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11/12/2018 | FRANCE | N°17MA02434

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2018, 17MA02434


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1503698 du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 juin 2017 et le 27 novembre 2017, Mme A..., représentée par Me C..., deman

de à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 avril 2017 ;

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1503698 du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 juin 2017 et le 27 novembre 2017, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 avril 2017 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition et des pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en l'absence de réponse dans un délai de soixante jours à compter de la réception de ses observations à la proposition de rectification en date du 24 juillet 2012, l'administration doit être regardée comme ayant accepté ses observations, en application de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales ;

- elle n'a pu bénéficier d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;

- la SCI USII n'était pas tenue de constater une plus-value imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux à l'issue de la levée de l'option d'achat des immeubles qu'elle prenait en crédit-bail, dès lors qu'une société soumise à l'impôt sur les sociétés détenait l'usufruit de son capital ;

- à titre subsidiaire, cette plus-value n'a pas de contrepartie financière équivalente ;

- à titre subsidiaire, l'imposition de la plus-value demeure possible en application de la situation de la société post-restructuration ;

- à titre subsidiaire, la plus-value afférente à la cession ultérieure d'une partie des biens acquis dans le cadre de la levée d'option a été déclarée et imposée ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a regardé l'article 28 des statuts de la SCI USII comme une clause réputée non écrite sur le fondement de l'article 1844-1 du code civil ;

- l'administration ne pouvait remettre en cause la répartition statutaire du profit exceptionnel constitué par la plus-value résultant de la levée de l'option d'achat des immeubles que la SCI USII prenait en crédit-bail sur le fondement de la théorie de l'abus de droit ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la majoration pour manoeuvres frauduleuses était applicable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il demande également, par la voie de l'appel incident, que la Cour juge que la majoration pour abus de droit initialement appliquée est régulière.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés ;

- l'application de la majoration pour abus de droit au taux de 80 % est justifiée dès lors que la société et ses associés ont été à l'initiative des actes constitutifs du montage abusif et qu'ils en ont été les principaux bénéficiaires.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office tirés de l'irrégularité du jugement en tant qu'il a procédé d'office à la substitution de la majoration pour manoeuvres frauduleuses à la majoration pour abus de droit et de l'irrecevabilité des conclusions du ministre de l'action et des comptes publics, présentées par la voie de l'appel incident, dès lors qu'il n'appartient pas au juge de l'impôt de constater la régularité de l'application de pénalités.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Barthez, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Antonetti, président de la 4ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Union Service Immobilier Industriel (USII), dont Mme A... était associée, a conclu en 1997 un contrat de crédit-bail avec la société Slibailmurs, devenue Finamur, pour l'acquisition et le financement d'un terrain situé à la Farlède, sur lequel a été édifié un ensemble immobilier à usage de casse automobile, que la société civile a donné en sous-location à la SARL Société de Distribution Mécanique et Métallique (SDMM). A la suite d'une vérification de comptabilité de la société civile, l'administration a estimé que la levée d'option, le 13 octobre 2010, de ce contrat de crédit-bail, avait entraîné un changement de nature de l'activité exercée, la société mettant désormais l'immeuble en location au lieu de le donner en sous-location. L'administration a, en conséquence, réintégré dans le résultat de la société civile la plus-value résultant de ce changement d'activité. Elle a tiré les conséquences de cette rectification à l'égard de Mme A... à l'issue d'un contrôle sur pièces, en imposant entre ses mains la plus-value à hauteur de sa quote-part dans le capital de la société, après avoir écarté comme ne lui étant pas opposable la répartition des bénéfices exceptionnels résultant des statuts de la SCI USII entre les nus-propriétaires des parts du capital de la société, dont Mme A... faisait partie, et l'usufruitier. Mme A... fait appel du jugement du 27 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été ainsi assujettie au titre de l'année 2010, et des pénalités correspondantes.

Sur l'appel principal de Mme A... :

2. L'article L. 64 du livre des procédures fiscales dispose que : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles (...) ".

