Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 16 juin 2016 par lequel le maire de la commune de la Grand Combe a prononcé à son encontre la sanction temporaire d'exclusion de fonctions pour une durée d'un an, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux daté du 4 juillet 2016 né du silence gardé par le maire et, d'autre part, l'arrêté du 16 août 2016 par lequel le maire de cette commune a ramené cette sanction à une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de dix mois assortie d'un sursis de cinq mois et d'enjoindre à la commune de reconstituer sa carrière pendant la période de son exclusion.
Par un jugement n° 1602951 du 22 février 2018, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 16 août 2016 du maire de la commune de la Grand Combe et a enjoint au maire de reconstituer la carrière de M. D...à compter de la date d'intervention de l'arrêté du 16 août 2016, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 14 mars 2018 sous le n° 18MA01166, la commune de la Grand Combe, représentée par la SCP d'avocats Brun Chabadel Expert Piton, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 février 2018 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de rejeter la demande de M. D...;
3°) de mettre à la charge de M. D...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle établit la matérialité des faits reprochés à son agent ;
- les justifications données par le requérant ne sont pas probantes ;
- les faits reprochés, d'ordre privé, ont créé des difficultés pour le fonctionnement des services municipaux;
- la décision du 5 décembre 2016 du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nîmes, postérieure à la décision en litige, classant sans suite la plainte pour usurpation d'identité engagée par l'autre agent communal ne doit pas être prise en compte par l'autorité disciplinaire en raison de l'indépendance des procédures pénales et disciplinaires ;
- le manquement à l'obligation de probité de son agent justifie la sanction en litige ;
- le conseil de discipline a proposé la sanction litigieuse ;
- la proportionnalité de la sanction n'est pas discutée par le requérant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2018, M.D..., représenté par la SCP d'avocats Bez B...Deloup Gayet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de la Grand Combe la somme de 2 666 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée 14 mars 2018 sous le n° 18MA01167, la commune de la Grand Combe, représentée par la SCP d'avocats Brun Chabadel Export Piton, demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution du jugement du 22 février 2018 du tribunal administratif de Nîmes.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés dans sa requête au fond sont sérieux ;
- ils sont de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Nîmes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2018, M.D..., représenté par la SCP d'avocats Bez B...Deloup Gayet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de la Grand Combe la somme de 1 466 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me E...représentant la commune de la Grand Combe et de Me B...représentant M.D....
1. Les requêtes n° 18MA01166 et n° 18MA01167, présentées par la commune de la Grand Combe, sont relatives à un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
2. M.D..., adjoint administratif territorial de deuxième classe, a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 16 juin 2016 par lequel le maire de la commune de la Grand Combe a prononcé à son encontre la sanction temporaire d'exclusion de fonctions pour une durée d'un an, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux daté du 4 juillet 2016 né du silence gardé par le maire et, d'autre part, l'arrêté du 16 août 2016 par laquelle le maire de cette commune a ramené cette sanction à une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de dix mois assortie d'un sursis de cinq mois et d'enjoindre au maire de reconstituer sa carrière pendant la période de son exclusion. Par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 16 juin 2016 et de la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par M. D..., qui ont été nécessairement rapportées par l'arrêté du 16 août 2016, étaient devenues sans objet, ont annulé cet arrêté du 16 août 2016 et ont enjoint à la commune de la Grand Combe de reconstituer la carrière de M. D...à compter de la date d'intervention de l'arrêté du 16 août 2016, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Sous le n° 18MA01166, la commune de Grand Combe relève appel du jugement du 22 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté. Sous le n° 18MA01167, la commune de Grand Combe demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. Pour annuler l'arrêté du 16 août 2016 du maire de la commune de la Grand Combe prononçant l'exclusion temporaire de fonctions de dix mois avec sursis, les premiers juges ont estimé que la commune n'établissait pas la matérialité des fais reprochés à M.D....
