Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 25 juillet 2014 par laquelle la directrice des ressources humaines de la société Orange (Orange Labs Produits et Services) a refusé de reconnaître comme imputables au service les éléments de faits transmis le 8 août 2008 à la commission des accidents du travail de France Télécom, la décision implicite de rejet opposée par la société Orange à sa demande datée du 20 janvier 2016 tendant à ce que soit reconnue l'imputabilité au service de son état de santé et la décision du 14 avril 2016 par laquelle le directeur des ressources humaines de la société Orange l'a déclaré apte à la reprise à compter du 15 janvier 2015 en tant qu'elle ne porte pas sur la période du 2 avril 2014 au 14 janvier 2015, d'autre part, de condamner la société Orange à lui payer les sommes, respectivement, de 50 000 euros et de 123 871 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de ces deux dernières décisions.
Par un jugement n° 1407100, 1604220, 1604917 du 13 mars 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 mai 2017 et le 12 novembre 2018, M. B..., représenté par Me A...C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 mars 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 25 juillet 2014 par laquelle la directrice des ressources humaines de la société Orange (Orange Labs Produits et Services) a refusé de reconnaître comme imputable au service les éléments de faits transmis le 8 août 2008 à la commission des accidents du travail de France Télécom, la décision implicite de rejet opposée par la société Orange à sa demande datée du 20 janvier 2016 tendant à ce que soit reconnue l'imputabilité au service de son état de santé et la décision du 14 avril 2016 par laquelle le directeur des ressources humaines de la société Orange l'a déclaré apte à la reprise à compter du 15 janvier 2015 en tant qu'elle ne porte pas sur la période du 2 avril 2014 au 14 janvier 2015 ;
3°) d'enjoindre à la société Orange de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé et de lui accorder le bénéfice des droits attachés à cette reconnaissance ;
4°) d'ordonner une mesure d'expertise médicale ;
5°) de condamner la société Orange à lui verser les sommes de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à ses droits par suite de l'illégalité des décisions refusant de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé et de 123 871 euros à titre de dommages-intérêts au titre des préjudices subis résultant de l'illégalité de la décision du 14 avril 2016 ;
6°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
* la procédure portant sur la reconnaissance de l'imputabilité au service de son affection n'entrait pas dans le champ d'application du décret du 14 mars 1986, dont les dispositions ont en tout état de cause été méconnues ;
* la décision du 25 juillet 2014 est insuffisamment motivée ;
* la dégradation de son état de santé est en lien direct et certain avec les agissements de son employeur à son encontre ;
* il devait être déclaré apte à compter du 2 avril 2014 eu égard à l'illégalité des décisions le plaçant en congé de maladie d'office qui méconnaissent les dispositions de l'article 34 du décret du 14 mars 1986 ;
* l'illégalité des décisions refusant de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé justifie l'allocation d'une somme de 100 000 euros au titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à ses droits ;
* l'illégalité de la décision du 14 avril 2016 justifie la condamnation d'Orange à lui verser une somme de 123 871 euros à titre de dommages-intérêts.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 novembre 2017 et le 16 novembre 2018, la société Orange, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
* la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
* la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
* la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
* le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
* le décret n° 2004-1247 du 22 novembre 2004 ;
* le décret n° 2014-107 du 4 février 2014 ;
* le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
* le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
* les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
* et les observations de Me A... C..., représentant M. B... et de MeD..., représentant la société Orange.
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision du 25 juillet 2014 par laquelle la directrice des ressources humaines de la société Orange (Orange Labs Produits et Services) a refusé de reconnaître comme imputable au service les éléments de faits transmis le 8 août 2008 à la commission des accidents du travail de France Télécom et la décision implicite de rejet opposée par la société Orange à la demande de M. B... datée du 20 janvier 2016 tendant à ce que soit reconnue l'imputabilité au service de son état de santé :
1. D'une part, par lettre du 8 août 2008, M. B... a demandé à France Télécom de saisir la commission de réforme afin que celle-ci se prononce sur l'imputabilité au service des troubles dont il était atteint, lesquels avaient justifié son placement en congé de maladie. Par un jugement du 9 juillet 2010, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision implicite résultant du silence gardé par France Télécom sur cette demande et a enjoint à ce dernier de recueillir l'avis de la commission de réforme dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement. Par un jugement du 27 mars 2014, le tribunal administratif a décidé qu'une astreinte serait prononcée à l'encontre de la société Orange, venue aux droits de France Télécom, si celle-ci ne justifiait pas avoir exécuté ce jugement dans le délai de quatre mois suivant la notification de ce jugement. Conformément à l'avis émis le 10 juillet 2014 par la commission de réforme, la directrice des ressources humaines de la société Orange (Orange Labs Produits et Services) a, par une décision du 25 juillet 2014, rejeté la demande présentée par M. B... le 8 août 2008.
