Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G...F..., Mme J...F..., Mme A...D...L..., M. I...D...et M. E...D..., agissant en leur qualité d'ayants droit de l'indivision successorale Pierre D... - Anne-Marie D...épouseF..., ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite du maire de la commune de Verreries-de-Moussans de ne pas procéder au raccordement du hameau du Lina au réseau d'eau potable et de condamner cette commune à effectuer les travaux nécessaires pour permettre une alimentation correcte de ce hameau dans un délai laissé à l'appréciation du tribunal.
Par un jugement n° 1400668 du 9 février 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 avril et le 27 octobre 2016, le 11 octobre 2017, régularisé le 12 janvier 2018, et le 21 novembre 2018, M. G...F...et autres, représenté par MeB..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 février 2016 ;
2°) de condamner la commune de Verreries-de-Moussans à effectuer les travaux nécessaires pour permettre une alimentation correcte du hameau du Lina dans un délai laissé à l'appréciation de la Cour ;
3°) de dire et juger que les requérants acceptent la proposition de raccordement d'eau faite par la commune de Verreries-de-Moussans ;
4°) de dire et juger qu'il sera procédé à ce raccordement dans les six mois de l'arrêt à intervenir ;
5°) de dire et juger que les requérants feront leurs affaires personnelles de la potabilité de l'eau du forage et de laisser au bénéfice de la commune l'eau dont l'indivision n'aura pas l'usage ;
6°) de mettre à la charge de la commune de Verreries-de-Moussans le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
S'agissant de l'irrégularité du jugement :
- les derniers conclusions de première instance ainsi que les pièces jointes dont un devis de travaux de la commune de Verreries-de-Moussans ne lui ont pas été communiqués alors même que le tribunal s'est fondé sur ce devis ;
- les conclusions du rapporteur public ne lui ont pas été communiquées avant l'audience ;
S'agissant de l'illégalité de la décision implicite de rejet :
- en vertu des dispositions de l'article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales, les communes doivent fournir de l'eau aux habitants qui en font la demande ;
- le refus de branchement, qui n'est pas justifié, porte atteinte à leurs conditions de vie, garanties par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'absence d'un règlement de service de distribution d'eau potable, qui est légalement obligatoire, ne saurait avoir pour conséquence de priver une partie des habitants de la commune de l'accès à l'eau ;
- le branchement des parcelles bâties à usage d'habitation reste une obligation pour les communes ;
- un réseau d'accès à l'eau potable comprend le réseau proprement dit mais aussi les sources et forages ;
- le branchement est réalisable, d'un point de vue technique, l'indivision a notamment contribué par des cessions à la commune pour la réalisation du réseau et de l'accès aux captages et financier que le conseil départemental a mis en place le financement nécessaire ;
- les travaux de forage ont été réalisés par la commune et le conseil départemental de l'Hérault puis laissés en l'état en 2015 sans aucune explication ;
- le prix de raccordement serait de 15 000 euros et non de 160 000 euros ;
- elle ne connaît d'ailleurs pas le détail du devis, dès lors qu'il ne leur a pas été communiqué ;
- la commune a gaspillé 300 000 euros pour la création d'une maison des associations dans un village de 93 habitants ;
- la commune s'est engagée à réaliser le raccordement au forage ;
- ils acceptent la proposition de la commune qui s'oblige à raccorder au forage le branchement de la maison d'habitation ;
- la requête ne comporte pas de conclusions nouvelles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2018, la commune de Verreries-de-Moussans, représentée par Me H...de la SCP Vinsonneau-Palies Noy Gauer et associés, conclut au rejet de la requête de l'indivision F...et à ce qu'il soit mis à sa charge la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande des requérants est irrecevable, dès lors que la décision administrative implicite attaquée n'existe pas, le courrier ne comportant pas de demande de branchement au réseau ;
- les conclusions nouvelles en appel sont irrecevables ;
- le jugement n'est pas entaché d'irrégularité ;
- les moyens soulevés par l'indivision F...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pecchioli,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- les observations de M.F..., et celles de Me C...substituant MeH..., représentant la commune de Verreries-de-Moussans.
Considérant ce qui suit :
1. Par jugement du 9 février 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de l'indivision F...tendant à l'annulation de la décision implicite du maire de la commune de Verreries-de-Moussans de ne pas procéder au raccordement du hameau du Lina au réseau d'eau potable et à la condamnation de cette commune à effectuer les travaux nécessaires pour permettre une alimentation correcte de ce hameau. L'indivision F...relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si les dispositions de l'alinéa 2 de l'article R. 611-1 du code de justice administrative prescrivent que " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) ", l'alinéa 3 de ce même article dispose en revanche que " Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer tout mémoire contenant des éléments nouveaux, est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il en va toutefois autrement dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le mémoire complémentaire du 18 janvier 2016 et les pièces jointes contenaient des éléments susceptibles d'influer sur l'issue du litige et sur lesquels le tribunal administratif s'est d'ailleurs fondé, en dépit d'une erreur matérielle sur le chiffrage du prix des travaux de raccordement, pour refuser de faire droit aux conclusions de l'indivisionF.... Ainsi, le tribunal administratif a méconnu le principe de la contradiction. Par suite le jugement attaqué doit, pour ce motif et sans qu'il besoin de se prononcer sur l'autre moyen d'irrégularité, être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de l'indivisionF....
