Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'EURL C...Décoration Florale et M. C...ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Marseille à verser la somme de 211 794 euros à l'EURL C...Décoration Florale et la somme de 20 000 euros à M. C...en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'incendie du 14 juillet 2012.
Par un jugement n° 1503449 du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2017, l'EURL C...Décoration Florale et M.C..., représentés par MeD..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 juin 2017 ;
2°) de condamner la commune de Marseille ou, à défaut, la SAS Panzera à verser la somme de 241 557 euros à l'EURL C...Décoration florale et la somme de 44 500 euros à M. C...ainsi que les intérêts au taux légal ;
3°) de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le choix du lieu de tir du feu d'artifice était inadapté ;
- le maire de la commune de Marseille a méconnu son pouvoir de police en ne déterminant pas un périmètre de sécurité suffisant lors du tir du feu d'artifice ;
- il a méconnu l'article 3.4.4 de la circulaire du 15 juin 2010 modifiant la réglementation relative aux artifices de divertissement et articles pyrotechniques destinés au théâtre ;
- le lien de causalité entre le tir du feu d'artifice et le dommage est établi ;
- la commune aurait dû annuler le feu d'artifice en raison de la violence du vent ou étendre le périmètre de sécurité ;
- le cahier des clauses particulières du marché impose à la commune de procéder à des vérifications et des contrôles le jour du tir ;
- les moyens de lutte contre l'incendie déployés sur place étaient insuffisants ;
- les renforts sont arrivés tardivement, une heure après le départ du feu, en raison des embouteillages ;
- la commune aurait dû réserver une voie d'accès aux véhicules d'incendie et de secours ;
- des communes ont annulé le feu d'artifice en raison du vent violent ;
- à défaut, la responsabilité de l'artificier, la SAS Panzera est engagée pour ne pas avoir correctement déterminé le périmètre de sécurité en raison des rafales de vent ;
- le préjudice est évalué à 44 500 euros pour les véhicules et motocyclettes de collection, à 73 400 euros pour le remplacement de la serre de stockage, à 50 415 euros pour le matériel et à 117 742 euros pour la perte de chiffre d'affaires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2017, la commune de Marseille, représentée par la SELARL Abeille et Associés, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à défaut, de condamner la SAS Panzera à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de l'EURL C...Décoration Florale et de M. C...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que l'EURL C...Décoration Florale et M. C... n'établissent pas ne pas avoir été indemnisés de la totalité des préjudices par leurs compagnies d'assurance ;
- les causes du sinistre ne sont pas établies en l'absence d'expertise judiciaire ;
- l'incendie a pour origine des pétards et non le feu d'artifice tiré par la commune ;
- le périmètre de sécurité de 150 mètres mis en place tient compte du calibre des engins de pyrotechnie utilisés ;
- les débris qui sont retombés étaient inertes ;
- aucune faute dans l'organisation du feu d'artifice ne peut lui être reprochée ;
- la vitesse du vent n'imposait pas d'annuler le feu d'artifice ;
- il n'était pas nécessaire de réglementer les conditions de la circulation automobile aux alentours du site du tir ;
- il n'est pas établi que les difficultés d'accès des véhicules de lutte contre l'incendie sur les lieux du sinistre aient contribué à son aggravation ;
- à défaut, la responsabilité de la SA Panzera avec laquelle elle a conclu un marché de service public se substitue à celle de la commune dès lors que cette société n'est pas insolvable ;
- l'EURL C...Décoration Florale a commis des fautes de nature à exonérer totalement la commune de sa responsabilité ;
- les préjudices subis ne sont pas justifiés ;
- le coût du remplacement des serres ne tient pas compte de leur vétusté.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 février 2018 et le 14 juin 2018, la SAS Panzera, représentée par la SCP de Angelis, Semidei, Vuillquez, Harbart-Melki, Bardon, de Angelis, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'EURL C...Décoration Florale et de M. C...la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, l'EURL C...Décoration Florale et M. C...ne démontrant pas qu'ils n'auraient pas été indemnisés de la totalité de leurs préjudices par leurs compagnies d'assurance ;
- le feu d'artifice n'est pas à l'origine de l'incendie ;
- l'expertise établie à la demande des requérants n'est pas contradictoire et n'a pas de force probante ;
- les débris ne sont plus enflammés au-delà de la distance de sécurité de 150 mètres même par fortes rafales de vent ;
- la jardinerie était située à 200 mètres du lieu de tir ;
- le périmètre de sécurité était suffisant ;
- aucune faute ne peut lui être imputée ;
- le manquement des requérants aux règles de prudence et de sécurité a participé à l'incendie ou à son aggravation ;
- les préjudices sont injustifiés et surévalués.
