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17/12/2018 | FRANCE | N°16MA01465-18MA00260

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 17 décembre 2018, 16MA01465-18MA00260


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I- MmeE..., épouseC..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privé et familiale " ; à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour

et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I- MmeE..., épouseC..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privé et familiale " ; à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1500720 du 22 mai 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

II- MmeE..., épouseC..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 23 mai 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1704075 du 18 décembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête, enregistrée le 14 avril 2016, sous le numéro 16MA01465, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 mai 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 28 novembre 2014 ;

3°) d'ordonner la délivrance à Madame E...épouse C...d'un titre de séjour comportant la mention " vie privée et familiale ", d'ordonner à défaut le réexamen de la situation de la requérante dans un délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal a dénaturé les faits ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale pour défaut d'examen réel et complet de la demande ;

- son mari a besoin d'une aide qu'elle est seule à pouvoir apporter ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par mémoire en défense, du 15 octobre 2018, le préfet de l'Hérault, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mars 2016.

II- Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2018, sous le numéro 18MA00260, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 décembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 23 mai 2017 ;

3°) d'ordonner la délivrance à Madame E...épouse C...d'un titre de séjour comportant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir et subsidiairement, d'ordonner le réexamen de la de la situation de la requérante dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- elle ne peut pas bénéficier du regroupement familial ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marcovici a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Les affaires n° 16MA01465 et n° 18MA00260 sont relatives à la situation d'un même étranger et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur l'affaire n° 18MA00260 :

1. MmeD..., ressortissante marocaine née en 1958 a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 23 mai 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Elle relève appel du jugement du 18 décembre 2017 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D...est entrée sur le territoire national au mois de septembre 2014 pour rejoindre son époux, avec lequel elle s'est mariée en 1975. Ce dernier est né en 1959 ; il est titulaire d'une carte de résident et réside régulièrement en France depuis l'année 1980. Il est atteint de graves troubles psychologiques et il est sujet à des crises violentes. Il a été reconnu invalide par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapés a un taux compris entre 50 et 79 %, le 13 avril 2015. La nécessité d'une assistance quotidienne par une tierce personne est établie. Trois de leurs cinq enfants résident régulièrement en France. Leur fille qui réside à proximité de son père élève trois enfants en bas âge. Leur fils doit également élever un jeune garçon et travaille comme ouvrier agricole à temps plein. Leur autre fille réside à 80 kilomètres du domicile de son père. Dans ces conditions, l'épouse de M. D... est la seule à pouvoir apporter à son mari l'assistance dont il a besoin, sans qu'y fasse obstacle la circonstance, au demeurant non établie, que son mari puisse bénéficier d'une aide sociale extérieure. Dès lors, et quant bien même la requérante a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-six ans au Maroc, et n'y est pas dépourvue d'attaches familiales, elle doit être regardée comme ayant transféré en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Il en résulte qu'en refusant de faire droit à la demande qui lui était adressée, par son arrêté du 23 mai 2017, le préfet de l'Hérault a porté au droit de l'intéressé à une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée et méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans qu'y fasse obstacle, en tout état de cause, la circonstance que l'intéressé aurait pu demander le bénéfice du regroupement familial.

4. Compte tenu du motif retenu, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de l'Hérault délivre à l'intéressée un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu d'ordonner au préfet de l'Hérault de délivrer un tel titre, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte.

Sur l'affaire n° 16MA01465 :

5. La Cour a, par arrêt de ce jour, prononcé l'annulation du refus de séjour de l'intéressée motif pris de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'y a dès lors plus lieu, pour la Cour, de statuer sur la requête n° 16MA01465.

Sur les frais liés au litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la perception de cette somme valant renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande formulée à ce titre dans l'affaire n° 16MA01465.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête n° 16MA01465.

Article 2 : Les conclusions de la requête n° 16MA01465 fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 décembre 2017 et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 23 mai 2017 sont annulés.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme D...un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : Il est mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A..., la perception de cette somme valant renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...épouseC..., à MeA..., à Me B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2018, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2018.

2

N° 16MA01465 - 18MA00260


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01465-18MA00260
Date de la décision : 17/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY ; CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY ; LAFON MATHILDE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-17;16ma01465.18ma00260 ?
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