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28/12/2018 | FRANCE | N°16MA03352-16MA03355

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 28 décembre 2018, 16MA03352-16MA03355


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département de la Haute-Corse a demandé au tribunal administratif de Bastia à titre principal, à ce que les honoraires et frais d'expertise, fixés à 52 263,77 euros et mis à sa charge par l'ordonnance n° 1300169-1 du président du tribunal administratif de Bastia en date du 23 juillet 2014, soient intégralement mis à la charge de M. F... A..., à titre subsidiaire, à ce que lesdits honoraires et frais d'expertise soient répartis au moins également entre lui-même et M. A... et que leur montant soit

réduit globalement des deux tiers, soit fixé à la somme de 17 412,26 euros.

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département de la Haute-Corse a demandé au tribunal administratif de Bastia à titre principal, à ce que les honoraires et frais d'expertise, fixés à 52 263,77 euros et mis à sa charge par l'ordonnance n° 1300169-1 du président du tribunal administratif de Bastia en date du 23 juillet 2014, soient intégralement mis à la charge de M. F... A..., à titre subsidiaire, à ce que lesdits honoraires et frais d'expertise soient répartis au moins également entre lui-même et M. A... et que leur montant soit réduit globalement des deux tiers, soit fixé à la somme de 17 412,26 euros.

Par un jugement n° 1406521 du 4 juillet 2016, le tribunal administratif de Marseille, auquel la requête a été transmise le 3 septembre 2014, a ramené la somme à laquelle ont été liquidés et taxés les frais et honoraires de l'expertise confiée à M. E... à 23 521,04 euros toutes taxes comprises et réparti cette somme à charge égale du département de la Haute-Corse et de M. F... A....

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 12 août 2016 et le 11 août 2017, sous le n° 16MA03352, M. A... représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) à titre principal, de constater le défaut d'objet de la requête compte tenu de l'intervention du jugement du tribunal administratif de Bastia du 8 juin 2017 ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement du 4 juillet 2016 du tribunal administratif de Marseille ;

3°) de rejeter la demande du département de la Haute-Corse en tant qu'elle porte sur la mise à la charge de M. A... des honoraires et frais d'expertise ;

4°) de mettre à la charge du département de la Haute-Corse la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en l'absence de ministère d'avocat, la demande présentée par le département de la Haute-Corse devant le tribunal administratif est irrecevable ;

- c'est à bon escient que le président du tribunal administratif de Bastia a mis les frais et honoraires à la charge exclusive du département de la Haute-Corse ;

- par jugement du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Bastia a définitivement mis les frais et honoraires d'expertise à la charge du département de la Haute-Corse de sorte que le litige en tant qu'il porte sur la mise à la charge des frais et honoraires d'expertise est à présent dépourvu d'objet ;

- s'agissant de la détermination du montant des frais et honoraires de l'expert, il s'en remet à la sagesse de la Cour.

La requête a été communiquée au département de la Haute-Corse qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II. Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 5 septembre 2016 et le 8 août 2017, sous le n° 16MA03555, M. B... E...représenté par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 juillet 2016 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de rejeter la demande du département de la Haute-Corse ;

3°) de mettre à la charge du département de la Haute-Corse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande présentée par le département de la Haute-Corse devant le tribunal administratif est irrecevable à défaut d'avoir été déposée dans les délais impartis et d'avoir été présentée par un avocat ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant des montants retenus au titre des honoraires d'expertise ;

- en retenant à la fois que le rapport d'expertise répond de façon précise et argumentée aux différents chefs de missions fixés par le juge et que le montant des honoraires doit être regardé comme excessif, les premiers juges ont entaché leur jugement d'une contradiction de motifs ;

- en se limitant à faire valoir que le montant réclamé au titre des frais et honoraires d'expertise est excessif et disproportionné par rapport à d'autres expertises de même nature, le département de la Haute-Corse n'établit pas que ces frais sont exagérés ;

- la complexité et l'importance du travail accompli justifient la rémunération sollicitée par l'expert ;

- le concours des sapiteurs ne s'est pas réalisé à titre personnel ;

- les circonstances particulières du litige justifient la mise à la charge du département de l'intégralité des frais d'expertise.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 août 2017, M. A... représenté par Me C..., conclut :

1°) à titre principal, au non-lieu à statuer ;

2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 4 juillet 2016 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a mis à la charge de M. A... la moitié du montant des frais et honoraires d'expertise, soit la somme de 11 760,52 euros ;

3°) au rejet de la demande du département de la Haute-Corse présentée devant le tribunal administratif de Bastia ;

4°) à ce que soit mis à la charge du département de la Haute-Corse la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- par jugement du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Bastia a définitivement mis les frais et honoraires d'expertise à la charge du département de la Haute-Corse ;

- dès lors que l'expertise a permis d'identifier la responsabilité du département de la Haute-Corse en sa qualité maître d'ouvrage des travaux réalisés, l'intégralité des frais et honoraires d'expertise doivent être mis à la charge exclusse de cette collectivité ;

- il s'en remet à la sagesse de la Cour s'agissant du montant des frais et honoraires d'expertise.

