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21/01/2019 | FRANCE | N°16MA02846

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 21 janvier 2019, 16MA02846


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 6 juin 2014 par lequel le préfet de la Haute-Corse a approuvé la carte communale d'Avapessa.

Par un jugement n° 1400680 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2016, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 12 mai 20

16 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 juin 2014 du préfet de la Haute-Corse ;

3°) de mettre à la char...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 6 juin 2014 par lequel le préfet de la Haute-Corse a approuvé la carte communale d'Avapessa.

Par un jugement n° 1400680 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2016, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 12 mai 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 juin 2014 du préfet de la Haute-Corse ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il abandonne en appel les moyens de légalité externe qu'il avait soulevés en première instance ;

- la zone ZCa englobe des parcelles vierges qui n'ont pas à y être incluses, comme les parcelles 532 et 533, et exclut à tort la parcelle 245 ;

- la zone ZC ne présente aucune continuité avec le village existant ;

- un tel zonage porte atteinte aux espaces et activités agricoles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2016, la commune d'Avapessa, représentée par Me A... de la SELARL Soler-Couteaux / Llorens, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. B... la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête ne critique pas le jugement attaqué ;

- M. B... ne justifie pas de son intérêt pour agir ;

- la zone ZCa comporte un nombre et une densité significatifs de constructions qui en font un village et elle pouvait valablement englober dans cette zone des parcelles non encore urbanisées ;

- la parcelle 246 a été exclue de cette zone car elle a fait l'objet d'une déclaration de surface au titre de l'agriculture ;

- la zone ZC se développe en continuité avec le vieux village ;

- la carte communale respecte le principe de gestion économe des espaces naturels.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2018, le ministre de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la zone ZCa se situe en continuité avec le village existant ;

- la parcelle 245, vierge de toute construction, n'avait pas à figurer dans la zone ZCa ;

- la zone ZC s'inscrit en continuité du vieux village ;

- l'extension de l'urbanisation est mesurée.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 17 septembre 2018, M. B..., représenté par Me D..., conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et ajoute en outre que :

- il justifie d'un intérêt à agir en sa qualité de propriétaire foncier sur la commune ;

- sa requête d'appel est motivée ;

- le vieux village ne se confond pas avec la zone ZCa ;

- aucune dérogation au principe d'urbanisation en continuité n'a été mise en oeuvre par la commune.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duran-Gottschalk,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 26 décembre 2001, le conseil municipal d'Avapessa a décidé d'élaborer une carte communale. Par arrêté du 22 octobre 2013, le maire a prescrit une enquête publique, qui s'est déroulée du 12 novembre au 12 décembre 2013. Par une délibération du 17 février 2014, le conseil municipal a décidé d'approuver la carte communale avec quelques modifications mineures. Par arrêté du 6 juin 2014, le préfet de la Haute-Corse a approuvé la carte communale d'Avapessa. M. B... relève appel du jugement du 12 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du 6 juin 2014.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. En sa qualité de propriétaire d'une parcelle laissée inconstructible par la carte communale, M. B... a, contrairement à ce que soutient la commune d'Avapessa, intérêt à demander l'annulation totale de ce document.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

3. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

4. La requête d'appel de M. B... ne se borne pas à reproduire purement et simplement la demande présentée devant le tribunal administratif mais comporte une critique du jugement de première instance et expose à nouveau les faits, les conclusions et les moyens présentés à l'appui de sa demande. La fin de non-recevoir opposée par la commune d'Avapessa doit, par suite, être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 111-1-1 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " I. - Les schémas de cohérence territoriale et les schémas de secteur sont compatibles, s'il y a lieu, avec : 1° Les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral prévues aux articles L. 145-1 à L. 146-9 (...). IV. - Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale et les schémas de secteur (...). En l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales doivent être compatibles, s'il y a lieu, avec les documents et objectifs mentionnés au I du présent article et prendre en compte les documents mentionnés au II du présent article ". Aux termes de l'article L. 121-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d'assurer, dans le respect des objectifs du développement durable : 1° L'équilibre entre : a) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ; b) L'utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ". Enfin, aux termes de l'article L. 145-3 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " II. - Les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard. III. - Sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants. Lorsque la commune est dotée d'un plan local d'urbanisme ou d'une carte communale, ce document peut délimiter les hameaux et groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants en continuité desquels il prévoit une extension de l'urbanisation, en prenant en compte les caractéristiques traditionnelles de l'habitat, les constructions implantées et l'existence de voies et réseaux Lorsque la commune n'est pas dotée d'un plan local d'urbanisme ou d'une carte communale, les notions de hameaux et de groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants doivent être interprétées en prenant en compte les critères mentionnés à l'alinéa précédent. Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas dans les cas suivants : a) Lorsque le schéma de cohérence territoriale ou le plan local d'urbanisme comporte une étude justifiant, en fonction des spécificités locales, qu'une urbanisation qui n'est pas située en continuité de l'urbanisation existante est compatible avec le respect des objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel prévus aux I et II ainsi qu'avec la protection contre les risques naturels ; l'étude est soumise, avant l'arrêt du projet de schéma ou de plan, à la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites dont l'avis est joint au dossier de l'enquête publique ; le plan local d'urbanisme ou la carte communale délimite alors les zones à urbaniser dans le respect des conclusions de cette étude ; b) En l'absence d'une telle étude, le plan local d'urbanisme ou la carte communale peut délimiter des hameaux et des groupes d'habitations nouveaux intégrés à l'environnement ou, à titre exceptionnel et après accord de la chambre d'agriculture et de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites, des zones d'urbanisation future de taille et de capacité d'accueil limitées, si le respect des dispositions prévues aux I et II ou la protection contre les risques naturels imposent une urbanisation qui n'est pas située en continuité de l'urbanisation existante (...). La capacité d'accueil des espaces destinés à l'urbanisation doit être compatible avec la préservation des espaces naturels et agricoles mentionnés aux I et II du présent article ".