Par un mémoire, enregistré le 25 avril 2018, l'EURL C...Décoration Florale et M. C..., concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et soutiennent, en outre, que la requête est recevable dès lors qu'ils justifient d'un intérêt à demander l'indemnisation des préjudices consécutifs à l'incendie de la jardinerie exploitée par l'EURL C...Décoration Florale et des véhicules dont M. C...est propriétaire.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par l'EURL C...Décoration Florale et M. C...dirigées contre la société Panzera qui sont nouvelles en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant l'EURL C...Décoration Florale et M.C..., et de MeB..., représentant la commune de Marseille.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL C...Décoration Florale et M. C...relèvent appel du jugement du 6 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de la commune de Marseille à verser la somme de 211 794 euros à l'EURL C...Décoration florale et la somme de 20 000 euros à M. C...en réparation des préjudices consécutifs à l'incendie du 14 juillet 2012.
I. Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Marseille et la SAS Panzera :
2. La circonstance que l'assureur de l'EURL C...Décoration Florale et de M. C... aurait déjà indemnisé les dommages dont les requérants demandent la réparation devant la Cour est sans incidence sur la recevabilité de leur requête. Dans le cas où la responsabilité de la commune ou de l'entrepreneur serait engagée, il appartiendrait au juge, lors de l'évaluation du préjudice effectivement subi par les victimes, de tenir compte des indemnités qui leur auraient été versées en vertu d'un contrat d'assurance. La fin de non-recevoir opposée par la commune de Marseille et la SAS Panzera ne peut dès lors qu'être écartée.
II. Sur la recevabilité des conclusions de l'EURL C...Décoration Florale et de M. C... contre la société Panzera :
3. La demande de l'EURL C...Décoration Florale et de M. C...devant le tribunal administratif de Marseille était dirigée contre la seule commune de Marseille. Leurs conclusions à l'encontre de la société Panzera, présentées devant la Cour, constituent une demande nouvelle en appel. Elles ne sont, par suite, pas recevables.
III. Sur le bien fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité :
4. La responsabilité d'une commune ne peut être engagée en cas d'accident survenu à la suite d'un feu d'artifice tiré sur la commande de celle-ci que si la victime établit l'existence d'une faute de la commune soit dans le choix de l'artificier, soit dans l'organisation ou le fonctionnement du service public, soit enfin dans l'accomplissement des mesures de police prises pour assurer la sécurité des personnes et des biens.