La requête a été communiquée au département de la Haute-Corse qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Les parties ont été informées en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par M. A... après l'expiration du délai d'appel, qui ne peut avoir d'autre qualité dans l'instance que celle d'observateur.

Les parties ont été informées en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du 4 juillet 2016 du tribunal administratif de Marseille, dès lors que par jugement n° 1501035 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Bastia a définitivement mis les frais et honoraires d'expertise à la charge du département de la Haute-Corse.

Par un mémoire, enregistré le 15 novembre 2018, M. E... a présenté des observations en réponse aux moyens d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une ordonnance du 27 mai 2013, enregistrée sous le n° n° 1300169, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a ordonné, à la demande de M. A..., une expertise ayant notamment pour objet de déterminer si les travaux d'aménagement de la route départementale n° 81 réalisés par le département de la Haute-Corse sur le territoire de la commune de Bastia, au droit de la propriété de M. A..., présentaient, de par leur configuration et la création d'un talus surplombant la voie, un risque pour la propriété de l'intéressé, comme pour celle des usagers de la route, de nature à justifier, le cas échéant, l'exécution de travaux conservatoires d'urgence. Au terme de l'expertise ainsi diligentée, le président du tribunal administratif de Bastia a, par une ordonnance du 23 juillet 2014, taxé et liquidé à la somme de 52 263,77 euros le montant des frais et honoraires dus à M. E..., expert, et mis ces frais et honoraires à la charge du département de la Haute-Corse. Sur recours du département de la Haute-Corse, par jugement du 4 juillet 2016, le tribunal administratif de Marseille a réformé ladite ordonnance du président du tribunal administratif de Bastia en ramenant la somme à laquelle ont été liquidés et taxés les frais et honoraires de l'expertise confiée à M. E... de 52 263,77 euros à 23 521,04 euros toutes taxes comprises et en répartissant cette somme à la charge égale du département de la Haute-Corse et de M. F... A.... Par les deux requêtes susvisées, M. A... et M. E... relèvent appel de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées M. A... et M. E... tendent à l'annulation du même jugement. Elles ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur l'étendue du litige :

3. Aux termes de l'article R. 621-13 du code de justice administrative : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal ou de la cour, après consultation, le cas échéant, du magistrat délégué, ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. Elle est exécutoire dès son prononcé, et peut être recouvrée contre les personnes privées ou publiques par les voies de droit commun. Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5. Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que par requête au fond, présentée le 9 novembre 2015, M. A... a saisi le tribunal administratif de Bastia de conclusions tendant d'une part, à ce qu'il soit enjoint au département de la Haute-Corse de réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire dans son rapport d'expertise, d'autre part, à titre principal, à ce que cette collectivité soit condamnée à lui verser la somme de 260 000 euros par an à compter de l'année 2011 jusqu'à la réalisation définitive et conforme des travaux préconisés par l'expert judiciaire et, à titre subsidiaire, de la condamner, suite à l'immobilisation de son projet de lotissement, à lui payer une somme de 500 000 euros à titre provisionnel. Par jugement du 8 juin 2017, ledit tribunal a condamné le département de la Haute-Corse à verser à M. A... une somme de 10 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence liés à la réalisation défectueuse des talus, ainsi qu'une somme de 1 925,96 euros correspondant aux frais d'établissement des procès-verbaux d'huissier et, a également mis à la charge définitive du département de la Haute-Corse, les honoraires et frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 52 263,77 euros toutes taxes comprises.

5. Compte tenu de ce qui précède, les conclusions de M. A... et de M. E... tendant à ce que soit annulé le jugement du tribunal administratif de Bastia du 8 juin 2017 en tant qu'il met les honoraires et frais d'expertise à la charge de M. A... sont devenues sans objet, de sorte qu'il n'y a plus lieu d'y statuer. En revanche, il y a lieu de statuer sur les requêtes en tant qu'elles portent sur le montant des frais et honoraires de l'expert.