2. D'autre part, par un courrier du 20 janvier 2016, qui n'a recueilli aucune réponse, M. B... a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service, du fait de l'inadéquation des affectations successives dont il a fait l'objet, de " troubles réactionnels " constitués d'anxiété, souffrance, asthénie, problèmes cognitifs, pathologies de surcharge ou " burn out ", troubles constatés en 2012 et qui ont justifié un placement en congé de maladie d'office pendant trois mois à partir du 22 février 2012 à la suite de son affectation dans un service de documentation.
3. Par le jugement attaqué du 13 mars 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 25 juillet 2014 citée au point 1 et de la décision implicite de rejet opposée par la société Orange à la demande du 20 janvier 2016 citée au point 2.
4. Aux termes de l'article 1er du décret du 4 février 2014 relatif à la création du comité médical national et de la commission de réforme nationale de la société anonyme Orange: " Il est institué au sein de la société anonyme Orange un comité médical national dont la composition, le fonctionnement et les attributions sont identiques à ceux du comité médical prévus par l'article 5 du décret du 14 mars 1986 susvisé (...) Le secrétariat du comité médical national est assuré par un médecin désigné à cet effet par le président du conseil d'administration d'Orange. (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Il est institué au sein de la société anonyme Orange une commission de réforme nationale qui exerce les fonctions des commissions de réforme prévues à l'article 10 du décret du 14 mars 1986 susvisé (...) Le secrétariat de la commission de réforme nationale est celui du comité médical national prévu à l'article 1er du présent décret. ". L'article 3 de ce décret dispose : " Le comité médical national d'Orange et la commission de réforme nationale d'Orange sont compétents : / 1° Pour les fonctionnaires de France Télécom exerçant leurs fonctions à Orange ; / 2° Pour les fonctionnaires de France Télécom exerçant leurs fonctions à Orange ou dans les filiales d'Orange dans les conditions prévues par le décret du 17 septembre 2004 susvisé ; / 3° Pour les fonctionnaires de France Télécom placés dans une position statutaire prévue au deuxième alinéa de l'article 16 et à l'article 17 du décret du 14 mars 1986 susvisé. ".
5. Il est constant que M. B..., fonctionnaire de France Télécom, relève de l'une des situations énumérées à l'article 3 du décret du 4 février 2014. Ainsi, la décision attaquée du 25 juillet 2014, qui est intervenue après que la commission de réforme nationale prévue par les dispositions précitées de ce décret a émis un avis selon les règles de fonctionnement fixées à l'article 10 du décret du 14 mars 1986, a été prise après une procédure régulière. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que le secrétariat du comité médical national, qui est également celui de la commission de réforme nationale, n'aurait pas été assuré par un médecin désigné à cet effet par le président du conseil d'administration d'Orange.
6. La décision du 25 juillet 2014 vise les considérations de droit et de fait qui la fondent, s'agissant notamment des motifs tirés de ce qu'il n'existait pas de fait accidentel avéré et précis, la demande de M. B... n'étant pas accompagnée d'un certificat médical initial d'accident de travail, et que n'était pas démontrée l'existence d'une relation entre les arrêts de maladie de l'intéressé et le service. Par suite, cette décision est suffisamment motivée au regard des exigences posées par les articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, désormais reprises à l'article L. 211-2 du code des relations entre l'administration et le public.
7. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (...) / Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie. ". Aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " La commission de réforme est consultée notamment sur : / 1. L'application des dispositions du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée (...) ". Le bénéfice de ces dispositions est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct avec l'exercice des fonctions.
