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18/12/2018 | FRANCE | N°18MA01672

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 18 décembre 2018, 18MA01672


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard à lui verser la somme de 60 000 euros au titre des différents préjudices qu'il estime avoir subis en raison du refus illégal du conseil départemental de procéder à son inscription au tableau de l'ordre à la suite du transfert de sa résidence professionnelle.

Par un jugement n° 1303158 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Nîmes a condamné le

conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard à verser à M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard à lui verser la somme de 60 000 euros au titre des différents préjudices qu'il estime avoir subis en raison du refus illégal du conseil départemental de procéder à son inscription au tableau de l'ordre à la suite du transfert de sa résidence professionnelle.

Par un jugement n° 1303158 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Nîmes a condamné le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard à verser à M. B... la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice et mis à sa charge les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes.

Par un arrêt n° 15MA01927 du 25 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 mars 2015, rejeté la requête présentée par M. B... et mis à la charge du requérant les frais d'expertise pour le montant de 6 087, 65 euros toutes taxes comprises et la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une décision n° 406291 du 4 avril 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi par M. B..., a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 11 mai 2015 et le 22 juillet 2016 sous le n° 15MA01927 et, après renvoi par le Conseil d'Etat, sous le n° 18MA01672, par des mémoires enregistrés le 31 août 2018 et le 29 novembre 2018, M. B..., représenté par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 mars 2015 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de la demande de réparation de son entier préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ;

3°) de porter la condamnation du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard à la somme de 60 000 euros en réparation de son entier préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ;

4°) de mettre à la charge du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucun élément ne permet de démontrer qu'il a volontairement entendu dissimuler sa nationalité française afin de se soustraire à la sélection par concours ;

- le conseil de l'ordre était incompétent pour apprécier la régularité de la délivrance du diplôme de masseurs-kinésithérapeutes ;

- il a demandé son inscription au tableau de l'ordre du Gard dès son changement de résidence professionnelle ;

- l'illégalité fautive commise par le conseil départemental de l'ordre a été reconnue de façon définitive par la juridiction administrative ;

- celle-ci est à l'origine de préjudices moraux et de troubles de toutes natures dans ses conditions d'existence ;

- le tribunal a sous-évalué le montant de son préjudice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2016 et, après renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat sous le n° 18MA01672, par des mémoires enregistrés le 22 mai 2018 et le 3 août 2018, l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard, représenté par Me C... conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. B... la somme de 6 087,65 euros au titre des frais d'expertise et de 17 454 euros au titre de la perte de revenus accordée à titre de provision par le tribunal administratif de Nîmes du 28 octobre 2014 ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la requête n'est pas fondée.

Par lettre du 21 novembre 2018, les parties ont été informées que la Cour était susceptible de se fonder sur le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions incidentes du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard tendant au reversement de la provision de 17 454 euros versée en exécution d'une décision du juge des référés, qui présente le caractère de conclusions nouvelles en appel et soumettent à la Cour un litige distinct de l'appel principal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 31 janvier 1991 relatif aux dispenses accordées à certains candidats en vue de la préparation au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute ;

- l'arrêté du 6 août 2004 relatif aux dispenses susceptibles d'être accordées aux candidats titulaires d'un diplôme extracommunautaire de masseur-kinésithérapeute sollicitant l'exercice de la profession en France en vue de la préparation du diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gonzales,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- les observations de MeE..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, représentant

M.B....

- et les observations de MeD..., substituant MeC..., représentant le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard.

Une note en délibéré produite par Me D..., pour le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard, a été enregistrée le 5 décembre 2018.

