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10/12/2018 | FRANCE | N°18MA02155

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 10 décembre 2018, 18MA02155


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 23 juin 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1708626 du 23 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête

enregistrée le 11 mai 2018, M.D..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 23 juin 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1708626 du 23 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 mai 2018, M.D..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 23 juin 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de cent euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois en le munissant d'une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;

- elle ne procède pas d'un examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- ont en outre été méconnues les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit d'observations.

M. D...s'est vu refuser l'aide juridictionnelle par une décision du 26 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de New-York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1998 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. B...Zupan, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., né le 14 juillet 1980, de nationalité nigériane est entré en France le 27 juillet 2008, selon ses déclarations, et y déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 avril 2009 ultérieurement confirmée par la cour nationale du droit d'asile. Il a sollicité en décembre 2016 un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par l'arrêté contesté, en date du 23 juin 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône lui en a refusé la délivrance, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel, passé ce délai, M. D...pourrait être renvoyé d'office.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

3. M. D...est père d'une enfant née le 5 avril 2009 en Guinée et entrée en France le 24 décembre 2010 avec sa mère, Mme C...E...D..., qui, ayant ensuite noué une nouvelle relation et donné naissance à un enfant français en novembre 2011, a obtenu pour cette raison une carte de résident de dix ans valable jusqu'au 4 janvier 2026. Cet enfant français jouissant d'un droit inconditionnel à vivre en France, Mme D...a elle-même vocation à y vivre durablement. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, en particulier d'attestations de MmeD..., de deux médecins généralistes et de directrices d'école, que le requérant contribue de façon active à l'éducation et, dans la mesure où ses ressources financières le lui permettent, à l'entretien de la petite Odunaya Esther. Celle-ci serait nécessairement privée de la présence de son père, en exécution de l'arrêté contesté, si elle devait rester en France avec sa mère et son demi-frère de nationalité française, ou de la présence de sa mère si elle devait au contraire accompagner le requérant dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le refus de séjour opposé par le préfet des Bouches-du-Rhône porte atteinte à l'intérêt supérieur de cette enfant et, en conséquence, méconnaît l'article 3-1 précité de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 23 juin 2017. Il est, par suite, fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. Compte tenu de la portée du motif d'annulation retenu au point 3, le présent arrêt implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à M. D...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il convient de lui assigner pour ce faire un délai d'un mois. Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. D...d'une somme de 1 500 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 janvier 2018 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 23 juin 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est fait injonction au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M.D..., dans le mois suivant la notification du présent arrêt, un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Article 3 : L'Etat versera à M.D..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...D..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2018, où siégeaient :

- M. B... Zupan, président,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 décembre 2018.

N° 18MA02155 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA02155
Date de la décision : 10/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. David ZUPAN
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : ANT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-10;18ma02155 ?
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