3. Aux termes de l'article 93 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle. / (...) 6. Les biens acquis à l'échéance des contrats mentionnés au III de l'article 93 quater constituent des éléments d'actif affectés à l'exercice de l'activité non commerciale pour l'application du présent article (...) ". L'article 93 quater du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que : " I. Les plus-values réalisées sur des immobilisations sont soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies. / (...) III. Pour l'application des dispositions du premier alinéa du I, les contrats de crédit-bail conclus dans les conditions prévues aux 1 et 2 de l'article L. 313-7 du code monétaire et financier sont considérés comme des immobilisations lorsque les loyers versés ont été déduits pour la détermination du bénéfice non commercial. / IV. 1. Pour l'application des dispositions du premier alinéa du I aux immeubles acquis dans les conditions prévues au 6 de l'article 93 et précédemment donnés en sous-location, l'imposition de la plus-value consécutive au changement de régime fiscal peut, sur demande expresse du contribuable, être reportée au moment où s'opérera la transmission de l'immeuble ou, le cas échéant, la transmission ou le rachat de tout ou partie des titres de la société propriétaire de l'immeuble ou sa dissolution (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que jusqu'au 5 août 2010, les parts composant le capital de la SCI USII étaient détenues en pleine propriété à hauteur de 51 % par Mme A..., qui détenait également l'usufruit du surplus, alors que ses deux fils en détenaient la nue-propriété. A l'issue d'opérations de donations, d'apports et de cession intervenues entre le 5 août et le 27 septembre 2010, la SARL SDMM, dont le capital était également détenu par Mme A... et ses deux fils, est devenue titulaire de l'usufruit temporaire des parts de la SCI USII, la nue-propriété des parts étant répartie entre Mme A... et ses deux fils. Le 27 septembre 2010, l'article 28 des statuts de la SCI USII a été modifié afin de prévoir que les bénéfices exceptionnels résultant notamment de la cession d'éléments d'actifs immobilisés seraient répartis entre usufruitiers et nus-propriétaires à hauteur de 40 % aux usufruitiers et 60 % aux nus-propriétaires.

5. L'administration a estimé que ces opérations étaient constitutives d'un abus de droit en se fondant sur la proximité temporelle entre, d'une part, le démembrement de la propriété d'une partie des parts de capital de la SCI USII, la transmission de l'usufruit temporaire de ces parts à la SARL SDMM, la modification des statuts de la SCI et, d'autre part, la levée d'option du crédit-bail, la sous-valorisation de l'usufruit temporaire des parts de la SCI, les incohérences juridiques résultant de la modification statutaire de la répartition de ses profits exceptionnels et le but fiscal des opérations, tant en ce qui concerne Mme A... et ses fils que la SARL SDMM. Elle a en conséquence considéré qu'à l'issue de la levée d'option, le 13 octobre 2010, du contrat de crédit-bail conclu en 1997 par la SCI USII, la plus-value susceptible d'avoir été acquise à cette date en raison de la cessation de l'activité initiale de la SCI et du changement de son régime fiscal, faute de demande de report d'imposition, était imposable en totalité entre les mains de Mme A... et de ses deux fils. Toutefois, la requérante soutient que l'augmentation de capital de la SARL SDMM décidée en vue de lui attribuer, ainsi qu'à son fils, des parts en rémunération de l'apport de l'usufruit temporaire des parts de la SCI a conduit à un renforcement des fonds propres de la SARL nécessaire à la continuité de son exploitation et que le produit de la cession ultérieure des parcelles a été réinvesti dans l'activité de cette société, permettant d'assurer sa survie, sans être sérieusement contredite en ce qui concerne les difficultés économiques de la SARL SDMM. Dans ces conditions, l'administration n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de ce que les opérations en cause n'ont pu être inspirées par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales des associés de la SCI USII.

6. Ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été ainsi assujettie au titre de l'année 2010, et des pénalités correspondantes.

Sur l'appel incident du ministre :

7. Il n'appartient pas au juge de l'impôt de constater la régularité de l'application de pénalités. Par suite, les conclusions du ministre de l'action et des comptes public tendant à ce que la Cour juge que la majoration pour abus de droit initialement appliquée est régulière sont irrecevables.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 avril 2017 est annulé.

Article 2 : Mme A... est déchargée de de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes.

Article 3 : Les conclusions du ministre de l'action et des comptes publics présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018, où siégeaient :

- M. Barthez, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carotenuto, premier conseiller,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 décembre 2018.

2

N° 17MA02434

jm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA02434
Date de la décision : 11/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : DARTIGUENAVE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-11;17ma02434 ?
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