Une note en délibéré produite par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, pour M.B..., a été enregistrée le 6 décembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., masseur-kinésithérapeute, a intégré en 2003 l'institut de formation en masso-kinésithérapie de Montpellier en qualité de candidat étranger, ce qui lui a permis de bénéficier des facilités d'accès à la formation de masseurs-kinésithérapeutes en application de l'arrêté du 31 janvier 1991 relatif aux dispenses accordées à certains candidats en vue de la préparation au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute. En 2006, M. B... a pu obtenir le diplôme de masseur-kinésithérapeute après avoir réussi un examen spécifique aux candidats étrangers en application de l'arrêté des dispositions des articles 4 et 11 de l'arrêté du 6 août 2004 relatif aux dispenses susceptibles d'être accordées aux candidats titulaires d'un diplôme extracommunautaire de masseur-kinésithérapeute sollicitant l'exercice de la profession en France en vue de la préparation du diplôme d'Etat et a pu ainsi exercer en France. Par une décision du 8 mars 2012, le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard a refusé son inscription au tableau de l'ordre en retenant principalement que, faute d'avoir précisé qu'il détenait la double nationalité française et marocaine lors de son inscription à l'institut de formation, il ne remplissait pas les conditions de moralité prévues à l'article R. 4112-2 du code de la santé publique. Par une décision du 15 mai 2012, le conseil régional de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Languedoc-Roussillon a annulé la décision du 8 mars 2012 du conseil départemental et procédé à l'inscription de M. B.... Celui-ci a demandé réparation à hauteur de 60 000 euros des conséquences dommageables du refus d'inscription qui lui avait été opposé. Par un jugement du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Nîmes a retenu une faute du conseil départemental de l'ordre et a condamné celui-ci à verser à M. B... la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral. M. B... a relevé appel du jugement du 26 mars 2015 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il n'avait pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions indemnitaires et demandé que la condamnation du conseil départemental soit portée de 2 000 à 60 000 euros. Par un arrêt n° 15MA01927 du 25 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ledit jugement du 26 mars 2015, a rejeté la requête présentée par M. B... et a mis à sa charge les frais d'expertise pour un montant de

6 087, 65 euros toutes taxes comprises et une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le Conseil d'Etat, par une décision n° 406291 du 4 avril 2018, a annulé cet arrêt, la Cour n'ayant pas recherché si le requérant avait eu l'intention de contourner les règles d'accès à un exercice professionnel en France à la date de son inscription à l'institut de formation. La Cour est donc à nouveau saisie de l'appel de M. B... contre le jugement du tribunal administratif de Nîmes en date du 26 mars 2015.

Sur les conclusions incidentes du conseil départemental de l'ordre des masseur-kinésithérapeutes du Gard :

2. Les conclusions incidentes du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard tendant au reversement de la provision de 17 454 euros versée en exécution d'une décision du juge des référés présentent le caractère de conclusions nouvelles en appel et soumettent à la Cour un litige distinct de l'appel principal et sont donc irrecevables.

Sur le litige principal :

En ce qui concerne la responsabilité du conseil départemental de l'ordre des masseur-kinésithérapeutes du Gard :

3. Pour refuser la demande d'inscription au tableau départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, le conseil départemental du Gard s'est fondé, le 8 mars 2012, sur le motif tiré de ce que M. B... avait sciemment dissimulé sa nationalité française dans l'objectif de suivre la formation de kinésithérapeute sans avoir à subir le concours d'entrée à la formation au titre de ressortissant d'un pays autre que ceux de la Communauté européenne. L'intéressé fait valoir qu'aucun élément ne permet de démontrer qu'il a volontairement entendu dissimuler sa nationalité française afin de se soustraire à la sélection par concours. Il résulte de l'instruction que si les déclarations de M. B... relatives aux modalités de son inscription à l'institut de formation des masseurs-kinésithérapeutes de Montpellier lors de sa convocation au conseil départemental de l'ordre du Gard le 6 mars 2012 sont apparues floues et contradictoires, le conseil départemental de l'ordre ne pouvait, comme l'a estimé le conseil régional de l'ordre dans sa décision du 15 mai 2012, au vu des seules pièces dont il disposait, à savoir le carnet de scolarité du requérant spécifiant sa nationalité marocaine, une attestation de nationalité marocaine délivrée par le consul du royaume du Maroc du 16 septembre 2003, un courrier du requérant adressé au directeur de l'institut de formation précisant qu'il était informé de l'impossibilité d'exercer en France après sa scolarité, affirmer le caractère intentionnel et nécessairement frauduleux de l'inscription de M. B... en tant qu'étudiant non communautaire à l'institut de formation des masseurs-kinésithérapeutes de Montpellier en 2003. Dès lors, le conseil départemental de l'ordre ne pouvait, sur le fondement de l'article R. 4112-2 du code de la santé publique, lui refuser son inscription au tableau de l'ordre du Gard.

