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20/11/2018 | FRANCE | N°18MA00449

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 20 novembre 2018, 18MA00449


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 20 mai 2016 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud lui a infligé un blâme.

Par un jugement n° 1700076 du 8 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 31 janvier 2018, le 29 octobre 2018 et le 31 octobre 2018, M. D... représenté par Me C... demande à la Cour :
r>1°) d'annuler le jugement du 8 janvier 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 20 mai 2016 par laquelle ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 20 mai 2016 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud lui a infligé un blâme.

Par un jugement n° 1700076 du 8 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 31 janvier 2018, le 29 octobre 2018 et le 31 octobre 2018, M. D... représenté par Me C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 janvier 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 20 mai 2016 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud lui a infligé un blâme ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a estimé à tort que la décision en litige était suffisamment motivée ;

- le tribunal ne pouvait, sans dénaturer les faits de l'espèce, retenir un comportement inadapté depuis plusieurs années ; il n'a pas précisé en quoi son comportement aurait perturbé le fonctionnement du service ni répondu au grief tenant au harcèlement moral subi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Tahiri,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M.D....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 20 mai 2016, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a infligé à M. D..., brigadier major de police, un blâme. M. D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler cette décision. Par un jugement du 8 janvier 2018, dont il relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 : " (...) L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ". Ces dispositions imposent à l'autorité qui prononce la sanction de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent concerné, de telle sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de cette décision, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision de sanction en litige mentionne qu'il est reproché à M. D... d'avoir commis des " négligences professionnelles ayant entraîné des dysfonctionnements dans le traitement de nombreux dossiers en lien avec le TGI de Marseille ". Cette décision comporte également un exposé détaillé des faits, précisant que la vice-présidente chargée de la coordination de la section générale de l'instruction du tribunal de grande instance de Marseille avait signalé, par courrier du 14 septembre 2015, le traitement de plusieurs commissions rogatoires confiées à M. D... et dont les délais de traitement n'avaient pas été respectés. Cette décision rappelle également les explications apportées par M. D... lors de son audition administrative du 6 octobre 2015, sa fonction de chef de groupe depuis 2014 et son choix de conserver le traitement des dossiers ouverts ainsi que de s'en attribuer de nouveaux. Une telle motivation est suffisamment circonstanciée pour mettre à même M. D... de déterminer les faits que l'autorité disciplinaire lui reprochait et ainsi les motifs de la sanction. Le moyen tiré d'une insuffisante motivation ne peut donc qu'être écarté.

4. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : / - l'avertissement ; - le blâme ;(...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. D'autre part, aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 14 septembre 2015 adressé à

la commissaire divisionnaire chef de la division de sécurité de proximité Sud, la vice-présidente chargée de la coordination de la section générale de l'instruction du tribunal de grande instance

de Marseille faisait part de son inquiétude quant au traitement de certaines commissions rogatoires confiées à la brigade de sûreté urbaine Sud et sollicitait expressément que M. D...,

en raison de son manque de diligence, de rigueur et de son attitude parfois cavalière à l'égard

des magistrats, ne soit plus en charge des commissions rogatoires délivrées par les juges d'instruction de sa section. Pour illustrer ces manquements, ce courrier évoquait pour le seul cabinet de la vice-présidente chargée de la coordination de la section générale de l'instruction quatre commissions rogatoires comprenant notamment celle numérotée B10/63 ayant nécessité quatre rappels et deux prorogations de délai et conclue par un dépôt de pièces révélant que quasiment aucun acte utile de procédure n'avait été réalisé pendant plusieurs années. S'agissant de la commission rogatoire B11/62, portant sur faits de violences d'une gravité significative, elle avait nécessité trois rappels de commissions rogatoires échelonnés entre février 2013 et février 2015 suivis d'une prorogation de commission rogatoire avec un dépôt partiel d'actes en août 2014 révélant l'identification d'un suspect par deux témoins sans que cela n'ait été suivi d'effets. Il ressort en outre du courrier du 31 mars 2014, adressé par M. D... en réponse à l'un des juges d'instruction qui lui avait transmis une demande d'explication sur le retard cumulé, que ce dernier avait personnellement été destinataire en février 2013 d'une commission rogatoire initialement transmise en 2011, que l'intéressé avait sollicité deux prorogations de délai dont la dernière arrivait à échéance le 31 octobre 2013 et qu'il avait fini par oublier cette commission rogatoire, en raison des multiples charges du service. Si M. D... indique avoir été confronté dans l'exercice de ses fonctions de chef du groupe des affaires générales à des difficultés d'organisation et de fonctionnement, liées notamment à un sous-effectif de ce service, ces difficultés, si elles peuvent expliquer un retard d'exécution ne peuvent justifier, une absence de diligences pendant plusieurs années, alors que des rappels de commissions rogatoires lui étaient vainement adressés et que, faute de mieux, des prorogations de commissions rogatoires lui étaient accordées aux fins d'absorber son retard. M. D... doit être regardé comme faisant valoir que les faits qui lui sont reprochés ne peuvent être appréciés sans prendre en compte aussi les circonstances dans lesquelles il a dû travailler et qu'il aurait subi un harcèlement moral de la part de sa hiérarchie. Cependant, alors qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement, les pièces versées par M. D... ne permettent pas de corroborer ses affirmations et de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Alors même que M. D... produit des témoignages de satisfactions et de remerciements émanant de collègues et de victimes, en estimant que les faits reprochés au requérant constituaient des fautes de nature à justifier une sanction, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ne les a pas inexactement qualifiés. En outre, la sanction infligée du blâme, sanction du premier groupe, n'est pas disproportionnée aux faits reprochés.

7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille, qui n'était pas tenu de répondre à chaque argument de la requête, a rejeté sa demande.

8. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse à M. D... une quelconque somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, où siégeaient :

- M. d'Izarn de Villefort, président,

- M. A... et Mme Tahiri, premiers conseillers.

Lu en audience publique le 20 novembre 2018.

N° 18MA00449 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00449
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs. Faits n'étant pas de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : M. D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : KALIFA-MERCYANO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-11-20;18ma00449 ?
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