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14/12/2018 | FRANCE | N°17MA03678

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 14 décembre 2018, 17MA03678


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Piz Momo a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 24 juillet 2014 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge les sommes de 6 980 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et de 2 553 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers

et du droit d'asile ainsi que la décision implicite rejetant son recours grac...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Piz Momo a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 24 juillet 2014 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge les sommes de 6 980 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et de 2 553 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux dirigé contre la décision du 24 juillet 2014.

Par un jugement n° 1405248 du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 août 2017, la SARL Piz Momo, représentée par la SELARL Poli Mondoloni Romani et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 11 juillet 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 24 juillet 2014 du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'embauche du salarié en situation irrégulière a été effectuée au vu d'une carte de résident qui lui semblait conforme ;

- ce salarié a fait l'objet d'une déclaration aux services de l'URSAFF ;

- la société a des difficultés économiques et le maintien de la sanction mettrait en péril la poursuite de son activité ;

- s'agissant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement l'intéressé n'a pas fait l'objet d'une reconduite effective à la frontière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SARL Piz Momo sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Piz Momo ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guidal,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un contrôle effectué par des agents de la police nationale dans le restaurant exploité par la SARL Piz Momo, le 12 septembre 2013, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que cette société avait employé un travailleur étranger, M. A..., démuni de titre de séjour et d'autorisation de travail. Par une décision du 24 juillet 2014, confirmée implicitement sur recours gracieux formé le 8 septembre 2014, il a mis à la charge de cette société les sommes de 6 980 euros et 2 553 euros au titre, respectivement, de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Saisi par la SARL Piz Momo, le tribunal administratif de Nice, par un jugement du 11 juillet 2017, a rejeté la demande de cette société tendant à l'annulation de la décision du 24 juillet 2014 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux. La SARL Piz Momo relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". L'article L. 5221-8 du même code dispose que : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code, dans sa rédaction en vigueur à la date des manquements relevés à l'encontre de la SARL Piz Momo : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et est au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 (...). / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. / Elle est recouvrée par l'Etat comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine (...) ". Le même manquement est sanctionné, en vertu des dispositions combinées des articles L. 8253-1 et R. 8253-2 du code du travail dans leur rédaction en vigueur à la date du présent arrêt, dont il y a lieu de faire application eu égard à leur caractère de loi nouvelle plus douce, d'une contribution spéciale dont le montant est égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 de ce code, réduit à 2 000 fois ce même taux en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger et à 1 000 fois ce taux en cas de paiement spontané de ces salaires et indemnités, si le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre. Enfin, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine (...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, et sauf à ce que le salarié ait justifié avoir la nationalité française, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et que, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité.

4. Il ne résulte pas de l'instruction que la SARL Piz Momo aurait procédé à une vérification de l'authenticité de la carte de résident que lui aurait présentée M. A... lors de son embauche, notamment en se rapprochant des services de la préfecture. Dans ces conditions, la société requérante ne peut utilement soutenir qu'elle n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux et qu'elle pouvait estimer que l'intéressé bénéficiait de l'ensemble des documents l'autorisant à travailler en France. Au demeurant, si l'enquête de police a mis en évidence la circonstance que M. A... avait fait usage d'une carte de résident falsifiée pour ouvrit un compte dans un établissement bancaire, il n'est nullement établi que son embauche aurait été effectué sous couvert de ce document.

5. Dès lors que les contributions prévues à l'article L. 8253-1 du code du travail et à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont dues du seul fait de l'emploi de travailleurs étrangers démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français, hormis l'hypothèse mentionnée au point 3, est sans incidence sur le bien-fondé des contributions en litige la circonstance selon laquelle la SARL Piz Momo a rempli ses obligations en tant qu'employeur en procédant à la déclaration unique d'embauche à l'URSSAF pour M. A... et au paiement régulier des charges patronales et salariales afférentes à l'emploi de ce salarié. La société ne peut, pour le même motif, se prévaloir utilement de ce que la sanction mettrait en péril la poursuite de son activité.

6. Les dispositions précitées de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonnent pas la mise à la charge de l'employeur de la contribution représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine à la justification, par l'administration, du caractère effectif de ce réacheminement. Par suite, est sans incidence sur le bien-fondé de cette contribution, la circonstance alléguée que M. A... n'aurait pas fait l'objet d'une reconduite effective à la frontière.

7. Il résulte de ce qui précède que la SARL Piz Momo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la SARL Piz Momo, partie perdante à l'instance, soit mise à la charge de l'OFII. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SARL Piz Momo une somme 2 000 euros à verser à l'OFII en application de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Piz Momo est rejetée.

Article 2 : La SARL Piz Momo versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Piz Momo et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2018 où siégeaient :

- M. Pocheron, président,

- M. Guidal, président-assesseur,

- Mme B..., première conseillère,

Lu en audience publique, le 14 décembre 2018.

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N° 17MA03678

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03678
Date de la décision : 14/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SELARL POLI MONDOLONI ROMANI et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-14;17ma03678 ?
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