8. Il ressort des pièces du dossier que, à partir du 1er août 1996, ainsi que l'ont constaté plusieurs décisions de la juridiction administrative à l'occasion de litiges antérieurs opposant M. B... à son employeur, le requérant a fait l'objet de très nombreux changements de poste et que les emplois occupés ou les fonctions qui lui ont été confiées ne correspondaient pas, à plusieurs reprises, à son grade et qu'il n'a pas toujours bénéficié des formations appropriées ni des moyens nécessaires à l'exercice de ces fonctions. Il a également été placé en congé de maladie à compter du 12 décembre 2002 sans que cette décision soit justifiée par l'état de santé de l'intéressé. Il n'a plus été noté à partir de 2007. Par un arrêt du 4 juin 2013, la Cour a annulé la décision implicite par laquelle France Télécom avait rejeté la demande de M. B... présentée le 30 septembre 2009 tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle des fonctionnaires au motif que les faits précités révélaient des agissements de harcèlement moral. Il résulte des deux rapports d'expertise élaborés à la demande du comité médical en 2006 que M. B... a présenté une décompensation dépressive au cours de l'année 2004, dans les suites de ses difficultés professionnelles. Cependant, il ressort de ces expertises et de celle qui a été réalisée le 12 mars 2008 en vue du placement de l'intéressé en congé de longue durée, que celui-ci présentait alors des troubles psychopathologiques ne relevant pas de la lignée dépressive. L'expert désigné en référé par le président du tribunal administratif de Marseille dans le cadre du litige portant sur le renouvellement de ce congé a constaté en juillet 2010 la présence d'un état de décompensation paranoïde avec des thèmes récurrents de préjudice et de persécution mais surtout d'un trouble majeur du cours de la pensée atteignant les fonctions cognitives.
9. Aux termes de l'article 32 du décret du 14 mars 1986, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Lorsque le congé de longue durée est demandé pour une maladie contractée dans l'exercice des fonctions, le dossier est soumis à la commission de réforme. Ce dossier doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné. La demande tendant à ce que la maladie soit reconnue comme ayant été contractée dans l'exercice des fonctions doit être présentée dans les quatre ans qui suivent la date de la première constatation médicale de la maladie. (...) ". Il est constant que M. B... était placé en congé de longue durée depuis le 7 janvier 2008 et jusqu'au 6 octobre 2010 lorsqu'il a demandé à France Télécom, par lettre du 8 août 2008, de saisir la commission de réforme afin que celle-ci se prononce sur l'imputabilité au service des troubles justifiant ce congé. Il résulte cependant du motif énoncé au point 8 que les troubles psychologiques qu'il présentait à cette date n'étaient pas de même nature que les troubles dépressifs constatés pour la première fois en 2002 par le médecin de prévention. Ainsi, la société Orange n'est pas fondée à soutenir que la demande formée par M. B... le 8 août 2008 était prescrite par application des dispositions de l'article 32 du décret du 14 mars 1986. Par ailleurs, dès lors que la nouvelle demande formée par le requérant le 20 janvier 2016 tend à ce que soit reconnue l'imputabilité au service des troubles qui sont à l'origine de son placement non pas en congé de longue durée mais en congé de maladie d'office pendant trois mois à partir du 22 février 2012, ces dispositions ne sont pas applicables à cet égard.
10. L'état du dossier ne permet pas à la Cour d'apprécier si les troubles psychologiques dont M. B... est atteint depuis 2008 constituent une évolution de son état dépressif constaté en 2002 et sont en relation avec l'exercice de ses fonctions. Dès lors, il y a lieu, avant de statuer sur la requête de M. B...d'ordonner une expertise sur ce point.