4. L'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. L'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 dispose : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ;Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation. (...)". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
5. Pour prononcer à l'encontre de M. D... la sanction en litige du 16 août 2016, le maire de la commune de la Grand Combe s'est fondé sur le motif tiré d'un "porté à connaissance d'un litige entre deux agents de la collectivité suite à la déclaration par ce dernier d'une fausse identité en usurpant celle d'un de ses collègues avec qui il entretient des relations conflictuelles". Il ressort des pièces du dossier que la commune doit être ainsi regardée comme reprochant à M. D...d'avoir, lors d'un accident de la circulation survenu le 21 janvier 2016 à 8 h 30 avec un tiers, donné à ce tiers, pour établir ultérieurement le constat d'accident, les coordonnées d'un autre agent de la commune avec lequel il entretenait des relations conflictuelles et d'avoir ainsi usurpé l'identité de ce collègue, en méconnaissance de l'obligation de probité qui incombe à tout fonctionnaire. Pour retenir la matérialité de ces manquements, la commune s'est fondée sur la déclaration, par lettre du 8 mars 2016, du tiers à l'accident, qui affirme avoir formellement reconnu, lors de son audition à la gendarmerie de la Grand Combe, M. D...comme la personne qui n'a pas souhaité remplir tout-de-suite le constat amiable et qui lui aurait remis les coordonnées téléphoniques de l'autre agent communal et sur le fait que le numéro d'immatriculation du véhicule relevé par ce tiers aurait permis d'identifier le véhicule de M. C...D.... La commune s'est aussi appuyée sur le fait que les éléments apportés par ce dernier pour établir qu'il n'était pas présent lors de cet accident n'étaient pas probants, comme l'a relevé le conseil de discipline intercommunal, qui dans sa séance du 10 juin 2016, a estimé les faits reprochés à M. D...comme avérés. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment du constat d'accident amiable établi le 4 février 2016 à la gendarmerie de la Grand Combe, que le conducteur du véhicule en tort lors de la survenance de cet accident est le frère de M. C...D..., M. A...D.... Ce dernier produit des témoignages circonstanciés et non stéréotypés qui affirment avoir vu l'agent territorial le 21 janvier 2016 à 8 h 30 en un lieu éloigné de celui de la survenance de l'accident litigieux. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que la commune, à qui incombe la charge de la preuve, n'établissait pas la matérialité des faits reprochés à son agent. Les premiers juges en mentionnant par un "d'ailleurs" que le procureur de la République près du tribunal de grande instance de Nîmes a classé sans suite le 5 décembre 2016, soit postérieurement à la décision en litige du 16 août 2016, la plainte déposée par l'autre agent communal pour usurpation d'identité à l'encontre de M. D..., au motif que l'infraction ne paraissait pas suffisamment constituée ou caractérisée, l'enquête n'ayant pas permis de rassembler des preuves suffisantes, n'ont pas méconnu le principe de l'indépendance des sanctions pénales et administratives. La circonstance que ces deux agents territoriaux entretenaient depuis longtemps des relations conflictuelles et que la plainte pour harcèlement moral déposée le 24 avril 2017 devant le tribunal correctionnel d'Alès par M. D... contre le maire et certains agents communaux a fait l'objet d'un classement sans suite ne permettent pas d'établir la matérialité des faits reprochés. Par suite, et sans que la commune ne puisse utilement soutenir que ces faits commis entre deux agents communaux auraient créé des difficultés pour le fonctionnement de la mairie, l'arrêté litigieux est fondé sur des motifs dont l'exactitude matérielle n'est pas établie, contrairement à ce que soutient la commune de la Grand Combe et a été ainsi annulé pour ce motif à bon droit par les premiers juges.
6. Il résulte de ce qui précède que la commune de la Grand Combe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé l'arrêté du 16 août 2016 du maire de la commune de la Grand Combe et ont enjoint au maire de reconstituer la carrière de M. D...à compter de la date d'intervention de l'arrêté du 16 août 2016, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement attaqué.
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
7. Dès lors qu'elle se prononce sur les conclusions de la commune de la Grand Combe tendant à l'annulation du jugement contesté, il n'y a pas lieu pour la Cour de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de la Grand Combe une somme de 2 000 euros à verser à M. D... au titre des frais qu'il a exposés dans les deux présentes instances et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à l'exécution du jugement du 22 février 2018 du tribunal administratif de Nîmes.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de la commune de la Grand Combe est rejeté.
Article 3 : La commune de la Grand Combe versera la somme de 2 000 euros à M. D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour les deux instances engagées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de la Grand Combe et à M. C...D....
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente de chambre,
- Mme Simon, président assesseur,
- Mme Carassic, première conseillère.
Lu en audience publique, le 13 novembre 2018.
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N° 18MA01166 - 18MA01167