6. En premier lieu, le vieux village d'Avapessa, compte tenu du nombre et de la densité des constructions existantes, doit être considéré comme un village au sens des dispositions de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme. Il était loisible aux auteurs de la carte communale d'inclure dans le secteur ZCa nouvellement créé dit du vieux village des terrains vierges de toute construction, tels que les parcelles n° 532 et n° 533, dès lors que les parcelles en cause sont en continuité avec l'urbanisation existante, et quand bien même la superficie du secteur créé serait presque double à celle des terrains qui en son sein sont effectivement bâtis. Si M. B... soutient également que la parcelle n° 245 a été exclue à tort de la zone ZCa, il ressort des pièces du dossier que la présence d'une oliveraie confère à cette parcelle un caractère naturel, justifiant qu'elle ne soit pas incluse dans cette zone. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'incompatibilité de ce zonage avec les dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme doit, dès lors, être écarté.

7. En deuxième lieu, la carte communale a défini un secteur ZC dit de " Mucchiete ", de 2,6 ha, situé dans le prolongement ouest et sud-ouest du village, couvrant une vingtaine de parcelles, la plupart de ces parcelles n'étant pas bâties. L'allégation du requérant selon laquelle l'ensemble du zonage du secteur ZC méconnaîtrait le principe d'urbanisation en continuité est dépourvue de précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. En revanche, ainsi que le soutient le requérant, la parcelle n° 211, classée dans cette zone, demeure très éloignée de la partie bâtie et proche du village et est, en outre, séparée du reste du secteur par l'embranchement de deux chemins communaux. Il en est de même de la parcelle n° 212 située au sud de celle-ci et de la partie de la parcelle n° 215 classée en zone ZC, située à l'est de la parcelle n ° 211. Il s'ensuit que le classement de ces parcelles ne peut être regardé comme respectant le principe d'urbanisation en continuité de l'existant, la commune ne justifiant pas avoir eu recours aux procédures prévues aux a) et b) du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme qui permettent de déroger au principe posé au 1er alinéa du même article.

8. En troisième et dernier lieu, si M. B... soutient que la carte communale en litige méconnait les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme et porte atteinte aux espaces naturels et aux activités agricoles, cette méconnaissance ne saurait résulter du seul avis défavorable rendu par la commission départementale de la consommation des espaces agricoles du 7 octobre 2013, alors qu'il ressort des pièces du dossier que les nouvelles zones ouvertes à l'urbanisation conduisent à augmenter la surface constructible de la commune d'Avapessa de 1,2 % à 1,9 % seulement du territoire communal, tandis que 98 % de ce territoire demeure classé en espaces naturels et agricoles préservés. Dans ces conditions, l'arrêté du préfet n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 6 juin 2014 en tant qu'il classe les parcelles n° 211, n° 212 et une partie de la parcelle n° 215 dans le secteur ZC dit de " Mucchiete ".

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à la commune d'Avapessa, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune d'Avapessa la somme demandée par M. B... sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : L'arrêté du préfet de la Haute-Corse du 6 juin 2014 approuvant la carte communale d'Avapessa est annulé en tant qu'il classe en zone " ZC " les parcelles n° 211, n° 212 et une partie de la parcelle n° 215.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia n° 1400680 du 12 mai 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus de la requête de M. B... et les conclusions de la commune d'Avapessa formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à la commune d'Avapessa et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2019, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique, le 21 janvier 2019.

2

N° 16MA02846


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02846
Date de la décision : 21/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme - Régime issu de la loi du 9 janvier 1985 sur la montagne.

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : CABINET MUSCATELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-01-21;16ma02846 ?
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