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10/12/2018 | FRANCE | N°18MA02046

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 10 décembre 2018, 18MA02046


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté, en date du 24 octobre 2017, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1705085 du 6 avril 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2018, M.

E..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté, en date du 24 octobre 2017, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1705085 du 6 avril 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2018, M. E..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 24 octobre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, d'une part, de lui délivrer à bref délai le titre de séjour sollicité, avec autorisation de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'autre part, de mettre à jour le fichier du système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il méconnaît les dispositions de l'instruction ministérielle du 10 mars 2014 et celles de la circulaire du 2 novembre 2016 relatives aux délais d'instruction ;

- cet arrêté est insuffisamment motivé ;

- son état de santé nécessite une prise en charge médicale ;

- le préfet a fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur sa situation ;

- il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- l'arrêté contesté a été pris en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit d'observations.

M. E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... Zupan, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., né le 25 janvier 1980, de nationalité nigériane, est entré en France, selon ses déclarations, le 13 février 2012 et y a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 10 septembre 2012 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 11 juillet 2014. Il a ensuite obtenu en 2015, pour raison de santé, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", qui a été renouvelé l'année suivante. Par l'arrêté contesté du 24 octobre 2017, le préfet des Alpes-Maritimes a cependant refusé de renouveler une seconde fois ce titre de séjour, a fait obligation à M. E... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel, passé ce délai, il pourrait être reconduit d'office.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'arrêté contesté vise les textes dont il fait application, en particulier l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se réfère également à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelle les conditions d'entrée et de séjour de M. E... ainsi que les principaux éléments de sa situation familiale et expose les raisons pour lesquelles le titre de séjour demandé est refusé. Il a ainsi été satisfait aux exigences des articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. Par ailleurs, il ne ressort ni de cette motivation, qui n'est pas stéréotypée, ni des autres pièces du dossier que le préfet des Alpes-Maritimes aurait méconnu son obligation de procéder à un examen particulier de la situation de M. E....

3. En deuxième lieu, le requérant ne peut utilement se prévaloir, pour arguer d'irrégularités de procédure, des dispositions de l'instruction ministérielle du 10 mars 2014 et de la circulaire du 2 novembre 2016, qui ne comportent aucune prescription de nature règlementaire.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier. / A cet effet, le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A du présent arrêté ". L'article 2 de cet arrêté dispose : " Le certificat médical, dûment renseigné et accompagné de tous les documents utiles, est transmis sans délai, par le demandeur, par tout moyen permettant d'assurer la confidentialité de son contenu, au service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'adresse a été préalablement communiquée au demandeur ". Aux termes de l'article 6 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

5. D'une part, si le requérant soutient que le préfet aurait dû respecter un délai de trois mois entre la date de saisine du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et la date à laquelle la décision de refus de titre de séjour a été prise, aucune des dispositions précitées ne prévoit un tel délai.

6. D'autre part, M. E..., qui souffre de vitiligo et de pelade areata, soutient que ces pathologies l'exposent, en cas de carence thérapeutique, à des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne peut bénéficier des soins appropriés dans son pays d'origine. Toutefois, les certificats médicaux dont il se prévaut, imprécis et du reste relativement anciens, ne permettent pas d'infirmer l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui réfute l'existence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défauts de soins. Ils ne permettent d'ailleurs pas davantage d'établir que les maladies dont le requérant est atteint échapperaient aux ressources thérapeutiques de son pays d'origine et qu'il ne pourrait effectivement bénéficier des soins requis. Le moyen tiré de l'inexacte application de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut dès lors être accueilli.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Le requérant fait valoir qu'il réside en France depuis 2012, qu'il vit en concubinage depuis octobre 2015 avec Mme C...B..., compatriote titulaire d'une carte de séjour " vie privée et familiale " en cours de validité, et que ses deux frères vivent également sur le territoire national. Toutefois, M. E..., célibataire et sans enfant, a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans dans son pays d'origine et ne justifie, par les pièces versées aux débats, ni d'une communauté de vie ancienne et stable avec Mme B... ni d'une insertion significative dans la société française. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour ne peut être regardé comme portant au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2017. Sa requête doit dès lors être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2018, où siégeaient :

- M. A... Zupan, président,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 décembre 2018.

N° 18MA02046 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA02046
Date de la décision : 10/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. David ZUPAN
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : YOULOU

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-10;18ma02046 ?
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