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30/11/2018 | FRANCE | N°18MA01178

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2018, 18MA01178


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupe Services France a demandé au tribunal administratif de Nice d'une part, d'annuler la décision du 12 janvier 2015 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour faute de Mme C...D..., ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté le recours hiérarchique formé à l'encontre de cette décision, d'autre part, d'enjoindre à l'administration d'autoriser le licenciement de l'intéressée, sous astreinte de 50 euros par jour

de retard.

Par un jugement n° 1503310 du 2 janvier 2018, le tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupe Services France a demandé au tribunal administratif de Nice d'une part, d'annuler la décision du 12 janvier 2015 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour faute de Mme C...D..., ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté le recours hiérarchique formé à l'encontre de cette décision, d'autre part, d'enjoindre à l'administration d'autoriser le licenciement de l'intéressée, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1503310 du 2 janvier 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 mars 2018 et le 20 avril 2018, la société Groupe Services France, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 2 janvier 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 12 janvier 2015 de l'inspectrice du travail et la décision implicite du ministre chargé du travail rejetant son recours hiérarchique ;

3°) d'enjoindre à l'administration d'autoriser le licenciement de Mme D..., sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'autorité administrative à reconnu l'existence d'une faute commise par le salarié ;

- l'inspecteur du travail ne s'est pas prononcé sur l'ensemble des griefs émis par l'employeur et notamment sur les mensonges et manoeuvres visant à porter préjudice à M. E... ;

- les faits, pris dans leur ensemble, revêtent une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressée ;

- son comportement a occasionné un préjudice à l'entreprise.

La requête a été communiquée à Mme D... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

La requête a été communiquée à la ministre du travail qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guidal,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société Groupe Services France.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., membre titulaire du comité d'entreprise et déléguée du personnel titulaire, exerçait les fonctions d'assistante administrative du personnel au sein de la société Groupe Services France. Elle était également secrétaire du comité d'entreprise. Cette société a demandé à l'inspectrice du travail l'autorisation de la licencier pour motif disciplinaire. L'inspectrice du travail ayant refusé par une décision du 12 janvier 2015 d'accorder l'autorisation sollicitée, la société a saisi par recours hiérarchique le ministre chargé du travail, lequel a implicitement rejeté ce recours. La société Groupe Services France relève appel du jugement du 2 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article R. 2421-10 du code du travail, " la demande d'autorisation de licenciement (...) énonce les motifs du licenciement envisagé ". D'une part, lorsque l'employeur sollicite de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier un salarié protégé, il lui appartient de faire état avec précision, dans sa demande de la cause justifiant, selon lui, ce licenciement. Si le licenciement a pour cause un motif disciplinaire il incombe à l'employeur d'énoncer précisément les griefs formulés à l'encontre du salarié. D'autre part, l'inspecteur du travail ne peut, pour accorder l'autorisation demandée, se fonder sur d'autres motifs que ceux énoncés dans la demande et doit se prononcer sur l'ensemble des griefs invoqués par l'employeur qui peuvent légalement fonder sa décision.

3. Il ressort des pièces du dossier que la société Groupe Services France a, par un courrier du 12 novembre 2014, demandé à l'inspectrice du travail l'autorisation de licencier pour faute Mme D..., au motif qu'elle avait établi une fausse facture avec le matériel de l'entreprise au profit de l'un de ses collègues de travail, mais également qu'elle avait dénoncé ce collègue dans le but de lui porter préjudice et avait proféré de manière réitérée des mensonges auprès de son employeur ainsi que du comité d'entreprise et s'était livrée à des manipulations en vue de nuire à ce même collègue. Si l'inspectrice du travail a relevé que la confection d'une fausse facture ne constituait pas, dans les circonstances de l'espèce, une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de Mme D..., en revanche, elle ne s'est pas prononcée sur le grief tiré des manoeuvres, mensonges et manipulations reprochés à l'intéressée dans le but de nuire à un collègue de travail qui était précisément énoncé dans la demande. Ainsi, l'inspectrice du travail s'est méprise sur l'étendue du contrôle qu'il lui appartenait d'exercer et a entaché sa décision d'une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Groupe Services France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 janvier 2015 de l'inspectrice du travail ainsi que la décision implicite du ministre chargé du travail rejetant son recours hiérarchique contre cette décision.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision cette mesure, assortie le cas échéant d'un délai d'exécution ".

6. Le présent arrêt n'impose pas la délivrance de l'autorisation de licenciement sollicitée, mais seulement le réexamen de la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Groupe Services France. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à l'inspecteur du travail compétent de statuer à nouveau dans un délai de deux mois sur cette demande à compter de la date de notification du présent arrêt, en fonction des circonstances de droit et de fait existant à la date de ce réexamen. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à la société Groupe Services France, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 2 janvier 2018, la décision du 12 janvier 2015 de l'inspectrice du travail ainsi que la décision implicite du ministre chargé du travail rejetant le recours hiérarchique contre cette décision sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à l'inspecteur du travail territorialement compétent de procéder au réexamen de la demande d'autorisation de licenciement de Mme D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société Groupe Services France une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Groupe Services France, à Mme C...D... et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2018 où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 novembre 2018.

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N° 18MA01178

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA01178
Date de la décision : 30/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Absence de faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : YVANT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-11-30;18ma01178 ?
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