Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association diocésaine de Marseille a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement les sociétés Inter Travaux, M2B ingénierie et Ginger CEBTP, la compagnie Gan assurances et la Société mutuelle d'assurances du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) à lui verser la somme de 584 273 euros, actualisée en fonction des coûts de la construction, en réparation des dommages occasionnés par les travaux de construction d'un bâtiment destiné à abriter les archives départementales et une bibliothèque dans le
3ème arrondissement de Marseille.
Par un jugement n° 1403800 du 27 février 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné solidairement les sociétés Inter travaux et Ginger CEBTP à payer la somme 175 668 euros à l'association diocésaine de Marseille. Il a en outre condamné la société Inter Travaux à garantir la société Ginger CEBTP à hauteur de la moitié de la condamnation et la société Ginger CEBTP à garantir la société Inter Travaux à hauteur du quart de la condamnation.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire récapitulatif, enregistrés le 25 avril 2017 et le 17 octobre 2018, la société Inter Travaux, représentée par MeF..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 27 février 2017 en tant qu'elle a été condamnée à payer la somme de 175 668 euros à l'association diocésaine de Marseille ;
2°) de rejeter les conclusions de l'association diocésaine de Marseille dirigées à son encontre devant le tribunal administratif de Marseille et celles présentées par la voie de l'appel incident ;
3°) de mettre à la charge solidaire de l'association diocésaine de Marseille et de la société Ginger CEBTP la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était irrecevable en l'absence d'une délibération de l'assemblée générale autorisant l'association à agir en justice ;
- la vente du bien immobilier ayant subi le dommage a privé l'association diocésaine de Marseille d'intérêt à agir ;
- la créance était prescrite en application de l'article 2270-1 du code civil alors en vigueur ;
- l'association diocésaine de Marseille n'est pas fondée à demander une indemnisation plus élevée.
Par un mémoire récapitulatif, enregistré le 16 octobre 2018, l'association diocésaine de Marseille, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par la société Inter Travaux ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 27 février 2017 et de porter à la somme 584 273 euros, actualisée en fonction des coûts de la construction, le montant de la condamnation mise à la charge de la société Inter Travaux ;
3°) de condamner la société Ginger CEBTP au versement de la même somme ;
4°) de mettre à la charge solidaire des sociétés Inter Travaux et CEBTP la somme de 25 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la société Inter Travaux ne sont pas fondés ;
- elle est fondée à demander une meilleure indemnisation de ses préjudices.
Par un mémoire récapitulatif, enregistré le 12 octobre 2018, la société Ginger CEBTP, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par la société Inter Travaux ;
2°) par la voie de l'appel provoqué, de réformer le jugement du 27 février 2017 et de rejeter les conclusions de l'association diocésaine de Marseille dirigées à son encontre ;
3°) par la voie de l'appel incident, de condamner la société Inter Travaux à la garantir à hauteur de 90 % de la condamnation prononcée à son encontre ;
4°) de rejeter les conclusions de l'association diocésaine de Marseille dirigées à son encontre.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était irrecevable en l'absence d'une délibération de l'assemblée générale de l'association l'autorisant à agir en justice ;
- la créance était prescrite en application de l'article 2270-1 du code civil alors en vigueur ;
- l'association diocésaine de Marseille n'est pas fondée à demander une indemnisation plus élevée ;
- sa part de responsabilité doit être limitée.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées en appel par l'association diocésaine de Marseille contre la société Ginger CEBTP.
La clôture de l'instruction a été fixée au 30 octobre 2018 par une ordonnance du même jour.
Un mémoire présenté par l'association diocésaine de Marseille a été enregistré le 6 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Merenne,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., représentant la société Inter Travaux, de MeC..., substituant MeD..., représentant l'association diocésaine de Marseille, et de MeE..., substituant Me A...B...et associés, représentant la société Ginger CEBTP.
Une note en délibéré présentée par l'association diocésaine de Marseille a été enregistrée le 11 décembre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Le département des Bouches-du-Rhône a fait exécuter par les sociétés Ginger CEBTP, M2B Ingénierie et Inter Travaux des travaux de démolition et de désamiantage dans l'îlot Transcap, situé dans le 3ème arrondissement de Marseille, entre le boulevard de Paris et la rue de Ruffi d'une part et les rues Mires et Chanterac d'autre part, en vue de la construction de nouveaux bâtiments destinés à abriter les archives et la bibliothèque départementales. Le 18 juin 2001, un pan du mur de l'entrepôt Transcap s'est effondré sur le presbytère et les bâtiments annexes de l'église Saint-Martin d'Arenc appartenant à l'association diocésaine de Marseille. Par un jugement du 27 février 2017 le tribunal administratif de Marseille a condamné solidairement les sociétés Inter Travaux et Ginger CEBTP à payer la somme 175 668 euros à l'association diocésaine de Marseille. Il a en outre condamné la société Inter Travaux à garantir la société Ginger CEBTP à hauteur de la moitié de la condamnation et la société Ginger CEBTP à garantir la société Inter Travaux à hauteur du quart de la condamnation.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. L'association diocésaine de Marseille est une association cultuelle dont les statuts prévoient, à l'article 2, que cette association : " a pour but de subvenir aux frais et à l'entretien du culte catholique sous l'autorité de l'archevêque, en communion avec le Saint-Siège, et conformément à la constitution de l'Eglise catholique. / Le fonctionnement de l'association sera réglé par les présents statuts avec les lois canoniques ", à l'article 5, que " L'archevêque est président de droit du conseil d'administration, de l'assemblée et de l'association toute entière " et à l'article 21, que : " L'association ne peut introduire aucune modification aux présents statuts, qui soit contraire à la constitution de l'Eglise catholique. " Le code de droit canonique de l'Eglise catholique, auquel renvoie à deux reprises l'article 2 des statuts de l'association en vue de se conformer aux règles d'organisation générale du culte dont elle entend assurer l'exercice et à la lumière duquel ceux-ci doivent en conséquence être interprétés, précise aux canons 391 et 393 que l'évêque diocésain gouverne l'église particulière qui lui est confiée " avec pouvoir législatif, exécutif et judiciaire " et qu'il représente le diocèse dans toutes les affaires juridiques de celui-ci.
3. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence dans les statuts de l'association de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action en justice devant le juge administratif, l'archevêque de Marseille, évêque diocésain et président de droit, a qualité pour introduire une telle action au nom de celle-ci. Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, la demande introduite le 12 mai 2014 était donc recevable. Elle a en outre été en tout état de cause régularisée en cours d'instance par une modification des statuts de l'association intervenue le 26 septembre 2014, qui prévoient désormais que " l'archevêque a qualité pour décider une action en justice ".
4. La société Inter Travaux n'est en conséquence pas fondée à soutenir que la demande introduite par l'association diocésaine de Marseille devant le tribunal administratif aurait été irrecevable faute d'avoir été introduite par un représentant disposant de la qualité pour agir en son nom.
Sur la prescription :
5. Les articles 2241 et 2242 du code civil prévoient, d'une part, que : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. / Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure " et, d'autre part, que : " L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. "
6. Il résulte de ces dispositions que le délai de prescription de dix ans résultant des articles 2270 et 2270-1 du code civil initialement en vigueur qu'entend opposer la société Inter Travaux à la créance de l'association diocésaine de Marseille a, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, été interrompu par l'action en justice introduite le 12 janvier 2011 par l'association devant le tribunal de grande instance de Marseille, et ce quels que soient les vices prêtés par la société Inter Travaux à l'acte introductif de cette instance au regard des règles fixées par la procédure civile. Le délai a commencé à courir de nouveau à compter de l'arrêt du 18 octobre 2012 par lequel la cour d'appel d'Aix-en-Provence a déclaré les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître du litige, avant d'être une nouvelle fois interrompu par la saisine du tribunal administratif de Marseille le 12 mai 2014. La société Inter Travaux n'est par suite pas fondée à soutenir que la créance de l'association diocésaine de Marseille aurait été prescrite.
7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la requête de la société Inter Travaux doit être rejetée.
Sur les appels incidents de l'association diocésaine de Marseille et de la société Ginger CEBTP :
8. Le tribunal administratif a statué sur les préjudices invoqués par l'association diocésaine de Marseille aux points 12 à 18 du jugement attaqué et sur les appels en garantie entre constructeurs au point 22 du jugement attaqué par des motifs appropriés qui ne sont pas contestés en appel. Il y a lieu pour la cour d'adopter ces motifs et de rejeter les appels incidents formés respectivement par l'association diocésaine et la société Ginger CEBTP.
Sur les conclusions croisées entre les parties intimées en appel :
9. Les conclusions par lesquelles la société Ginger CEBTP demande la réformation du jugement attaqué en tant qu'il la condamne solidairement avec la société Inter Travaux ont le caractère d'un appel provoqué. Sa situation n'est pas aggravée dès lors que l'appel principal de la société Inter Travaux est rejeté. Ces conclusions sont en conséquence irrecevables et doivent être rejetées.
10. Il en va de même des conclusions présentées par l'association diocésaine de Marseille contre la société Ginger CEBTP après l'expiration du délai d'appel, qu'elles soient regardées comme des conclusions d'intimé à intimé ou comme un appel incident formé en réponse à l'appel provoqué de la société Ginger CEBTP.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu de laisser les dépens, ainsi que l'a fait le tribunal administratif, à la charge solidaire des sociétés Inter Travaux et Ginger CEBTP en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.
12. Il y a également lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la société Inter Travaux, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement de la somme de 3 000 euros à l'association diocésaine de Marseille au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.
13. Il n'y a enfin pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les sociétés Inter Travaux et Ginger CEBTP sur le même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Inter Travaux est rejetée.
Article 2 : L'appel incident présenté par l'association diocésaine de Marseille et ses conclusions dirigées contre la société Ginger CEBTP sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de la société Ginger CEBTP sont rejetées.
Article 4 : La société Inter Travaux versera à l'association diocésaine de Marseille la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Inter Travaux et Ginger CEBTP et à l'association diocésaine de Marseille.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique le 20 décembre 2018.
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N° 17MA01757