Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 92-604 du 1er juillet 1992 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutel,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., substituant MeC..., représentant M. A....
Sur la jonction :
1. Considérant que les requêtes enregistrées sous les n°s 17MA00941 et 17MA00959 présentent à juger des questions semblables ; qu'elles ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une réclamation préalable du 29 avril 2014, reçue le 2 mai 2014, M. A..., affecté à la direction régionale à Marseille de la mission interministérielle d'inspection du logement social (MIILOS), a demandé le versement rétroactif de la prime de fonctions et de résultats, à recalculer sur la base des montants de référence des agents affectés en administration centrale ;
Sur l'appel de M. A... enregistré sous le n° 17MA00959 :
Sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice financier au titre de
l'année 2013 :
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A... n'a pas contesté dans le délai de recours contentieux la décision qui lui a été notifiée le 23 décembre 2013 fixant le montant de la prime de fonctions et de résultats au titre de l'année 2013, laquelle comportait l'indication des voies et délais de recours ; que cette décision, qui a un objet purement pécuniaire, est devenue définitive avec toutes les conséquences pécuniaires qui en sont inséparables ; que, par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme irrecevables ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice financier qui résulte de l'illégalité de cette décision ; que la circonstance que le ministre aurait précédemment, notamment depuis l'année 2004, pris des positions de principe quant au refus d'appliquer aux agents de la MIILOS le régime indemnitaire des agents de l'administration centrale est sans incidence sur la recevabilité desdites conclusions indemnitaires relatives à la perte de traitement pour l'année 2013 ;
Sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice financier au titre des années antérieures à 2013 :
4. Considérant d'une part, que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu'en une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ; qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance ; que cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs ; qu'il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance ;
5. Considérant que d'autre part, l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des circulaires et notes ministérielles de gestion relatives aux modalités d'attribution de la prime de fonctions et de résultats que le ministre a prévu la notification annuelle aux fonctionnaires de ses services du montant annuel de la prime de fonctions et de résultats ; que, dès l'année 2010, cette indemnité a été mensualisée ; que sa notification individuelle a été réalisée au mois de décembre de chaque année en cause, afin d'informer le fonctionnaire du montant restant à percevoir au titre de cette même année, compte tenu des acomptes mensuels déjà versés ; qu'il y est fait mention de ce que l'éventuel reliquat sera versé sur la paie du mois de décembre ; qu'ainsi que l'ont estimé les premiers juges, si la preuve de la notification au titre des années antérieures à 2013 ne peut être apportée, il résulte de ce qui vient d'être dit que les intéressés ont eu connaissance, au plus tard au cours du mois de janvier de l'année suivante, du montant annuel de l'indemnité en cause ; que le requérant doit ainsi être regardé comme en ayant eu connaissance au plus tard au 31 janvier 2013 ; que ces décisions, qui ont un objet purement pécuniaire, sont devenues définitives avec toutes les conséquences pécuniaires qui en sont inséparables ; que, par suite, les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au versement des sommes correspondant au montant réel des primes auxquelles le requérant estime avoir droit au titre des années antérieures à 2013, et qui sont exclusivement fondées sur l'illégalité des décisions fixant le montant desdites primes, sont irrecevables ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande indemnitaire relative à la perte de rémunération au titre des années antérieures à 2013, soit depuis 2010 ;
Sur l'appel du ministre enregistré sous le n° 17MA00941 :
8. Considérant que le ministre, qui ne conteste pas le principe de la réparation due au titre de la perte de rémunération pour l'année 2014, estime que l'indemnité due à M. A... doit être minorée à hauteur des cotisations sociales, à savoir la CSG, la CRDS, la contribution exceptionnelle de solidarité et de la cotisation afférente au régime additionnel de retraite de la fonction publique (RAFP) ;
9. Considérant que les premiers juges ont estimé que M. A... devait être regardé comme occupant un emploi au sein d'une administration centrale de l'Etat au sens de l'article 2 du décret n° 92-604 du 1er juillet 1992, et pouvait prétendre à la différence entre les montants bruts perçus par les fonctionnaires exerçant en administration centrale et les montants bruts perçus par les fonctionnaires des services déconcentrés, soit la somme de 708,34 euros ;
10. Considérant toutefois que l'intéressé n'était fondé à réclamer la réparation de son préjudice qu'à hauteur des rémunérations nettes dont il a été privé ainsi que de la perte de ses droits à pension ; qu'il appartient seulement au ministre, pour réparer le préjudice de M. A... de lui verser la somme correspondant à la différence entre les montants nets de référence respectifs attribués aux agents affectés en administration centrale et ceux attribués aux agents des services déconcentrés soit 593,84 euros, à charge pour le ministre de procéder à la reconstitution équivalente des droits à pension au regard du RAFP, en procédant au versement de la somme correspondante pour l'année 2014 ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
11. Considérant que la créance détenue sur l'administration existe, en principe, à la date à laquelle se produit le fait qui en est la cause ; que la somme de 593,84 euros déterminée au point 10 ne saurait porter intérêts à compter du 2 mai 2014, date de réception de la réclamation préalable du 29 avril 2014, dès lors que cette réclamation est antérieure au fait générateur du préjudice ; que si, saisie d'une demande tendant au paiement de cette créance, l'administration est tenue d'y faire droit dès lors que celle-ci est fondée, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil, lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue à l'administration ; qu'en l'espèce, la demande de paiement doit être regardée comme parvenue le 5 juin 2015, date de réception par l'administration du mémoire en date du 5 mai 2015 par lequel le requérant a actualisé son préjudice en incluant la perte de rémunération pour l'année 2014 ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a accordé à M. A... la somme de 708,34 euros ; qu'il y a lieu, en conséquence de ramener cette condamnation à la somme de 593,84 euros à verser à M. A... en guise d'indemnité au principal, augmentée des intérêts au taux légal au 5 juin 2015, ainsi que du produit de leur capitalisation au 5 juin 2016 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; que, par voie de conséquence, le jugement n° 1406263 du tribunal administratif de Marseille du 9 janvier 2017 doit être réformé en ce sens ; qu'en revanche, il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête de M. A... enregistrée sous le n° 17MA00959 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une quelconque somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 708,34 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. A... en réparation de son préjudice au titre de l'année 2014 par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 janvier 2017 est ramenée à la somme de 593,84 euros.
Article 2 : Ce montant de 593,84 euros portera intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2015. Les intérêts porteront intérêts au 5 juin 2016 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 janvier 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Coutel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 décembre 2018.
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N° 17MA00941, 17MA00959