4. Au surplus, pour refuser l'inscription de M. B... au tableau de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, le conseil départemental s'est fondé également sur le motif tiré de ce que l'intéressé n'a pas demandé son inscription au tableau départemental de l'ordre. Il ne pouvait pas davantage retenir l'exercice illégal de la profession de masseur-kinésithérapeute dans le Gard à compter du mois d'avril 2011 par M. B... sans élément démontrant de manière probante l'absence d'une demande d'inscription au tableau départemental de l'ordre lors du transfert de sa résidence professionnelle pour refuser l'inscription de M. B... au tableau de l'ordre des masseurs - kinésithérapeutes.

5. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne les préjudices :

6. M. B... soutient que l'illégalité de la décision du 8 mars 2012 refusant l'inscription demandée, qui lui aurait de plus été notifiée avec violence lors de l'intervention de l'huissier venu à son cabinet, lui a causé un préjudice financier, un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence en portant atteinte à son image auprès de sa patientèle et de sa famille, en le contraignant à arrêter son activité professionnelle sur Nîmes où il était venu s'installer pour se rapprocher de sa mère malade, à retourner en région parisienne pour reprendre son activité et à se séparer momentanément de son épouse et de ses trois enfants partis vivre en Ecosse en raison de ses pertes financières qui l'ont conduit à ne plus pouvoir assumer ses charges familiales.

7. Le tribunal administratif a estimé qu'il résultait des pièces du dossier, notamment des précisions contenues dans le rapport d'expertise déposé le 24 avril 2014 que l'activité développée dans le Gard par M. B...a été insignifiante, ce dernier n'ayant notamment réalisé aucun chiffre d'affaires en 2012 ; que, compte tenu de la date d'intervention de la décision du conseil régional l'inscrivant au tableau de l'ordre le 15 mai 2012, soit un peu plus de deux mois après le refus que lui avait opposé le conseil départemental, celui-ci ne pouvait valablement soutenir qu'il aurait été contraint de quitter le département pour exercer son activité en région parisienne alors qu'il avait demandé sa radiation du tableau de l'ordre du Gard le 25 juin 2012, si bien que cette dernière décision, son déménagement à Bondy et l'installation de sa famille en Ecosse ainsi que leurs conséquences sur sa vie et son organisation familiale devaient être regardées comme relevant de considérations personnelles dont il n'était pas fondé à demander réparation ; en conséquence le tribunal a condamné le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard à réparer son seul préjudice moral à hauteur de la somme de 2 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire.

8. Alors que les écritures de M. B... et du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard présentées en cause d'appel n'apportent aucun élément nouveau susceptible de faire regarder comme erronée l'appréciation portée par les premiers juges sur le lien de causalité entre la faute reprochée au conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard et les préjudices dont il demande réparation, il y a lieu d'adopter les motifs retenus à bon droit par le tribunal pour limiter à la somme de 2 000 euros l'indemnisation due à M. B.... Ce dernier n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais d'expertise :

9. Il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes le 10 avril 2013, liquidés et taxés à la somme de 6 087,65 euros toutes taxes comprises, à la charge définitive de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard. Les conclusions incidentes du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard tendant à ce que cette somme soit mise à la charge de M. B... doivent donc être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties en litige la charge de ses propres frais de procédure.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... et l'appel incident du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard sont rejetés.

Article 2 : Les frais de l'expertise ordonnée le 10 avril 2013 par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, liquidés et taxés à la somme de 6 087,65 euros toutes taxes comprises, sont mis à la charge définitive de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Gard.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au conseil départemental de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes du Gard.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. D'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Jorda, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.

6

N° 18MA01672


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA01672
Date de la décision : 18/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Professions - charges et offices - Ordres professionnels - Organisation et attributions non disciplinaires - Questions propres à chaque ordre professionnel.

Professions - charges et offices - Conditions d'exercice des professions.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Serge GONZALES
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP NICOLAY - LANOUVELLE - HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-18;18ma01672 ?
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