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

7. Les premiers juges ont motivé de manière détaillée, au point 7 de leur décision, la détermination du montant retenu au titre des honoraires d'expertise. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué sur ce point doit être écarté.

8. Si M. E... soutient que le jugement attaqué est entaché de contradiction de motifs, ce moyen porte sur le bien-fondé du jugement et non pas sur sa régularité.

9. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur la recevabilité de la demande du département de la Haute-Corse présentée devant le tribunal administratif de Bastia :

10. Aux termes de l'article R. 761-5 du code de justice administrative, le recours dirigé contre une ordonnance de taxation : " est exercé dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance sans attendre l'intervention de la décision par laquelle la charge des frais est attribuée. ".

11. Il résulte de l'instruction et notamment du courrier du 11 août 2014 du Président du conseil général de la Haute-Corse adressé au Président du tribunal administratif de Bastia que la notification de l'ordonnance de taxation du 23 juillet 2014 du président du tribunal administratif de Bastia a été reçue par les services du département le 28 juillet 2014. La requête du département de la Haute-Corse a été enregistrée le 28 août 2014, soit dans le délai d'un mois fixé par les dispositions précitées de l'article R. 761-5 du code de justice administrative. Par suite, en l'absence d'avis de réception établissant de façon certaine la date de la notification de l'ordonnance de taxation par le tribunal administratif de Bastia au département de la Haute-Corse, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance ne peut qu'être écartée.

12. Aux termes de l'article R. 431-2 du code de justice administrative : " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, (...) lorsque les conclusions de la demande tendent au paiement d'une somme d'argent, à la décharge ou à la réduction de sommes dont le paiement est réclamé au requérant ou à la solution d'un litige né d'un contrat. La signature des requêtes et mémoires par l'un de ces mandataires vaut constitution et élection de domicile chez lui " et aux termes de l'article R. 431-3 du même code : " Toutefois, les dispositions du 1er alinéa de l'article R. 431-2 ne sont pas applicables : / 1° Aux litiges en matière de travaux publics... ; / (...) 5° Aux litiges dans lesquels le défendeur est une collectivité territoriale ou un établissement public en relevant ".

13. La contestation des frais d'expertise en litige se rattache au contentieux principal relatif à la réalisation de travaux publics contre lesquels M. A... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Bastia sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative. En outre, ce litige met en cause le département de la Haute-Corse en sa qualité de collectivité territoriale maître d'ouvrage des travaux publics en cause. Il suit de là, que le département de la Haute-Corse n'était pas tenu, en application des dispositions précitées de l'article R. 431-2 du code de justice administrative, de présenter, sous peine d'irrecevabilité, sa demande aux premiers juges par ministère d'avocat. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette demande était irrecevable au regard de l'article R. 431-2 de ce code doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il ramène la somme à laquelle ont été liquidés et taxés les frais et honoraires de l'expertise confiée à M. E... à 23 521,04 euros toutes taxes comprises :

14. D'une part, aux termes de l'article R. 621-11 du code de justice administrative : " Les experts et sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-2 ont droit à des honoraires, sans préjudice du remboursement des frais et débours. Ils joignent à leur rapport un état de leurs vacations, frais et débours. Dans les honoraires sont comprises toutes sommes allouées pour étude du dossier, frais de mise au net du rapport, dépôt du rapport et, d'une manière générale, tout travail personnellement fourni par l'expert ou le sapiteur et toute démarche faite par lui en vue de l'accomplissement de sa mission. Le président de la juridiction, après consultation du président de la formation de jugement, (...) fixe par ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R. 761-4, les honoraires en tenant compte des difficultés des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni par l'expert ou le sapiteur. Il arrête sur justificatifs le montant des frais et débours qui seront remboursés à l'expert ". Aux termes de l'article R. 621-13 du même code : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal ou de la cour, après consultation, le cas échéant, du magistrat délégué, (...) en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5. Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance. Dans les cas mentionnés au premier alinéa, il peut être fait application des dispositions de l'article R. 621-12 ".

15. D'autre part, aux termes de l'article R. 621-2 du code de justice administrative : " Il n'est commis qu'un seul expert à moins que la juridiction n'estime nécessaire d'en désigner plusieurs. Le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel, selon le cas, (...) choisit les experts parmi les personnes figurant sur l'un des tableaux établis en application de l'article R. 221-9. (...) / Lorsqu'il apparaît à un expert qu'il est nécessaire de faire appel au concours d'un ou plusieurs sapiteurs pour l'éclairer sur un point particulier, il doit préalablement solliciter l'autorisation du président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel (...). La décision est insusceptible de recours ".

