Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2019.

N° 17MA03525 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03525
Date de la décision : 28/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-01 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Nullité.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : FRECHE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-01-28;17ma03525 ?
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