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21/12/2018 | FRANCE | N°17MA01843

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 21 décembre 2018, 17MA01843


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 18 novembre 2014 par laquelle la société Orange a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de son arrêt de travail du 8 septembre 2014 au 16 janvier 2015, ensemble la décision du 28 septembre 2015.

Par un jugement n° 1500099 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mai 2017, et un mémoire, enregistré

le 20 octobre 2017, M.E..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 18 novembre 2014 par laquelle la société Orange a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de son arrêt de travail du 8 septembre 2014 au 16 janvier 2015, ensemble la décision du 28 septembre 2015.

Par un jugement n° 1500099 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mai 2017, et un mémoire, enregistré le 20 octobre 2017, M.E..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 mars 2017 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'enjoindre à la société Orange, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de reconnaitre son arrêt de travail du 8 septembre 2014 au 16 janvier 2016 imputable au service et, en conséquence, de le rétablir dans ses droits ;

3°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en considérant que la décision du 18 novembre 2014 attaquée ne faisait pas grief et qu'aucun lien de causalité n'était établi entre l'accident survenu le 4 septembre 2014 et ses arrêts de travail ;

- l'accident dont il a été victime s'est produit sur son lieu de travail, pendant les heures de travail et lors d'une activité en lien avec l'exercice de ses fonctions ;

- la décision du 28 septembre 2015 est une décision purement confirmative, qui est venue se substituer à la première décision du 18 novembre 2014 ;

- sa requête introductive de première instance ne saurait être assimilée à une requête prématurée ;

- il est fondé à attaquer cette décision car la société Orange n'avait engagé aucune démarche tendant à la reconnaissance de l'accident de service ;

- ni le médecin de prévention ni la commission de réforme n'ont été saisis ;

- son état de santé antérieur ne saurait faire obstacle à l'imputabilité au service demandée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2017, la société Orange, représentée par la SCP Guillaume et Antoine Delvolvé, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- seule la décision du 28 septembre 2015 faisait grief à l'intéressé ;

- ni l'accident de service lui-même ni l'imputabilité d'un accident au service ne sont caractérisés en l'espèce.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Slimani,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M.E....

1. Considérant que M.E..., agent en qualité des données au sein de la société Orange, travaillant au sein d'un " open space " dans un établissement situé à Nîmes, relève appel du jugement rendu le 9 mars 2017 par le tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 novembre 2014 par laquelle la société Orange a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de son arrêt de travail du 8 septembre 2014 au 16 janvier 2015, ensemble la décision du 28 septembre 2015 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le courrier du 18 novembre 2014 du service des ressources humaines de la société Orange indiquant à l'intéressé que son arrêt de travail du 8 septembre au 10 octobre 2014 fait l'objet d'une rémunération à demi traitement à compter de cette dernière date, que pendant trois mois sa rémunération sera maintenue à 100%, puis à 50% au 91ème jour, révèle que l'administration s'est seulement bornée à informer l'appelant de sa situation administrative et de la procédure applicable au dispositif de travail consécutif à un congé de maladie et n'a pas entendu y contester l'imputabilité au service de l'accident dont l'intéressé soutenait avoir été victime le 4 septembre 2014 ; qu'ainsi et contrairement à ce que soutient le requérant, un tel courrier de notification ne constitue pas en lui-même une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté comme irrecevables ses conclusions à fin d'annulation de ce courrier ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Orange à la demande de première instance :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative en vigueur à la date de la décision contestée : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ;

4. Considérant, toutefois, que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu'en une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ; qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance ;

5. Considérant, d'une part, que les pièces du dossier ne permettent pas, en l'absence d'accusé de réception, d'établir la date à laquelle M. E...a reçu notification de la décision du 28 septembre 2015 qui mentionnait les voies et délais de recours ; que, d'autre part, ce dernier ayant eu connaissance de cette décision au plus tôt le 12 avril 2016, ses conclusions à fin d'annulation de celle-ci, enregistrées en cours d'instance au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2017, soit moins d'un an avant le délai raisonnable invoqué au point 4, ne sont pas tardives ; que, par ailleurs, eu égard à ce qui a été dit au point 2, la société Orange n'est pas fondée à soutenir que cette décision du 28 septembre 2015 serait purement confirmative de la prétendue décision du 18 novembre 2014 ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société Orange à la demande de première instance doit être écartée ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) " ;

7. Considérant, d'autre part, qu'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service ; qu'il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. E...a été agressé verbalement par un de ses collègues le 4 septembre 2014 sur son lieu de travail ; que cet incident a été signalé par l'intéressé par des courriels adressés à ses supérieurs hiérarchiques et qu'une main courante a été déposée à ce titre au commissariat de police ; que le médecin généraliste consulté par le requérant dans les suites de cette agression a constaté à plusieurs reprises un état de stress réactionnel en lien avec l'activité professionnelle de l'intéressé ; qu'ainsi, ces faits sont matériellement établis ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E...aurait commis une faute personnelle détachable du service et il n'est pas contesté qu'il ne présentait pas d'antécédent sur un plan psychopathologique ; que, dans ces conditions, l'interruption du service de M. E...doit être regardée comme étant en lien direct avec un accident subi en service ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 septembre 2015 par laquelle la société Orange a refusé d'imputer au service son accident survenu le 4 septembre 2014 ; qu'il est dès lors fondé à demander l'annulation de cette décision et la réformation dans cette mesure du jugement attaqué ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

11. Considérant que le présent arrêt, eu égard au motif qui le fonde, implique nécessairement que la société Orange prenne une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie que M. E...présente depuis le 4 septembre 2014 et en tire ensuite les conséquences qui s'y attachent notamment en terme de prise en charge de ses arrêts de travail du 8 septembre 2014 au 16 janvier 2016; que cette mesure devra intervenir dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les frais liés au litige :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M.E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Orange une somme de 2 000 euros à verser à M. E...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 9 mars 2017 en tant qu'il rejette la demande de M. E...dirigée contre la décision du 28 septembre 2015 de la société Orange et la décision du 28 septembre 2015 de la société Orange sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la société Orange, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de placer M. E...en congé pour maladie imputable au service à compter du 4 septembre 2014 et prenne en charge ses arrêts de travail du 8 septembre 2014 au 16 janvier 2016 comme imputables au service.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E...est rejeté.

Article 4 : La société Orange versera à M. E...la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la société Orange présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E...et à la société Orange.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2018, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- MmeD..., première conseillère,

- M. Slimani, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 décembre 2018.

4

N° 17MA01843


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01843
Date de la décision : 21/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Introduction de l'instance - Liaison de l'instance.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Moyens.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: M. Ahmed SLIMANI
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP GOUJON-MAURY-CHAUVET

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-21;17ma01843 ?
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