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13/11/2018 | FRANCE | N°18MA01549

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2018, 18MA01549


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... K...et autres ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 avril 2016 par lequel le maire de la commune de Le Crès a délivré un permis de construire à l'association Multiculturelle 1432, en vue du changement de destination d'un local artisanal en local associatif, situé sur la parcelle cadastrée section CA, n°37 dans une zone artisanale de la commune.

Par un jugement n° 1603119 du 15 février 2018, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à le

ur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... K...et autres ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 avril 2016 par lequel le maire de la commune de Le Crès a délivré un permis de construire à l'association Multiculturelle 1432, en vue du changement de destination d'un local artisanal en local associatif, situé sur la parcelle cadastrée section CA, n°37 dans une zone artisanale de la commune.

Par un jugement n° 1603119 du 15 février 2018, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 10 avril et le 26 septembre 2018, l'association Multiculturelle 1432, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 février 2018 à l'exception de son article 1er ;

2°) de rejeter la demande de MM.K..., J..., D..., F..., Q...Mme O... H...et de la société " Espace Forme " ;

3°) de mettre à la charge solidaire de MM.K..., J..., D..., F..., Q...Mme O... H...et de la société " Espace Forme " une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appel incident de M. K...et autres est irrecevable ;

- la demande devant le tribunal était irrecevable faute d'intérêt pour agir des requérants ;

- le dossier de demande de permis comporte l'ensemble des pièces exigées par le code de l'urbanisme ;

- le projet respecte les exigences de l'article UI 12 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2018, MM.K..., J..., F..., MmeO...H...et la société " Espace Forme ", représentés par le Cabinet Maillot et associés, concluent au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation partielle du jugement uniquement en ce qu'il n'a pas retenu les moyens tirés de la non-conformité du projet à la destination de la zone UI, du non-respect des dispositions de l'article UI 13 du règlement du PLU et l'insuffisance du dossier de demande de permis de construire en l'absence de justification de l'existence légale des constructions existantes et, en tout état de cause, à la mise à la charge de l'association Multiculturelle 1432 et de la commune de Le Crès une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- les moyens soulevés par l'association Multiculturelle 1432 ne sont pas fondés ;

- les moyens qu'ils avaient développés devant le Tribunal et que celui-ci n'a pas retenus sont fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeSimon,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de MeI..., représentant l'association Multiculturelle 1432, et de MeC..., représentant M. K...et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 12 avril 2016, le maire de la commune de Le Crès a accordé à l'association Multiculturelle 1432 un permis de construire en vue de la création d'un local associatif par changement de destination d'un bâtiment situé 2 rue du Couchant en zone UI du plan local d'urbanisme de la commune. Ce local est, aux termes de la notice du projet, " destiné à la communauté musulmane du Crès et des environs. Les activités prévues dans le local sont le soutien scolaire aux enfants en difficulté, des manifestations festives et la réalisation des cinq prières quotidiennes ". Par un jugement du 15 février 2018, dont l'association Multiculturelle 1432 fait appel, le tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de M. K...et autres, cet arrêté. M. K...et autres demandent, par la voie de l'appel incident, l'annulation de ce jugement en tant qu'il n'a pas retenu tous les moyens qu'ils avaient articulés devant le tribunal.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande devant le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

4. En l'espèce, le local, dont le changement de destination est autorisé par l'arrêté en litige, a été apprécié par la commission de sécurité au regard de la réglementation sur l'accueil du public comme ayant une capacité maximale de 264 personnes, dont 167 personnes pour la seule salle de prière dont l'objet est d'accueillir les fidèles cinq fois par jour. Dans ces conditions, eu égard aux difficultés de circulation pouvant être induites par l'importance de cette fréquentation, M. K...et autres qui justifient être propriétaires ou locataires Rue du Couchant ou Rue de la Draye laquelle est située dans le prolongement de la Rue du Couchant justifient, ainsi que l'a jugé le tribunal, d'un intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté du 12 avril 2016.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 12 avril 2016 :

5. Pour prononcer l'annulation de cet arrêté, le tribunal s'est fondé, d'une part, sur la méconnaissance des articles R. 431-5, R. 431-6 et R. 431-9 du code de l'urbanisme et, d'autre part, sur le non-respect des prescriptions de l'article UI.12 du règlement du PLU.

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire précise : c) La localisation et la superficie du ou des terrains ", aux termes de l'article R.431-8 de ce même code : " Le projet architectural comprend une notice précisant :1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ;2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet :a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ;c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ;d) Les matériaux et les couleurs des constructions ;e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement " et aux termes de l'article R. 431-9 de ce code: " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu ". Par ailleurs, l'article UI.13 du règlement du plan local d'urbanisme dispose : " Espaces libres et plantations - espaces boisés classés : Les espaces non bâtis doivent être plantés à raison d'un arbre de haute tige par 50 m² de terrain. Les plantations existantes doivent être maintenues. Les arbres abattus doivent être remplacés. (...).

7. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

8. En l'espèce, il est vrai que la notice de présentation ne comporte aucune indication sur l'état initial du terrain et sa superficie, ni sur les éléments paysagers existants, ni enfin sur le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer. Toutefois, le permis en litige se borne à autoriser un réaménagement intérieur du bâtiment, son changement de destination, la création de petites ouvertures en façade et la création de places de stationnement côté rue, rien d'autre n'étant supprimé ou modifié par rapport à l'existant. Or, la pièce PC 6 du dossier de demande montre que la surface concernée par la création des places de stationnement était dépourvue de toute plantation. Il en découle que le service instructeur a été mis à même d'apprécier le traitement des espaces verts et a ainsi été mis à même de porter une appréciation notamment sur la conformité du projet à la règle posée par l'article UI 13 du règlement du PLU. Ainsi, l'appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 431-5, R. 431-6 et R. 431-9 du code de l'urbanisme était fondé.

9. Mais, en second lieu, aux termes de l'article UI.12 du règlement du plan local d'urbanisme : " Prescriptions générales : Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions et installations, doit être assuré en dehors des voies publiques. (...) Il est exigé :- pour les constructions à usage de bureau, y compris les bâtiments publics : une surface affectée au stationnement au moins égale à 60% de la surface de plancher de l'immeuble ;- pour les commerces courants, restaurants, salle de sport : une surface affectée au stationnement au moins égale à 60% de la surface de plancher de l'établissement ;- pour les activités industrielles et artisanales : une place de stationnement pour 2 emplois ; - pour les activités hôtelières et d'hébergement : une place de stationnement par chambre ; - pour les constructions à usage d'habitation : 2 places de stationnement par logement. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un projet n'entre dans aucune des catégories pour laquelle l'article UI 12 a fixé un nombre minimal de places de stationnement, il appartient à l'administration de rechercher, sous le contrôle du juge, l'adéquation entre le nombre de personnes fréquentant la construction et le nombre de stationnements prévus. Il y a lieu de tenir compte dans cette appréciation de la possibilité d'y accéder par les transports en commun et de stationner, le cas échéant, sur des emplacements de parking situés à proximité et ouverts au public.

10. En l'espèce, d'une part, contrairement à ce que soutient l'appelante, son projet ne rentre pas dans la rubrique " constructions à usage de bureau, y compris les bâtiments publics " dès lors que l'équipement projeté par l'association, s'il comprend 2 bureaux, l'un d'une surface de 4,78m² et l'autre de 4,42 m², est destiné, aux termes du formulaire Cerfa, à être, à titre principal, un lieu de culte et, de façon annexe, à permettre de dispenser du soutien scolaire sans que celle-ci ne puisse utilement se prévaloir du fait qu'un tel équipement est d'intérêt collectif.

11. D'autre part, alors qu'il est constant que le projet n'entre dans aucune des autres catégories pour laquelle l'article UI 12 a fixé un nombre minimal de places de stationnement, la réalisation de sept places de stationnement en sus des deux existantes, ne correspond manifestement pas aux besoins engendrés par le projet eu égard au nombre indiqué au point 5 de personnes pouvant être accueillies en même temps dans le lieu et cela même si, comme le soutient l'association, toutes les activités ne se déroulent pas en même temps, l'appelante indiquant elle-même qu'une centaine de personnes assistent à la prière du vendredi. Par ailleurs, et alors qu'il n'est pas contesté l'absence de transports en commun pouvant desservir le lieu, le nombre de places de stationnement accessibles au public, soit environ 25, existant à proximité dont fait état l'association est insuffisant pour pallier cette insuffisance alors que de surcroît leur caractère excédentaire au regard des besoins d'utilisation des habitations environnantes n'est pas démontré et que l'un des deux lieux de stationnement est le parking d'un supermarché. Enfin, il n'est pas démontré que les incitations faites par l'association vis-à -vis des fidèles et les usagers du local à la pratique du covoiturage seraient suivies dans une proportion suffisante. Il suit de tout ce qui précède que c'est sans erreur de droit ni d'appréciation que le tribunal a estimé que le projet avait été autorisé en méconnaissance des dispositions de l'article UI 12 du règlement du PLU.

12. Il résulte de ce qui précède que l'association Multiculturelle 1432 n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 12 avril 2016.

Sur l'appel incident :

13. M. K...et autres demandent l'annulation du jugement en tant que les premiers juges n'ont pas retenu l'ensemble des moyens qu'ils avaient développés. Toutefois, dès lors que le tribunal a entièrement fait droit aux conclusions de leur demande, leurs conclusions, qui sont en réalité dirigées, non contre le dispositif du jugement attaqué mais contre certains de ses motifs, ne sont pas recevables.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. K...et autres, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, versent à l'Association Multiculturelle 1432 la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'appelante et de la commune de Le Crès une quelconque somme au titre de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'Association Multiculturelle 1432 est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par M. K...et autres sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association Multiculturelle 1432, à M. B...K..., à M. E...J..., à M. L...D..., à MmeN...O...H..., à M. G... F...et à la société " Espace Forme " .

Copie en sera adressée à la commune de Le Crès.

Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018, où siégeaient :

- MmeBuccafurri, présidente,

- MmeSimon, président-assesseur,

- MmeM..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 novembre 2018.

2

N° 18MA01549


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA01549
Date de la décision : 13/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Procédure d'attribution - Demande de permis.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation locale.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Frédérique SIMON
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : BRAS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-11-13;18ma01549 ?
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