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22/11/2018 | FRANCE | N°16MA02850

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 22 novembre 2018, 16MA02850


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Toulon de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer, à titre principal, la somme provisionnelle de 100 000 euros et, à titre subsidiaire, la somme de

310 201,54 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge par cet établissement de soins le 11 avril 2001 et d'ordonner une nouvelle expertise.

Par un jugement n° 1303026 du 12 mai 2016, le tribunal administra

tif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Toulon de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer, à titre principal, la somme provisionnelle de 100 000 euros et, à titre subsidiaire, la somme de

310 201,54 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge par cet établissement de soins le 11 avril 2001 et d'ordonner une nouvelle expertise.

Par un jugement n° 1303026 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2016, MmeB..., représentée par

MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 12 mai 2016 ;

2°) à titre principal

- d'ordonner une nouvelle expertise ;

- de condamner le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer à lui verser la somme provisionnelle de 345 000 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer à lui verser la somme 345 000 euros ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- une nouvelle expertise présente une utilité dès lors que l'expert n'a pas répondu à une question de sa mission, que le dire de son médecin conseil est de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert, que la mention d'une couleur de peau erronée a été déterminante et qu'elle justifie de la persistance de douleurs depuis l'intervention ;

- s'agissant de la responsabilité sans faute, il y a lieu de faire application de la jurisprudence antérieure à la loi du 4 mars 2002 ;

- la prise d'un traitement antalgique pendant plus de 10 ans présente le caractère d'extrême gravité requis par la jurisprudence ;

- la responsabilité pour faute de l'établissement de soins est engagée en l'absence de prise en charge de la fièvre lors de son hospitalisation ;

- elle n'a pas été informée des risques de la pratique d'une césarienne avant ni après l'intervention ;

- la tuberculose contractée après la césarienne a eu des conséquences sur la cicatrisation.

Par un mémoire, enregistré le 19 septembre 2016, la caisse primaire d'assurance maladie du Var déclare n'avoir aucune observation à formuler.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2018, le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la mesure d'expertise ne présente pas d'utilité ;

- l'erreur de plume ne concerne pas la couleur de peau de la patiente ;

- la couleur de peau est sans incidence, l'expert ayant examiné la patiente ;

- la persistance de douleurs au niveau de la cicatrice n'est pas établie ;

- aucune faute médicale n'est démontrée ;

- la requérante n'établit pas que les préjudices dont elle demande réparation sont la conséquence exclusive des fautes médicales alléguées.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...a subi une césarienne au centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer le 11 avril 2001. Le 17 octobre 2011, la cicatrice de césarienne a fait l'objet d'une reprise chirurgicale pour hypertrophie. Saisi le 17 août 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a ordonné le 24 octobre 2012 une expertise portant sur les conditions de la prise en charge de MmeB....

2. Celle-ci interjette appel du jugement du 12 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise et à ce que le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer soit condamné à lui payer la somme provisionnelle de 100 000 euros et, à titre subsidiaire, la somme de 310 201,54 euros en réparation du préjudice qu'elle estime subir du fait de sa prise en charge médicale.

Sur la demande d'expertise :

3. La prescription d'une mesure d'expertise est subordonnée au caractère utile de cette mesure. Il appartient au juge, saisi d'une demande d'expertise dans le cadre d'une action en réparation des conséquences dommageables d'un acte médical, d'apprécier son utilité au vu des pièces du dossier, notamment, le cas échéant, des rapports des expertises prescrites antérieurement s'ils existent, et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon le demandeur, la mesure sollicitée.

4. Il ressort du rapport que le médecin expert a précisé que les sutures chirurgicales avait été réalisées avec des fils de ligature de type résorbable et que la prise en charge de Mme B...lors de la césarienne avait été attentive, diligente et conforme aux données de la science. Le rapport répond ainsi à l'ensemble de la mission fixée par l'ordonnance du 12 mai 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon.