5. Le 14 juillet 2012, une partie de la jardinerie exploitée par l'EURL C...Décoration Florale dont M. C...est propriétaire, a été détruite par un incendie qu'ils imputent à des retombées de débris enflammés provenant du feu d'artifice organisé par la commune de Marseille et tiré depuis le parc Borely par la société Panzera. Il résulte de l'instruction, et notamment du compte rendu de la réunion du poste de commandement de crise qui s'est tenue le lendemain du sinistre ainsi que du rapport établi à la demande de la compagnie d'assurance de la commune, qu'en raison de la nature hétéroclite des déchets retrouvés sur les lieux, l'incendie peut avoir pour cause la chute d'artifices provenant du spectacle organisé par la commune ou des pétards lancés à proximité par des non-professionnels. Toutefois, les procès-verbaux de police concluent à une cause accidentelle et l'enquête judiciaire a été classée sans suite le 3 septembre 2012 en l'absence d'origine criminelle des départs de feu. Par ailleurs, l'examen des débris des engins pyrotechniques ramassés dans l'enceinte de la jardinerie réalisé à la demande des requérants par un laboratoire d'analyse établit qu'ils proviennent du feu d'artifice. En outre, les attestations produites par l'EURL C...Décoration Florale et M. C...émanant de voisins de la jardinerie font état de nombreuses retombées, au cours du spectacle, de déchets d'artifice dont certains étaient incandescents et de la concomitance entre la fin du spectacle pyrotechnique et le début de l'incendie. Enfin, ces témoignages sont corroborés par les photographies versées au dossier, eu égard au nombre de traces d'impact visibles sur la couverture en polycarbonate de bâtiments de la jardinerie et à la diversité des foyers d'incendie. Il suit de là que l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre le feu d'artifice et les dommages subis par l'EURL C...Décoration Florale et M. C...est établie.
6. Il résulte de l'instruction qu'un périmètre de sécurité d'un rayon de 150 mètres a été circonscrit autour du pas de tir. Toutefois, compte tenu de la vitesse du vent, d'environ 60 km/h selon le bulletin météorologique produit par les requérants et de la localisation du pas de tir en milieu urbain, la décision d'autoriser le tir, alors que le périmètre de sécurité ne pouvait plus être élargi, présente un caractère fautif alors, au demeurant que le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur avait, par courrier du 15 juin 2012, appelé les maires du département des Bouches-du-Rhône à la plus grande vigilance quant au maintien d'un spectacle pyrotechnique en cas de condition météorologique défavorable. Cette faute, qui est à l'origine de l'entier dommage subi par l'EURL C...Décoration Florale et par M.C..., engage la responsabilité de la commune de Marseille. Les requérants sont dès lors fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
7. Le stockage de quelques bouteilles de gaz à proximité d'un arbre près duquel le feu a démarré ainsi que la présence d'essence dans les véhicules stationnés dans l'enceinte de la jardinerie ne sont pas constitutives d'une faute de la société requérante.
En ce qui concerne les préjudices :
S'agissant des préjudices subis par l'EURL C...Décoration Florale :
8. A l'occasion de l'incendie ont notamment été détruits une grande serre, une serre de stockage, un entrepôt en bois, des marchandises stockées à l'extérieur. Il résulte de l'instruction et notamment du rapprochement des quittances d'indemnité et des éléments contenus dans les rapports établis par les cabinets Exa expertises et Texa que, contrairement à ce qui est allégué par la commune de Marseille et la SAS Panzera, les préjudices dont l'EURL C...Décoration Florale demande réparation n'ont pas été indemnisés par son assureur.
9. Il y a lieu pour évaluer le montant du préjudice indemnisable correspondant à la perte de la serre de stockage, de tenir compte, d'une part, de la vétusté que présentait, avant le sinistre, le bâtiment endommagé et, d'autre part, de l'amélioration apportée par la nouvelle construction dont la surface est plus grande et les matériaux d'une meilleure qualité. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant le montant de la réparation mise à la charge de la commune de Marseille à la somme de 35 000 euros.
10. Il résulte de l'instruction et notamment de la fiche d'intervention du bataillon de marins-pompiers de Marseille que la surface de vente de 2 000 m² a été préservée du feu du fait de l'action des secours. Compte tenu en particulier de la valeur d'ensemble du stock et de la superficie des constructions endommagées par rapport à celle de l'ensemble des bâtiments, il y a lieu d'évaluer à la somme de 7 000 euros la perte de matériels et marchandises subie par l'EURL C...Décoration Florale et non indemnisée par son assureur.