Sur les conclusions nouvelles en appel :
4. Si les appelants demandent à la Cour de dire et juger qu'ils acceptent la proposition de raccordement d'eau faite par la commune de Verreries-de-Moussans, il n'appartient pas à la juridiction administrative d'accueillir des conclusions en déclaration de droits, d'autant plus qu'aucune proposition de cette nature ne ressort des pièces du dossier. Ces conclusions sont donc irrecevables. Par suite les conclusions subséquentes visant à dire et juger, d'une part, qu'il sera procédé à ce raccordement dans les six mois de l'arrêt à intervenir et, d'autre part, qu'ils feront leurs affaires personnelles de la potabilité de l'eau du forage et de laisser au bénéfice de la commune l'eau dont l'indivision n'aura pas l'usage sont également irrecevables.
Sur la légalité de la décision implicite de refus :
5. En premier lieu, l'article L. 210-1 du code de l'environnement indique que " L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. / Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. / Les coûts liés à l'utilisation de l'eau, y compris les coûts pour l'environnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques ainsi que des conditions géographiques et climatiques ". L'article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales dispose : " Les communes sont compétentes en matière de distribution d'eau potable. Dans ce cadre, elles arrêtent un schéma de distribution d'eau potable déterminant les zones desservies par le réseau de distribution ... ".
6. Les dispositions précitées, ayant pour objet de délimiter les zones qui seront desservies par le réseau public, font seulement obligation aux communes de se doter d'un schéma de distribution d'eau potable pour lesquelles seules s'applique une obligation de raccordement. En revanche, ni ces dispositions, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire, ni même aucune stipulation, notamment celle invoquée de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, ou règle d'origine jurisprudentielle d'ailleurs, n'imposent, contrairement à ce que soutiennent les requérants, d'obligation générale de raccordement au réseau public de distribution d'eau potable, notamment pour les immeuble bâtis à usage d'habitation et ce même en l'absence d'un tel schéma. Par ailleurs, la circonstance que la commune n'aurait pas respecté un délai raisonnable d'élaboration dudit schéma est sans incidence sur la légalité du refus contesté tout comme l'absence de règlement de service de distribution d'eau potable, qui est également sans incidence sur la légalité de la décision en litige.
7. En deuxième lieu, s'il est constant que la solution du branchement au réseau, depuis le réservoir du Bardou, est réalisable d'un point de vue technique, la commune, qui compte quatre-vingt treize habitants, se prévaut à juste titre de l'effort financier trop important que ces travaux nécessitent, de l'ordre de 168 000 euros, ainsi que cela ressort des pièces produites aux débats d'appel, notamment du compte rendu de la réunion du 13 juin 2014 élaboré par le département de l'Hérault et non véritablement contesté par les appelants. Quant à la solution d'exploitation du forage du hameau du Lina, des difficultés techniques ont montré, outre une turbidité importante de l'eau chargée en argile, une qualité et une quantité d'eau insuffisantes pour assurer la pérennité de l'alimentation en eau potable. Les derniers essais réalisés en 2016 débouchèrent sur le même constat. La production, par l'indivisionF..., d'un devis relatif à des investigations et des essais sur ce forage existant, pour un montant de 18 600 euros TTC ne permet pas de remettre en cause ce constat.
8. En troisième lieu, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prescrit que " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Eu égard à ce qu'il a été dit au point 7, notamment au prix du raccordement, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision en litige méconnaîtrait les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En quatrième lieu, si les appelants soutiennent qu'ils acceptent la proposition de la commune de Verreries-de-Moussans, contenue dans son mémoire en réplique, laquelle s'obligerait à raccorder au forage le branchement de la maison d'habitation, d'une part, aucun mémoire en réplique n'a été déposé et enregistré en appel avant celui du 31 octobre 2018, lequel ne contient aucune proposition en ce sens et, d'autre part, les écritures, dont vous justifient les requérants en ce sens, ne sont pas signées, ni même présentées par un avocat.
11. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que la commune de Verreries-de-Moussans a dépensé la somme de 300 000 euros pour la création d'une maison des associations, sans rapport avec le présent litige relatif au raccordement au réseau d'eau potable, ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision implicite refusant le raccordement à l'eau.
12. Si, en sixième et dernier lieu, il est regrettable que la commune ne mène pas à son terme une procédure qu'elle avait initiée, en obtenant notamment de l'indivision la cession de parties de parcelles pour réaliser le raccordement, ces seules considérations ne suffisent pas rendre le refus illégal.
13. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que les appelants ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision implicite du maire de la commune de Verreries-de-Moussans de ne pas procéder au raccordement du hameau du Lina au réseau d'eau potable et par suite la condamnation de la commune de Verreries-de-Moussans à effectuer les travaux nécessaires pour permettre une alimentation correcte du hameau.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par les appelants ne peuvent être accueillies.
Sur les frais de l'instance :
15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter l'ensemble des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1400668, rendu par le tribunal administratif de Montpellier le 9 février 2016, est annulé.
Article 2 : La demande de l'indivision F...est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Verreries-de-Moussans présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...F..., Mme J...F..., Mme A...D...L..., M. I...D...et M. E...D...et à la commune de Verreries-de-Moussans.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président de chambre,
- M. Pecchioli, premier conseiller,
- MmeK..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 7 janvier 2019.
2
N° 16MA01345