16. Il résulte des dispositions précitées que lorsqu'il apparaît à un expert qu'il est nécessaire de faire appel au concours d'un ou plusieurs sapiteurs pour l'éclairer sur un point particulier, il doit préalablement solliciter l'autorisation du président du tribunal administratif. La désignation d'un sapiteur est décidée à l'initiative de l'expert sur autorisation du président ayant procédé à la désignation de l'expert et avant achèvement des opérations d'expertise.

17. Il résulte de l'examen du rapport de l'expert que ce dernier a intégralement rempli la mission complexe qui lui avait été confiée. Si en première instance, M. E... s'est borné à indiquer qu'il avait globalement consacré 198 heures à sa mission, sans produire aucun élément venant justifier le temps effectivement passé à chacune des activités menées, en appel, il justifie de façon détaillée les opérations d'expertise réalisées, en présentant le décompte des heures passées pour chacune des tâches accomplies représentant un total de 196,4 heures. Il s'ensuit que le nombre d'heures de travail ainsi justifié par l'expert ne peut être regardé comme disproportionné à l'ampleur des opérations nécessitées par l'expertise en cause. Toutefois, la facture d'honoraires établie par M. E... le 8 juillet 2014 sur la base de laquelle le tribunal a liquidé et taxé les honoraires d'expertise, indique un taux horaire fixé à 130 euros HT, conformément, au demeurant, à celui habituellement pratiqué par les experts ingénieurs du bâtiment, de sorte qu'il ne peut être tenu compte de la valorisation de ce taux porté en appel à 136 euros par M. E.... Par ailleurs, si M. E... soutient avoir adressé au président du tribunal administratif de Bastia un courrier en date du 7 juillet 2013 demandant la nomination de trois sapiteurs dont il a sollicité le concours, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que la juridiction aurait pris une décision désignant des sapiteurs conformément aux dispositions précitées de l'article R 621-2 du code de justice administrative. A cet égard, l'absence de réponse du tribunal à cette demande de désignation, pas plus que la réception du pré-rapport déposé le 15 janvier 2014 ou l'ordonnance de taxation du 23 juillet 2014 prenant en compte au titre des " autres frais " les " honoraires sapiteurs ", ne peuvent être regardés comme une désignation tacite des sapiteurs. Il suit de là que les heures de travail consacrées par M. E... à la recherche d'un géomètre, d'un géologue et d'un consultant (2 heures), aux réunions (5 heures), aux échanges téléphoniques et aux courriers échangés avec eux (8 heures), doivent être décomptées des sommes facturées. De la même façon, les honoraires correspondants aux prestations réalisées par ces professionnels pour un total de 18 546,72 euros ne peuvent être retenus. En revanche, en l'absence de contestation sur ce point et compte tenu des justificatifs fournis, il y a lieu de retenir les frais divers exposés par M. E... (transport, déplacement, reprographie, annexes papier et informatique, dactylographie, affranchissements et location de salle de réunion), pour un montant global de 2 357,54 euros hors taxes.

18. Il résulte de ce qui précède que les frais et honoraires de l'expertise confiée à M. E... sont portés à la somme de 2 357,54 euros hors taxes s'agissant des frais et 23 582 euros hors taxes s'agissant des honoraires (correspondant à 181,4 heures de travail au tarif horaire de 130 euros), représentant un total de 25 939,54 euros hors taxes, soit 31 127,45 euros toutes taxes comprises.

19. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a ramené le montant des frais et honoraires de l'expertise confiée à M. E... à 23 521,04 euros toutes taxes comprises. Il y a lieu pour la Cour de réformer le jugement attaqué en ce sens.

Sur les frais liés au litige :

20. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Haute-Corse une somme de 1 000 euros à verser à M. A... d'une part et à M. E... d'autre part, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du 4 juillet 2016 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il met les honoraires et frais d'expertise à la charge du département de la Haute-Corse.

Article 2 : Les frais et honoraires d'expertise de M. E..., fixés à la somme de 23 521,04 euros par le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 4 juillet 2016, sont portés à la somme de 31 127,45 euros toutes taxes comprises.

Article 3 : Le jugement du 4 juillet 2016 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le département de la Haute-Corse versera à M. A... et à M. E... une somme de 1 000 euros chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., à M. B... E...et au département de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2018, où siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme D..., première conseillère,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 décembre 2018.

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N° 16MA03352, 16MA03555

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03352-16MA03355
Date de la décision : 28/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-06-05-10 Procédure. Jugements. Frais et dépens. Frais d'expertise.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : PIERREPINTAT AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-28;16ma03352.16ma03355 ?
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