11. La réparation intégrale du préjudice commercial subi par l'EURL C...Décoration Florale suppose que celle-ci soit replacée dans la situation qui aurait été la sienne si la diminution de son activité ne s'était pas produite. En vue d'assurer cette réparation, il convient de lui accorder une indemnité correspondant aux pertes de recettes qu'elle a subies, diminuées des charges qu'elle n'a pas eu à exposer et augmentées, le cas échéant, des charges supplémentaires provoquées par la baisse ou l'interruption de son activité. L'octroi d'une indemnité ainsi déterminée assure la réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de couvrir les charges fixes par des recettes d'exploitation et, le cas échéant, du préjudice résultant d'une perte de bénéfice.
12. Si le chiffre d'affaires et le bénéfice réalisés par la société requérante au cours de l'exercice clos le 30 juin 2013 sont en diminution par rapport à ceux constatés au cours de l'exercice précédent, leur niveau est toutefois du même ordre que la moyenne de ceux des trois exercices antérieurs. Dans ces conditions, et alors que l'incendie consécutif à la chute de déchets d'artifice n'a endommagé qu'une partie limité des moyens d'exploitation, l'EURL C...Décoration Florale n'est pas fondée à demander l'indemnisation d'une perte de bénéfice.
13. Il résulte des points 9 à 12 que le montant total des indemnités dues à l'EURL C...Décoration Florale s'élève à la somme de 42 000 euros.
S'agissant des préjudices subis par M.C... :
14. M. C... n'est pas fondé à demander une indemnité en réparation du préjudice résultant de la destruction, par l'incendie du 14 juillet 2012, d'un véhicule automobile et d'une motocyclette de marque Honda dont il n'est pas le propriétaire.
15. M. C...n'établit pas par la seule production d'une attestation de la compagnie d'assurance Groupama, assureur de l'EURL C... Décoration Florale, indiquant ne pas assurer les trois autres motocyclettes, de marque Laverda, Ducati et Norton, appartenant au requérant, que la perte de ces véhicules n'auraient pas déjà fait l'objet d'une indemnisation en tout ou en partie. Il y a lieu, dans ces conditions, d'ordonner un supplément d'instruction tendant à la production par M.C..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, en vue de les soumettre au débat contradictoire, des polices d'assurance des motocyclettes et des quittances du ou des assureurs.
En ce qui concerne l'appel en garantie :
16. Aux termes de l'article 18.2 du cahier des clauses particulières du marché relatif au lieu d'exécution des tirs : " Le lieu du tir est défini à l'article 5.1 du présent cahier des clauses particulières. Les périmètres de sécurité de la zone de tir seront définis par l'artificier et validés par le maître d'ouvrage et les services de sécurité. / Ces périmètres devront être présentés par l'artificier sous forme de plan à l'échelle dans son offre ".
17. Eu égard aux conditions climatiques susceptibles d'être rencontrées localement et à la localisation du pas de tir, la société Panzera a défini un périmètre de sécurité de la zone de tir d'une dimension insuffisante. Ainsi, elle a méconnu les obligations mises à sa charge par le marché conclu avec la commune de Marseille. Il suit de là que cette dernière est fondée à être garantie par la SAS Panzera de la moitié de la condamnation prononcée à son encontre au profit des requérants.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 juin 2017 est annulé.
Article 2 : La commune de Marseille est condamnée à verser la somme de
42 000 euros à l'EURL C...Décoration Florale.
Article 3 : La société Panzera garantira la commune de Marseille à hauteur de 50 % des sommes mises à la charge de cette dernière.
Article 4 : Avant de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par M. C..., il sera procédé à un supplément d'instruction tendant à la production, par celui-ci, des documents mentionnés au point 15 du présent arrêt.
Article 5 : Ces documents devront parvenir au greffe de la Cour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL C...Décoration Florale et M. A... C..., à la commune de Marseille et à la société Panzera.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018 où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,
- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
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N° 17MA03078