Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Les Ecuries de la Bouquetière a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011 à hauteur de 91 170 euros, la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 à hauteur de 41 119 euros, et la décharge de l'amende prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts qui lui a été infligée au titre des années 2010 et 2011.
Par un jugement n° 1501251 du 2 octobre 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2017, la SARL Les Ecuries de la Bouquetière, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 2 octobre 2017 ;
2°) de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011 pour un montant de 91 170 euros ;
3°) de prononcer la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 pour un montant de 41 119 euros ;
4°) de prononcer la décharge de l'amende prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts qui lui a été infligée au titre des années 2010 et 2011 ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme qui sera déterminée à l'issue de l'instruction au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le nombre de bêtes abattues et vendues à l'occasion des fêtes de l'Aïd s'élève à 600 en 2010 et 589 en 2011, pour un prix de vente unitaire de 220 euros ;
- les fers des chevaux qu'elle possède et qu'elle accueille en pension sont changés neuf fois par an, et non trois fois par an comme l'a retenu l'administration ;
- elle n'a pas été suffisamment informée des conséquences financières de son absence de réponse à la demande de désignation des bénéficiaires des revenus distribués.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Les Ecuries de la Bouquetière ne sont pas fondés.
La présidente de la Cour a désigné M. Barthez, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Antonetti, président de la 4ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, non chiffrées, sont irrecevables.
Par un mémoire, enregistré le 7 janvier 2019, la SARL Les Ecuries de la Bouquetière, représentée par Me A..., en réponse à cette lettre d'information, demande à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 6 378 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Maury,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Les Ecuries de la Bouquetière, qui exerce une activité de centre équestre et de vente d'animaux, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2010 et 2011. L'administration, après avoir écarté la comptabilité de la société comme dépourvue de valeur probante, a procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires et, à l'issue des opérations de contrôle, la société a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assorties de majorations, ainsi qu'à l'amende prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts. Elle a saisi le tribunal administratif de Toulon d'une demande de décharge partielle des cotisations supplémentaires, des rappels et de l'amende précités. Elle fait appel du jugement du 2 octobre 2017 qui a rejeté sa demande.
Sur la charge de la preuve :
2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que les impositions litigieuses ont été mises à la charge de la SARL Les Ecuries de la Bouquetière après que sa comptabilité a été écartée comme non sincère et probante. Les impositions ont été mises en recouvrement conformément à l'avis émis le 22 mai 2014 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Ainsi, en application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, il appartient à la SARL Les Ecuries de la Bouquetière d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions qu'elle conteste.
Sur la reconstitution du chiffre d'affaires :
4. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 17 mai 2013, que la comptabilité de la société a été écartée en raison de son caractère insincère et non probant. L'administration a procédé à la reconstitution des recettes des activités de vente de volailles et d'ovins, de ventes de boissons, de sandwichs et de repas, de vente et pose de fers et de cours d'équitation. S'agissant de l'activité de vente d'ovins, le service a mis en oeuvre le droit de communication auprès des fournisseurs de la requérante pour déterminer le nombre d'ovins vendus, réparti entre les ventes pendant les fêtes de l'Aïd et le reste de l'année. Le service a retenu un volume d'agnelage de 400 bêtes par année, se référant aux observations du gérant du 5 mars 2013. S'agissant de l'activité de vente et pose de fers, le service a déterminé les ventes de fers à partir du droit de communication exercé auprès des fournisseurs et du dépouillement des factures comptabilisées par la société et, indiquant se référer également aux déclarations du gérant, a estimé que les chevaux appartenant à la société et pris en pension étaient ferrés en moyenne trois fois par an et une décote correspondant aux fers utilisés par les chevaux de la société a été appliquée pour déterminer le chiffre d'affaires correspondant à cette activité.
5. La SARL Les Ecuries de la Bouquetière soutient, en premier lieu, que le nombre d'ovins vendus pendant les fêtes de l'Aïd était de 600 en 2010 et 589 en 2011 et elle produit une attestation de la direction départementale de la protection des populations du 7 novembre 2013 selon laquelle ses services ont contrôlé 601 carcasses d'ovins issues de l'élevage de la société qui ont été abattus les 15 et 16 octobre 2013. Elle produit également une réponse de la direction départementale de la protection des populations " mission alimentation et restauration " du 10 octobre 2013 à un courrier du 13 septembre 2013 que lui a adressé la direction de contrôle fiscal sud-est selon laquelle, durant les célébrations de l'Aïd, le récapitulatif des carcasses contrôlées par ses services pour les années 2010, 2011 et 2012 s'établissent respectivement à 589, 584 et 560 carcasses d'agneaux. Par suite, la société doit être regardée comme apportant la preuve dont elle a la charge que le nombre d'ovins abattus pendant les fêtes de l'Aïd s'élève à 600 en 2010 et à 589 en 2011.