En ce qui concerne la décision du 14 avril 2016 par laquelle la directrice des ressources humaines de la société Orange (Orange Labs Produits et Services) a déclaré M. B... apte à la reprise à compter du 15 janvier 2015, en tant qu'elle ne porte pas sur la période du 2 avril 2014 au 14 janvier 2015 :
11. Aux termes de l'article 24 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " (...) en cas de maladie dûment constatée et mettant le fonctionnaire dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, celui-ci est de droit mis en congé de maladie ". L'article 34 du même décret dispose : " Lorsqu'un chef de service estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs hiérarchiques, que l'état de santé d'un fonctionnaire pourrait justifier qu'il lui soit fait application des dispositions de l'article 34 (3° ou 4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, il peut provoquer l'examen médical de l'intéressé dans les conditions prévues aux alinéas 3 et suivants de l'article 35 ci-dessous. Un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné doit figurer au dossier soumis au comité médical. ". Aux termes de l'article 7 de ce décret : " Les comités médicaux (...) sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : / (...) 2. L'octroi des congés de longue maladie et de longue durée ; / (...) 4. La réintégration après douze mois consécutifs de congé de maladie ou à l'issue d'un congé de longue maladie ou de longue durée (...) ". L'article 27 du même décret dispose : " (...) Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical (...) ".
12. Les dispositions de l'article 24 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ne subordonnent pas la mise en congé de maladie à une demande du fonctionnaire et ne sauraient donc par elles-mêmes faire obstacle à ce qu'un fonctionnaire soit placé d'office dans cette position dès lors que sa maladie a été dûment constatée et qu'elle le met dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Ainsi, lorsque l'administration a engagé une procédure de mise en congé de longue maladie conformément à l'article 34 du décret du 14 mars 1986, elle peut, à titre conservatoire et dans l'attente de l'avis du comité médical sur la mise en congé de longue maladie, placer d'office l'agent concerné en congé lorsque sa maladie a été dûment constatée et le met dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions.
13. Il ressort des pièces du dossier que, le 18 mars 2014, le médecin de prévention de la société Orange a estimé que M. B..., cadre classé III-3 occupant alors un emploi de métrologue, était temporairement inapte à ses fonctions, qu'il devait contacter son médecin traitant et qu'il serait revu à la reprise. Par une décision du 1er avril 2014, la directrice des ressources humaines de la société Orange (Orange Labs Produits et Services) a placé M. B..., en arrêt de travail depuis le 18 mars 2014, en congé de maladie d'office à compter du 2 avril 2014 pour la durée d'un mois et, par lettre du 11 avril 2014, a saisi le comité médical de son cas au titre de l'article 34 du décret du 14 mars 1986. Le comité médical a statué le 15 janvier 2015 en préconisant la réintégration à temps partiel thérapeutique du requérant pour une durée de trois mois à compter du jour même puis une reprise à temps plein. Par un avis du 22 mars 2016, le comité médical supérieur a confirmé l'avis du comité médical que contestait la société Orange. Compte tenu de la prolongation du congé initial prononcée à dix-sept reprises, M. B... a été maintenu en congé de maladie d'office du 2 avril 2014 au 30 avril 2016 avant que, par une décision du 14 avril 2016, la directrice des ressources humaines de la société Orange (Orange Labs Produits et Services) ne le déclare " apte à la reprise en date du 15 janvier 2015 ". Dans les circonstances de l'espèce, cette décision doit être regardée comme ayant prononcé la réintégration rétroactive de M. B... dans ses fonctions à compter du 15 janvier 2015.
14. L'avis émis le 18 mars 2014 par le médecin de prévention, qui avait été saisi par la société Orange à la suite de la réception d'un courriel envoyé par M. B... qui manifestait des intentions suicidaires, n'indiquait ni la durée estimée de l'inaptitude temporaire de cet agent, ni celle de son placement en congé de maladie, ni même la nécessité d'un tel congé. La réalité des intentions suicidaires de M. B... n'avait pas été confirmée après son admission la veille au service des urgences. Le médecin traitant de l'intéressé, qui l'avait placé en arrêt de travail pour une durée de quinze jours à compter du 18 mars 2014, a certifié, le 31 mars suivant que son état de santé lui permettait de reprendre le travail le 2 avril 2014. Le rapport écrit du médecin de prévention daté du 4 avril 2014, joint au dossier soumis au comité médical en application de l'article 34 du décret du 14 mars 1986, a constaté que le requérant se trouvait dans un état de souffrance et de mal être parasitant son activité professionnelle et justifiait de s'interroger sur sa capacité mentale ou physique d'exercer au sein de l'entreprise. À l'issue d'une consultation du 15 avril 2014, un psychiatre des hôpitaux de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille a conclu à l'absence de crise suicidaire et de tout élément psychotique. Le 12 mai 2014, le médecin psychiatre qui suit M. B... a certifié que celui-ci était apte à reprendre ses fonctions. Le 9 septembre 2014, l'expert désigné par le comité médical a considéré que l'état de l'intéressé ne justifiait pas l'octroi d'un congé de longue maladie ou de longue durée mais qu'il était apte à reprendre ses fonctions à temps partiel thérapeutique, en l'absence de troubles psychiatriques décompensés. Un second expert consulté à la demande du comité médical a émis un avis le 15 janvier 2015 dont les conclusions étaient identiques. Un dernier expert consulté le 28 janvier 2016 à la demande du comité médical supérieur a conclu à l'aptitude aux fonctions de M. B....