5. L'expert a relevé qu'en l'absence d'anomalie de la paroi abdominale au niveau de la cicatrice, la lésion relevée superficielle et ne concernant pas la zone aponévrotique avait pour origine une évolution défavorable de la cicatrisation du fait de la qualité des tissus cutanés de la patiente et que l'hypertrophie cutanée de la cicatrice et le granulome étaient indépendants de toute erreur fautive dans la prise en charge obstétricale. Le dire, qui n'est pas documenté, établi par le médecin ayant pratiqué, le 17 octobre 2011, la résection cutanée ne permet pas de remettre en cause les conclusions de l'expert.

6. L'expert a examiné la requérante le 27 novembre 2012. La seule circonstance que son rapport mentionne une couleur de peau que la patiente estime être inexacte n'est pas de nature à établir que l'analyse à laquelle l'expert a procédé est erronée.

7. Il ressort du rapport d'expertise que Mme B...n'a pas été prise en charge pour des douleurs à la cicatrice depuis 2001. En revanche, la requérante a souffert à partir de 2006 de diverses pathologies à la cheville droite, aux genoux, au poignet et au dos. Les documents médicaux produits postérieurement à l'expertise relatifs à la prescription depuis 2006 de traitements antalgiques et anti-inflammatoires à la requérante ne sont dès lors pas susceptibles d'établir que la cicatrice a engendré dès la césarienne et jusqu'à la reprise chirurgicale, dix ans plus tard, des souffrances récurrentes. Elle n'est, par suite, pas fondée à remettre en cause les conclusions du rapport d'expertise.

8. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la nouvelle demande d'expertise présentée par MmeB..., au motif qu'elle était dépourvue d'utilité.

Sur la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer :

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

9. Lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue, mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité.

10. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme B... a présenté une cicatrisation hypertrophique de la cicatrice de la césarienne. Les douleurs importantes qu'elle allègue avoir endurées pendant dix ans jusqu'à la résection de la cicatrice, dont le lien avec l'intervention pratiquée le 11 avril 2001 n'est au demeurant pas établi ainsi qu'il a été indiqué au point 7, ne peuvent être regardées comme présentant un caractère d'extrême gravité auquel est subordonnée la mise en jeu de la responsabilité sans faute du centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer.

En ce qui concerne le manquement à l'obligation d'information :

11. Lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. Il appartient à l'hôpital d'établir que l'intéressé a été informé des risques de l'acte médical.

12. Il n'est pas contesté en appel que la réalisation en urgence de la césarienne était requise du fait de l'aggravation des troubles du rythme cardiaque de l'un des foetus. Ainsi, et en tout état de cause, Mme B...n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer du fait de l'absence de délivrance après l'intervention chirurgicale d'une information sur les risques liés à la cicatrisation.

13. Dans ces conditions, Mme B... ne saurait davantage rechercher en appel qu'en première instance la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer pour défaut d'information.

En ce qui concerne la faute médicale :

14. Ainsi qu'indiqué au point 5, Mme B...a présenté une hypertrophie cutanée de la cicatrice de la césarienne pratiquée le 11 avril 2001 et un granulome consécutifs à une évolution défavorable de la cicatrice liée à la qualité des tissus de la patiente et indépendants de toute erreur fautive dans la prise en charge obstétricale.

15. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les suites de couches ont été simples sans fièvre et que Mme B...ne présentait pas de signe infectieux. La requérante ne communique aucun document médical de nature à démontrer qu'une fièvre n'aurait pas été prise en charge dans les suites de l'accouchement. Elle n'établit par les pièces qu'elle produit, relatives à son hospitalisation au centre hospitalier de Brignoles du 1er au 12 octobre 2001, ni qu'elle aurait contracté la tuberculose lors de son séjour au centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer ni que cette affection aurait compliqué la cicatrisation.

16. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que Mme B...n'était pas fondée à invoquer une faute du centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer dans la survenance de l'hypertrophie cutanée de la cicatrice de césarienne et d'un granulome.

17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de prescrire une nouvelle expertise, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme B...demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B..., au centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 novembre 2018.

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N° 16MA02850


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