6. S'agissant du prix de vente unitaire des ovins pendant les fêtes de l'Aïd, l'administration a retenu un prix de vente unitaire de 240 euros, qui selon elle correspond aux informations données par le gérant lors des opérations de contrôle. La société requérante soutient qu'il s'élèverait à 220 euros et se réfère à la proposition de rectification qui mentionne en page 14 ce prix, qui est repris dans un document annexé à la proposition de rectification établi contradictoirement avec le gérant le 11 avril 2013. Dans ces conditions, alors que l'administration revendique avoir retenu le prix conformément aux indications données par le gérant lors des opérations de contrôle, la SARL Les Ecuries de la Bouquetière doit être regardée comme apportant la preuve du caractère exagéré du chiffre d'affaires provenant de la vente d'ovins en tant qu'elle a justifié du prix de 220 euros par ovin au lieu de celui de 240 euros retenu par l'administration.
7. La SARL Les Ecuries de la Bouquetière fait valoir, en second lieu, que les fers des chevaux qu'elle héberge sont changés en moyenne neuf fois par an. Elle produit une attestation du 21 mai 2014 d'un enseignant en maréchalerie qui indique qu'en ce qui concerne les chevaux de club, les ferrages s'effectuent tous les quarante jours ce qui correspond à neuf ferrages par an. Le document joint en annexe à la proposition de rectification sur les conditions d'exploitation indique en page 1 que les fers sont changés tous les quarante jours en moyenne. Ainsi, c'est à tort que l'administration indique en défense que les chiffres retenus par le service vérificateur reposent sur les indications du gérant. Par suite, la société requérante établit, ainsi qu'elle en a la charge, le caractère exagéré des rehaussements qui lui ont été notifiés s'agissant du chiffre d'affaires " vente et pose de fers ".
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Les Ecuries de la Bouquetière est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande en tant qu'elle a refusé de prendre en compte, d'une part, un nombre d'ovins vendus pendant les fêtes de l'Aïd égal à 600 en 2010 et à 589 en 2011 au prix unitaire de 220 euros et, d'autre part, neuf ferrages par an pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'activité " vente et pose de fers ".
Sur l'amende prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts :
9. Aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) ".
10. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la proposition de rectification du 17 mai 2013, l'administration a invité la SARL Les Ecuries de la Bouquetière à désigner le ou les bénéficiaires des revenus distribués et plus précisément leur identité, l'adresse exacte, la date et les modalités de versement des revenus distribués dans un délai de trente jours, et l'a informée qu'une absence de réponse donnerait lieu à une pénalité égale à 100 % de leur montant. Dans sa réponse du 1er juillet 2013, la société requérante a contesté la proposition de rectification mais n'a pas désigné la personne bénéficiaire des revenus distribués. L'administration a relevé, dans sa réponse aux observations du contribuable du 25 juillet 2013, l'absence de désignation de la personne bénéficiaire et a porté à la connaissance de la requérante les montants mis à sa charge. Ainsi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été insuffisamment informée des conséquences financières de son absence de désignation du bénéficiaire des revenus distribués. Toutefois, les amendes doivent être réduites en conséquence des décharges prononcées conformément à ce qui est indiqué aux points 5 à 7 du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder la somme que la requérante demande à ce titre, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité.
D É C I D E :
Article 1er : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les pénalités correspondantes au titre des exercices clos en 2010 et 2011 et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités correspondantes au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 réclamés à la SARL Les Ecuries de la Bouquetière sont réduits à hauteur de la prise en compte du nombre d'ovins vendus pendant les fêtes de l'Aïd égal à 600 en 2010 et à 589 en 2011 au prix unitaire de 220 euros, et de la prise en compte de neuf ferrages par an s'agissant du chiffre d'affaires de l'activité " vente et pose de fers ".
Article 2 : L'amende de l'article 1759 du code général des impôts sera réduite à hauteur de la décharge prononcée à l'article 1er en ce qui concerne le montant des revenus distribués.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon sera réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Les Ecuries de la Bouquetière et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, où siégeaient :
- M. Barthez, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Maury, premier conseiller,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.
2
N° 17MA04646
nc