15. Il résulte de l'ensemble des avis médicaux cités au point précédent que si M. B... présentait au cours de la période litigieuse des troubles de la personnalité ayant une répercussion sur son activité professionnelle, son état de santé ne pouvait être regardé comme le mettant dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions entre 2 avril 2014 et au moins le 14 janvier 2015. Par suite, en le plaçant et en le maintenant en congé de maladie d'office au cours de cette période, sans qu'un avis médical ne justifie cette mesure, la directrice des ressources humaines de la société Orange a méconnu les dispositions de l'article 34 du décret du 14 mars 1986. En conséquence, les décisions par lesquelles elle a placé puis maintenu M. B... en congé de maladie d'office du 2 avril 2014 au 14 janvier 2015 sont entachées d'illégalité. En déclarant par ailleurs M. B... apte à la reprise et à prononcer sa réintégration à compter du 15 janvier 2015 seulement et non pas du 2 avril 2014, cette autorité a entaché sa décision d'illégalité.
16. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 14 avril 2016 par laquelle la directrice des ressources humaines de la société Orange (Orange Labs Produits et Services) l'a déclaré apte à la reprise à compter du 15 janvier 2015, en tant qu'elle ne porte pas sur la période du 2 avril 2014 au 14 janvier 2015.
Sur les conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité de la décision du 14 avril 2016 :
17. Ainsi qu'il résulte des motifs énoncés aux points 14 et 15, la décision attaquée du 14 avril 2016 est illégale. Le requérant demande la condamnation de la société Orange à lui verser une somme de 123 871 euros en réparation du préjudice constitué par son retrait de la vie professionnelle durant près de deux années. Ce préjudice ne résulte cependant pas de l'illégalité de la décision du 14 avril 2016 mais de celle des décisions par lesquelles il a été placé puis maintenu en congé de maladie d'office. Dès lors qu'il ne s'est prévalu dans sa demande de première instance n° 1604917 que de l'illégalité de la décision du 14 avril 2016, il n'est pas recevable à invoquer en appel un fait générateur de responsabilité différent.
18. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité de la décision du 14 avril 2016.
D É C I D E :
Article 1er : La décision du 14 avril 2016 par laquelle la directrice des ressources humaines de la société Orange (Orange Labs Produits et Services) a déclaré M. B... apte à la reprise à compter du 15 janvier 2015 est annulée en tant qu'elle ne porte pas sur la période du 2 avril 2014 au 14 janvier 2015.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de M. B..., procédé par un expert, désigné par la présidente de la Cour, à une expertise avec mission de :
1°) décrire l'état actuel de M. B... et son évolution depuis 2002 ;
2°) déterminer si les troubles psychologiques dont souffre M. B... et qui ont été constatés depuis 2008 sont en relation avec la dépression réactionnelle constatée en 2002, et dans l'affirmative, dans quelle mesure ;
3°) déterminer en quoi la nature des fonctions de l'intéressé et les conditions de travail et les décisions administratives dont M. B... a fait l'objet ont pu contribuer à l'apparition ou à l'aggravation de ces troubles ;
4°) d'une façon générale, recueillir tous éléments, notamment les documents radiologiques détenus par M. B..., et faire toutes autres constatations utiles de nature à éclairer la Cour.
Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par la présidente de la Cour dans sa décision le désignant.
Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour qu'il y soit statué en fin d'instance.
Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et à la société anonyme Orange.
Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018, où siégeaient :
* M. Gonzales, président,
* M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
* M. Jorda, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 décembre 2018.
N° 17MA01901 2