La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2018 | FRANCE | N°18MA01287

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 26 novembre 2018, 18MA01287


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 février 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1703439 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 mars 2018, Mme C..., représentée par Me B..., dema

nde à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 février 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1703439 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 mars 2018, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 27 février 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou la mention " salarié ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, subsidiairement, d'ordonner le réexamen de sa demande de carte de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros toutes taxes comprises à verser à son conseil, lequel renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant du refus de séjour :

- la décision est entachée d'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- elle n'est pas suffisamment motivée au regard de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant tenu de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour au motif qu'elle était entrée en France sans visa de long séjour ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

- cette décision est entachée d'incompétence ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision portant fixation du délai de départ volontaire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 20 septembre 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme E... Steinmetz-Schies, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., née le 1er janvier 1967, de nationalité marocaine, est entrée en France, sous couvert d'un visa de long séjour, le 18 mars 2010 et s'y est maintenue irrégulièrement. Elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, la mention " salarié ". Par un arrêté du 27 février 2018 le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel, passé ce délai, elle pourrait être reconduite d'office.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'arrêté attaqué a été signé par M. Pascal Othéguy, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, qui a reçu, par arrêté du 13 novembre 2016 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs du département, délégation à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault et notamment dans les affaires intéressant plusieurs services départementaux des administrations civiles de l'Etat à l'exception, d'une part, des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation par temps de guerre, d'autre part, de la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962. La circonstance que les dispositions de ce décret ont été abrogées par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique est sans incidence sur la régularité de la délégation accordée à M. D..., dont la matière concernée, quoique désormais régie par ce dernier décret, demeure en tout état de cause exclue et qui, en conséquence, ne revêt donc pas un caractère général. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté doit être écarté.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, la décision litigieuse comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. La circonstance alléguée que le préfet n'aurait pas indiqué avoir examiné la situation de la requérante au regard du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, en raison de la présence en France de sa fille mineure, ne saurait caractériser un défaut de motivation. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et, en particulier, des mentions de la décision contestée elle-même, que le préfet de l'Hérault a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de Mme C... avant de refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité.

5. En troisième lieu, en se bornant à indiquer dans la décision contestée que Mme C... est dépourvue de visa de long séjour et qu'il n'est donc pas tenu de statuer sur la demande d'autorisation de travail, le préfet n'a nullement estimé qu'il se trouvait en situation de compétence liée pour refuser de l'admettre au séjour. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

7. Mme C... fait valoir qu'elle est entrée en France le 18 mars 2010 sous couvert d'un visa de long séjour, qu'elle est séparée de son mari qui s'est remarié au Maroc, que sa fille l'a rejointe en juin 2015 et est scolarisée en cinquième, qu'elle bénéficie d'une promesse d'embauche en qualité d'aide ménagère, qu'elle n'a plus d'attaches au Maroc, ses parents étant tous deux décédés, et qu'elle a des problèmes de santé justifiant qu'elle reste en France. Toutefois, la requérante a vécu au moins jusqu'à l'âge de 43 ans dans son pays d'origine, et ne justifie, par les pièces versées aux débats, ni d'une particulière insertion dans la société française ni d'une présence habituelle et continue en France depuis le 18 mars 2010. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de l'Hérault, en lui refusant le titre de séjour sollicité, aurait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale et de sa situation personnelle une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Par suite, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

8. En cinquième lieu, si la requérante invoque l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'apporte à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance de cette disposition, à le supposer réellement soulevé, aucun élément permettant son examen.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, pour l'ensemble des motifs qui viennent d'être énoncés au point 7, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de l'intéressée et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

11. En l'absence de toute circonstance mettant Mme C... dans l'impossibilité d'emmener avec elle sa fille mineure, laquelle a vécu jusqu'à l'âge de onze ans au Maroc, la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

12. En troisième lieu, en se bornant à faire valoir, sans autre précision, que le délai de départ volontaire de trente jours fixé par l'arrêté en litige est insuffisant eu égard à la durée de son séjour en France et à la scolarisation de sa fille, Mme C... n'établit pas que le préfet de l'Hérault aurait commis, à ce titre, une erreur manifeste d'appréciation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 27 février 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 s'opposent à ce que la somme réclamée par Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2018, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme E... Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 novembre 2018.

N° 18MA01287 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA01287
Date de la décision : 26/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-11-26;18ma01287 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award